- Un pour toutes, toutes pour un !
A l'heure où Gilles Dupré a tracé les premières esquisses de la Berlinette Echappement, encouragé par un nombre considérable d'entre-vous, il n'existait qu'un moteur sportif d'avenir en France : le 16 soupapes Peugeot. Apparu dans la 405 Mi 16, il a ensuite endiablé la 309 GTI 16. Aujourd'hui, outre la cousine ZX, il équipe l'héritière 306. De la Berlinette est née la Barquette. De la Sl6 est extrapolée la 306 Coupe. Et tout ce beau monde se retrouve les dimanches de Rencontres Peugeot-Sport.
Pour nous rendre au Vigeant, nous empruntons évidemment une 306 S16. Elle va servir d'étalon entre sa version Coupe et la Barquette. Cette fois, ils nous l'ont soignée. Exit les calamiteux P4000e, qui ont parfois équipé nos S16. Lors de notre dernière rencontre, ils nous avaient forcé à lui coller un méchant 2 en Comportement, alors que son châssis ne mérite que des 10 lorsqu'elle est chaussée de Michelin Pilot SX GT. Cela ne veut bien sûr pas dire que Pirelli ne sait pas faire de bons pneus. Le manufacturier italien développe des enveloppes de pointe et depuis belle lurette. Cela ne signifie pas non plus que Peugeot a homologué n'importe quoi sur sa S16. Il semblerait donc qu'il y ait eu une dérive, entre les gommes de présérie et celles de série. Toujours est-il que nous avons conduit de nombreuses S16 et pouvons les ranger en deux catégories : celles qui sont équipées de XGT et celles qui sont affublées de P4000e. Cette fois, à force de râler, nous en avons une bonne.
Et, un bonheur ne venant jamais seul (?), cette 306 nous semble particulièrement virulente. Son moteur paraît avoir retrouvé une certaine rage... au moment où il s'apprête à échanger son peu convainquant système ACAV (collecteur d'admission à "géométrie" variable) contre une douzaine de chevaux supplémentaires et un sixième rapport de boîte. Nous ne nous sommes pas amusés à peser et chiffrer cette S16. L'expérience nous apprend en effet qu'il est de toutes façons impossible de retomber dans le même kilo et le même dixième de seconde - y compris avec le même exemplaire et le même jour ! A cause des conditions météo changeantes, température entre autres, et des dérives naturelles de fabrication. Bref, au moins subjectivement, cette 306 S16 nous emballe. Et cela ne fait que commencer... !
Entre la 306 des villes et la 306 des champs de course : un kit Peugeot et beaucoup de main d'oeuvre
- Essais libres au Val-de-Vienne
Le vendredi, il y a déjà du monde dans le paddock. Peut-être moins qu'à Nogaro, qui était, il est vrai, le théâtre de la toute première course. Du côté des deux semi-remorques Peugeot Sport, il n'y a toujours que neuf 306, plus celle du journaliste invité. Autour du fourgon Automobiles Michel Hommell, le plateau s'est porté de six à huit Barquette. Grâce à Philippe Couesnon, le pèlerin du GT de série et à notre Carlos Gomes, docteur ès-Rubalise et autres banderoles Echappement. D'ici la fin de saison, il devrait bien accueillir encore quelques enthousiastes (dernière heure : il y aura au moins neuf Barquette à Lédenon). Quant à celui des 306, c'est carrément une poignée de concurrents supplémentaires qu'il attend. Certains étant d'ailleurs déjà inscrits : venez vite, parce que vous ratez quelque chose !
Pour notre part, nous avons rendez-vous avec deux belles jaunes : la 306 de Ludovic Bellinato et la Barquette de Christophe Grigné. Le premier a débuté, victorieusement (!) l'an dernier en 205 rallye, déjà lors des Rencontres. Ce qui lui a valu de figurer sur la liste des nominés pour l'élection de l'espoir de l'année Echapperaient. Le second a disputé quelques courses en Caterham. Pour avoir essayé ces engins dans le numéro précédent, nous comprenons pourquoi il pilote aussi proprement, va aussi vite et... remporte les deux premières épreuves de notre Coupe.
Pour courir en Barquette en cette première année, une seule solution, forcément : acheter une automobile neuve, puisque les huit premières engagées sont aussi les huit premières construites. Ce, après les deux prototypes de développement et d'homologation et avant les huit autres commandées à ce jour, par des écoles de pilotage. Comme Gérard Poussin à Nogaro, Carlos Gomes est venu par la route ! Histoire d'inscrire quelques centaines de kilomètres au compteur, afin que Patrick et Manu puissent effectuer le premier service avant les essais. Christophe Grigné n'en est plus à ce stade et, avec son père, ils apportent leur Barquette sur remorque. Ensuite, ils vérifient la pression des pneus et les niveaux. Comme sur les 306 et pour cause, celui d'huile est très important. Trop haut, il coûte de la puissance. Sur les berlines, qui courent en slicks, c'est encore plus crucial, il faut viser juste entre le panache de fumée et... l'embiellage.
Dès la deuxième course, ce problème semble maîtrisé sur les 306. Autre évolution : les antibrouillards sont déposés (autant de moins à casser), ainsi que les pare-boue en plastique devant les roues avant. Mais cela ne suffira pas à améliorer l'endurance des freins, qui recevront de nouvelles plaquettes pour Lédenon. Sa voiture, Ludovic se l'est construite en famille. Il met la main sur un "retour de vol" : une S16 presque complète - il manque, entre autres, la fameuse calandre qui lui vaudra d'être déclassé. Mise à prix : environ 50 000 F. Ensuite, il acquiert une coque nue, vendue dans les 9 000 F. Et même moins, pour ce qui concerne la sienne, un peu abîmée. Toujours à la Boutique Peugeot Sport, il achète le kit imposé, 35 000 F, qui comprend l'arceau. Celui-ci part se faire souder dans la coque, renforcée par ailleurs, chez Matter. Ensuite, il reste à ne pas compter les heures de remontage et, particulièrement dans ces cas-là, c'est chouette d'avoir un grand frère. Le kit doit être complété par quelques menues fournitures, joints par exemple, qui alourdissent la facture de quelques gros billets. Avant de tirer le trait et faire l'addition, il faut encore signer un chèque conséquent d'une vingtaine de mille, pour compléter la collection de roues. Cette dernière se doit de comprendre deux trains de six : un pour le sec en S9B, un pour la pluie en P2A. Bilan de l'opération : en se débrouillant très bien et ne se montrant pas fainéant, on arrive à ne pas dépasser le prix d'une S16 de série neuve : un gros 150 000 F. Auxquels pourront s'ajouter, au gré des primes gagnées, un différentiel "Boutique", voire une boîte de vitesses et autres babioles sélectionnées...
Côté Barquette, le ticket d'entrée est å 199 000 F, auxquels s'ajoutent tout d'abord, 1 900 F d'option MXX3, obligatoires en course et qui remplacent les Michelin XGTV d'origine - ils ne sont pas vraiment plus performants sur les Berlinette et Barquette mais plus résistants. Vient ensuite le kit sécurité à 2 700 F : extincteur, coupe-batterie à commande extérieure, attaches de capot arrière, anneaux de remorquage. A compléter par un harnais : de 490 F pour un quatre points, à1 860 F pour un six points de trois pouces de large. En ce qui concerne l'arceau, il en existe déjà un à l'origine. Dans les Berlinette qui disputent le Challenge, en rallyes et courses de côte, il convient tel quel. Sur les Barquette, il a dû être rehaussé et incliné vers l'avant, pour se rapprocher de la tête du pilote et complété d'un tube central qui plonge dans l'habitacle. En conséquence, la deuxième série de cinquante châssis, commandée à l'atelier Prototypes de Citroën Rennes, n'a pas d'arceau. Ou, plutôt, prévoit de recevoir l'un ou l'autre modèle, désormais entièrement boulonné, selon qu'il se destine à une Berlinette, une Barquette de route ou une Barquette de course (4 000 F). Seule autre différence entre ces deux dernières : la sortie d'échappement (tous les quinze jours, dirait Fred). En effet, une fois arrivé sur le circuit, vous déposez le silencieux et montez le pot piste (1 800 F). Vite effectuée, cette petite opération, qui ne touche pas au catalyseur, a le mérite de donner à la Barquette un timbre plus viril, avec un niveau sonore parfaitement supportable. Le plus dur ayant été de développer, toujours avec Devil, un échappement plus libre sans... perdre de puissance.
Pour la Coupe, le moteur de la 306 arbore une admission directe mais cache deux arbres à cames, une gestion et un carter cloisonné spécifiques. Les slicks 18-58x15 qui remplacent les 195/55 VR 15 de série, représentent une grosse partie de la progression. De passionnante en série, la 306 devient percutante en version Coupe : allégement, augmentation de puissance, suspensions retarées et, surtout, pneus slick.
Tractions contre propulsion
Maitre Philippe en a terminé des figures imposées au volant de son Canon. Passons aux libres ou plutôt, au programme court car la piste va bientôt être rendue aux essais. L'essayeur ne s'accorde donc que deux tours chronométrés et en se limitant quelque 500 tr/mn en dessous du régime maxi. Une boucle de lancement avec la 306 de série. Un régal ! Elle n'est pas conçue pour sur circuit et pourtant... Telle quelle, juste sortie du carton et débarrassée du ruban, la S16 se comporte comme un engin diabolique d'efficacité. Un vrai cadeau, qui dispense un plaisir formidable. Ça, une traction ? Aussi agréablement survireuse ; juste ce qu'il faut, pour n'avoir qu'à braquer un minimum et pouvoir accélérer un maximum en sortie de courbe... Et moteur qui envoie arrêt, bien servi par vitesses bien étagées... Géniale ! Sauf que, si vous êtes d'accord, le premier tour chrono, on ne va pas le compter. J'explique. En fait, il n'y a rien à expliquer, parce que ça ne fait que confirmer un fait. L'ABS, c'est comme la tarte au concombre : c'est pas bon, hein Madame ! Dans un freinage en appui - et elle en prend de bons, la Sl 6 - les roues d'un côté ne touchent plus terre et la pédale devient de bois. Du coup, le premier double droit se transforme en droit/tout droit. On l'efface, on le refait et on note : 2'17"84.
A la jaune. Ludovic l'a chauffée. Même exercice, en se limitant à 7 300 tr/mn. Là, ça survire moins. Et, pour tout dire, ça sous-vire même un peu. Normal, elle reste en sous-vitesse. D'autant plus qu'avant de la confier, son propriétaire prévient : "Nous avons un souci avec les freins. Nous allons essayer une purge (après la prise en main ! N.D.L.R.). En attendant... fais gaffe". N'empêche, même en conservant une bonne marge par rapport au potentiel réel, la 306 Coupe, ce n'est pas une punition. Le moteur gronde à ravir, l'antiblocage n'est plus là pour empêcher de freiner en rond et on va où l'on veut. Avec le train avant au carrossage augmenté, ça entre vivement dans les courbes. Mais, en n'arrivant pas assez sur les freins, on enroule moyennement et on se retrouve un peu trop braqué en sortie. D'où une motricité limitée - alors qu'elle était apparue totale à Nogaro, sur la voiture-invité. Ça sera réglé pour la course et Ludovic Bellinato remportera la deuxième manche. Bref, d'une part cette 306 a perdu un quintal et demi, d'autre part, elle a gagné plus de vingt chevaux. Bilan : 2'11"20. Soit six grosses secondes d'amélioration. Dont une bonne moitié est à mettre au compte, ne l'oublions pas, des pneus de course.
Avec la Barquette, c'est pire. Etant donné que les essais reprennent, nous avons droit à un seul tour chronométré ; pas deux. Dans ces conditions, pas de joker, pas de droit à la moindre fantaisie, genre : freinage tardif ou travers appuyé. Alors, on joue la sécurité totale. Il faut absolument rapporter la voiture (c'était prévu dès le départ) mais aussi des photos et un temps comparable. Le tout en passant de deux tractions, dont la dernière en slicks, à une propulsion en pneus de série. Alors, autant vous l'avouer tout de suite, la Barquette aussi va rester en dessous de son véritable potentiel et en léger sous-virage. Pourtant, avec son moteur arrière, elle ne demande qu'à enrouler. Un vrai bonheur. Si l'on en fait un peu trop, elle se rattrape très facilement, sauf que ça ne fait pas gagner de temps. C'est sûr, les pneus de route la rendent plus facile à récupérer. En revanche, ils réclament encore plus de précision et de douceur dans les gestes, pour ne pas accentuer les mouvements de caisse. Résultat : 2'13"67, à deux secondes et demie de la 306 Coupe. Et on ferait évidemment le même temps, avec une Barquette de route, puisque, par définition, celle-ci en est une. Même en ne s'accordant que 6 500 tr/mn - ce qui correspond d'ailleurs à la puissance maxi - on se fait un plaisir immense et on apprécie l'étagement des six vitesses. Impossible de ne pas être toujours au bon régime. Quant au pot piste... Dommage, il faut laisser la place.
Dire que la 306 S16 nous arrive incessamment avec du rabe : 12 ch et 1 vitesse de plus ! Dire que la 306 Coupe devrait avoir une boîte 6 en 97 ! Dire que l'an prochain, il y aura peut-être des Barquette d'occasion... !
Seules différences entre la route et la course : l'arceau, ça se voit et l'échappement, ça s'entend ! Le train arrière provient de la série - c'est un ensemble avant de 405 Mi 16 ! Mais sa boîte comporte 6 vitesses. Michelin MXX3 205/45 ZR 16 à l'avant et 225/45 ZR 16 à l'arrière. Route ou circuit, la Barquette conserve les mêmes pneus.
Yves Bey-Rozet, photos Philippe Maitre
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