- Sans doute le français a-t-il la réputation d'être bricoleur mais c'est néanmoins des pays anglo-saxons et surtout de la Grande-Bretagne que nous vient la mode des kits automobiles, dont l'implantation tarde à se préciser chez nous.
Il est vrai que les conditions de vie ne sont pas semblables des deux côtés de la Manche. En Angleterre, c'est bien souvent le règne de la petite maison particulière, du bout de jardin, du hangar "personnalisé". Chez nous, malheureusement, la tendance est plutôt aux grands ensembles, aux boites de conserve gigantesques où s'entassent, à jamais théoriques, les rêves confus d'une humanité castrée. Quels que soit l'habileté dont on puisse faire preuve, il parait difficile de procéder dans les 60 m2 d'un quatre pièces-cuisine, au montage d'une voiture et, plus compliqué encore, de la descendre du sixième étage une fois achevée, même lorsque I 'ascenseur fonctionne.
Le kit est pourtant une solution intéressante sur le plan financier et l'on peut prendre comme exemple la BSH que je viens d'essayer brièvement. De quoi s'agit-il ? Simplement d'un châssis sur lequel vient se monter une carrosserie de coupé deux places en plastique, le tout étant mû par une mécanique de Renault R8 Gordini. Le processus est simple on achète d'une part le kit que l'on paie actuellement 9 250 F TTC et, d'autre part, une R8 Gordini accidentée dont le prix oscille en ce moment entre 2 000 et 4 500 francs, suivant l'année et l'état général. Ensuite, il ne reste plus qu'à jouer au mécano. Richard Vergnot détaille par ailleurs le processus de montage mais on peut déjà noter ici qu'il est à la portée de n'importe quel amateur moyennement éclairé, à la seule condition de disposer d'espace, de temps et d'un certain outillage.
La BSH n'est certes pas ce qu'on pourrait appeler une jolie voiture. Elle peut à la rigueur être considérée comme une sorte de bébé Ferrari P.4, la réduction ayant bien entendu nui au respect des proportions. Elle est longue de 3,95 mètres, large 1,55 mètre et sa hauteur atteint 1,13 mètre. A ce propos, j'avoue d'ailleurs avoir été surpris par l'importance relative du volume disponible au-dessus de la tête du pilote. Etant donné la position de conduite allongée, il était parfaitement possible de gagner au minimum 2 cm et de réduire donc le maître couple, au profit de l'élégance de la silhouette et, surtout, des performances.
Sur la voiture dont je disposais et qui était l'un des premiers exemplaires construits, la colonne de direction était implantée tellement bas qu'il devenait vraiment très difficile de glisser la jambe droite par dessous le volant, pourtant minuscule, afin de s'installer à la place du pilote. Il restait néanmoins une solution pour améliorer l'accessibilité : reculer le siège à fond, cette manoeuvre étant facilitée par une marge de réglage considérable.
Vers l'avant, la visibilité est très bonne. Le court capot plongeant dégage parfaitement la route et l'on conduit au millimètre près, guidé par les protubérances de passages de roues. Evidemment, l'arête avant du capot est invisible mais l'oeil apprend vite à apprécier la marge de sécurité indispensable. Les montants latéraux de pare-brise sont bien placés par rapport au conducteur et la visibilité latérale est également satisfaisante. Vers l'arrière, des jalousies, style Lamborghini, permettent de surveiller la route de façon acceptable mais il existe indéniablement le même angle mort que sur bon nombre de coupés, à savoir par trois-quarts arrière.
L'esthétique générale est très discutable. La proue n'est pas vilaine mais la voiture donne l'impression de basculer vers l'avant - ce qui ne semble pas mauvais au point de vue adhérence - et l'arrière est vraiment massif, dans le style "camionnette". Cela dit, la silhouette est impressionnante et n'est pas sans semer la perturbation dans les jeunes esprits des deux sexes tandis que les visages plus rassis ne sont pas sans exprimer une perplexité parfois douloureuse. Je ne parlerai pas de finition puisqu'elle peut varier dans des proportions infinies, en fonction des goûts et de l'habileté du constructeur amateur. Je noterai néanmoins que l'aspect des éléments livrés à la clientèle se prête plus à la réalisation d'une voiture fonctionnelle qu'à celle d'un modèle d'exposition de Salon.
BSH signifie Benais - Saint-Hilaire. Ces deux noms désignent les promoteurs de l'opération, professionnels de l'automobile, agents Renault, Alpine et réalisateurs d'un Dune-Buggy à moteur Volkswagen, par ailleurs. On le devine, la maison BSH ne possède pas l'envergure de Citroën ni même celle d'Alpine. Il n'en demeure pas moins que la présentation de cette voiture dans les colonnes de L'Auto-Journal représente pour ces deux artisans un événement commercial important. J'ai donc été déçu de me voir confié une voiture sale, bourrée de vieux papiers et garnie d'une mécanique plus ou moins essoufflée. Il y a des moments dans l'existence où il faut savoir faire un effort mais, apparemment, MM. Benais et Saint-Hilaire ne devaient pas être en forme au moment de mon essai.
Quoi qu'il en soit, j'ai apprécié comme il convient les réactions routières de l'engin. Même avec du vent, la tenue de trajectoire de l'ensemble est bonne à toutes les vitesses et, après un court temps d'accoutumance, la direction très directe permet de passer courbes et virages dans de bonnes conditions d'agrément et de sécurité. A grande vitesse, la voiture survire très progressivement, avec beaucoup de douceur et l'usage simultané de l'accélérateur et du volant permet de la placer avec précision, par touches discrètes. La suspension est évidemment très ferme. Elle m'a rappelé certaines voitures de sport britanniques mais avec une bonne adhérence qui permet de conduire et de virer très rapidement, même sur un revêtement médiocre. Les freins sont également d'une bonne puissance et, en bref, la conduite sur route sinueuse est très agréable, en raison de la pureté et de la sobriété de style qu'elle autorise.
Je l'ai dit, la mécanique dont je disposais n'était vraiment pas en bon état, au point que j'ai dû renoncer à chronométrer un maxi ainsi qu'un kilomètre départ arrêté en raison des défaillances de la cinquième et de l'embrayage. Avec une voiture pesée par mes soins et affichant 660 kg - 250 kg sur l'avant et 410 kg sur l'arrière - j'estime que la vitesse de pointe de la voiture oscillait autour de 190 km/h. Avec un bon moteur, il n'apparaît pas ridicule de compter sur une augmentation de vitesse de l'ordre d'une trentaine de kilomètres par heure par rapport à une berline Gordini. Le poids étant par ailleurs abaissé d'environ 250 kg, le gain en nervosité sera également considérable.
Invinciblement, la comparaison avec l'Alpine dotée d'une semblable mécanique, s'impose à l'esprit. La BSH est indéniablement moins jolie mais plus étrange. La visibilité est meilleure, le volume habitable plus important, avec un confort qui, après tout, sera surtout fonction des réglages de la suspension. Au point de vue tenue de route, la tenue de trajectoire de la BSH en ligne droite est sans doute supérieure à celle d'une Alpine tandis qu'en virage, elle sera peut-être un peu plus glisseuse de l'arrière quoique, là encore, un bon réglage puisse influer sur les résultats. Quant aux performances chiffrées, il est fort possible qu'à puissance égale, elles donnent à l'Alpine l'avantage en vitesse de pointe et à la BSH en nervosité, en raison de sa légèreté. Mais, à dire vrai, la grosse différence n'est pas là : elle réside dans le prix car une BSH montée par son propriétaire revient approximativement deux fois moins cher qu'une Alpine, cela avec des satisfactions de conduite malgré tout comparables, au volant d'un engin relevant - il faut le souligner - plus de l'engin de piste que de la voiture de tourisme.
C'est sur cette note, quand même très favorable à la BSH, que je conclurai. Cette voiture n'est pas faite pour l'automobiliste "moyen". Seul le mordu en sera satisfait mais elle permet à bon compte de s'offrir les mêmes sensations qu'au volant d'une voiture de sport nettement plus coûteuse, sans parler de la satisfaction quand même inhabituelle d'avoir réalisé soi-même son automobile.
- André Costa
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