- La berlinette Echappement vient d'entrer en production. Cette sportive sans concession est aujourd'hui homologuée et prête à se lancer sur les routes de France.
Deux ans déjà que la Berlinette Echappement a été dévoilée au Mondial de l'Automobile. Entre-temps, en juin 93, nous vous avions raconté le début de l'histoire. Comment le projet avait germé dans la tête de Gilles Dupré, alors Rédacteur en Chef d'Echappement, et comment notre patron, Michel Homrnell avait osé relever le défi de la produire en petite série. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, et la Berlinette a fait du chemin. Sur l'anneau de Montlhéry, sur le circuit de Lohéac, et aussi sur les pistes Michelin. Autant d'essais qui ont donné angoisses et sueurs froides à ses concepteurs au fur et à mesure que des problèmes nouveaux apparaissaient.
Mais, même s'il en subsiste encore, les obstacles ont été franchis les uns après les autres. Grâce au travail acharné et obstiné de Gilles Dupré et de son équipe, mais aussi grâce à des fournisseurs qui se sont investis plus que de coutume.
Nous avions déjà évoqué combien ce projet original avait, dès son lancement, déclenché un élan de sympathie auprès des fournisseurs. Aujourd'hui, leur liste s'est encore agrandie, et aux côtés de Peugeot, Michelin, Matra, la SMAN, Eurofac, Facom, Ektor, on trouve maintenant Citroën Rennes où sont produits les châssis, ou encore Hiot et Guillemot qui ont pris en charge l'étude des colles, peinture et vernis qui sont appliqués sur la Berlinette. La liste est longue mais elle est encore incomplète tant ceux qui se sont découverts une passion pour ce projet sont nombreux. Pour l'anecdote, sachez que le menuisier de Lohéac, qui vient de prendre sa retraite, a offert sa vieille camionnette aux Automobiles Michel Homrnell. Cela ne s'invente pas !
La Berlinette, conçue et imaginée par et pour des fanas, est d'abord destinée à un usage routier. Reste qu'il paraissait inconcevable que la voiture rêvée par les lecteurs d'Echappement ne puisse pas courir... Heureusement, le règlement publié par la FFSA signifiant le retour des GT de série dans les rallyes et les courses de côtes est arrivé à point. Ce dernier a, en quelque sorte, déterminé la cadence de production de la berlinette. En effet, pour être homologuée, une GT de série doit, selon cette nouvelle réglementation, avoir été produite en 50 exemplaires en un an. Ainsi soit-il, la Berlinette sera produite à raison de 50 exemplaires par an !
Dans le genre "prête à courir", on peut difficilement rêver mieux, nous en reparlerons plus loin. Mais, avant cela, il a fallu décrocher une homologation par type auprès du Service des Mines. Et ce ne fut pas une mince affaire. Le crash-test, la pollution, le bruit, l'éclairage, etc., toutes ces épreuves furent surmontées avec succès, mais les ongles de Gilles s'en souviennent encore... Il faut dire que les clients de la première heure attendaient leur voiture depuis deux ans. Il fallait donc que ça passe du premier coup. C'est passé. On s'est même aperçu après coup que l'on en avait trop fait.
Soucieux d'offrir aux futurs possesseurs de la Berlinette tous les équipements de sécurité qui sont normalement réservés aux voitures de course, Gilles avait programmé l'homologation d'un harnais 4 points en sus de l'obligatoire ceinture 3 points à enrouleur. On y a consacré temps, argent, et énergie. Tous les tests ont été réalisés, y compris celui de l'arrachement. Satisfaction: le harnais 4 points a été déclaré conforme à la feuille d'homologation européenne. Déception: quelques jours plus tard, l'administration faisait savoir que son utilisation était interdite pour un usage routier. Et vous trouvez ça drôle!
- 155 ch pour 980 kg
- L' essentiel est que la Berlinette Echappement est homologuée depuis le 29 juillet 1994. Sur le beau P.V. des Mines on peut lire ses caractéristiques définitives. Entre le proto que nous avions conduit l'année dernière et les voitures qui commencent à être livrées aux clients, il y a eu plusieurs évolutions dont une majeure.
Il s'agit du remplacement du 1,9 litre de 160 ch, par le 2 litres 155 ch catalysé de la 405 Mi 16. Le fournisseur, PSA, n'a pas changé mais la mécanique est vraiment différente. En bref, le bloc est en fonte et non plus en alliage, alésage et course sont identiques (86 mm), l'allumage est de type statique avec une bobine par cylindre, et le collecteur d'admission renferme des tubulures dont la longueur varie avec le régime moteur. Le grand bénéficiaire de toutes ces modifications, c'est le couple. Il passe de 18,4 mkg DIN à 5000 tr/mn, à 19 mkg DIN à 3500 tr/mn. Une amélioration d'autant plus intéressante qu'elle a été obtenue malgré l'adjonction d'un pot catalytique. Tout cela est de bonne augure pour les reprises, d'autant que l'étagement de la boîte spécifique à 6 rapports produite par la SMAN (filiale PSA) a été modifiée et que la berlinette tire désormais plus court en sixième.
Sur le châssis, aucune évolution notable depuis un an, sinon que les réglages sont désormais figés ou presque. On relève néanmoins que la Berlinette profite du changement de roues opéré par Peugeot pour la 605 SV 24. Elle adopte maintenant des jantes en alliage à 5 branches, plus larges d'un 1/2 pouce. Et puis, devant la faible consommation enregistrée avec les différents protos, la capacité des réservoirs a été descendue de 80 à 64 litres (2 x 32).
La Berlinette Echappement utilise un maximum de pièces provenant de la grande série, en l'occurrence la banque d'organes Peugeot/Citroën. Malgré cela, grâce à un dépouillement extrême, son poids tous pleins faits ne dépasse pas 980 kg. C'est peu, comparé au poids d'une 306 S16 qui, avec le même moteur, affiche 1160 kg sur la balance. C'est moins impressionnant comparé aux 975 kg de feue la 309 GTi 16. Si les performances de la Berlinette ont donc toutes les chances d'être proches de celles réalisées, à l'époque, par une bonne 309 16 soupapes, son comportement routier sera radicalement différent de celui d'une traction surmotorisée.
La Berlinette Echappement est une propulsion à moteur arrière, et toutes les caractéristiques de son châssis ont été définies pour une efficacité maximum. La forêt de tubes que constitue son châssis interdit de mettre en doute sa rigidité.
Ses suspensions, triangles superposés à l'avant, McPherson avec triangles inférieurs et tirants transversaux à l'arrière, utilisent un maximum de pièces de série mais en respectant à la lettre des épures destinées à favoriser au maximum le travail des pneumatiques Michelin (XGT-V ou MXX3 en option). Quant aux combinés ressort-amortisseurs, ils ont été puisés dans les catalogues Eibach et Bilstein, des équipementiers dont la réputation n'est plus à faire.
Le comportement routier, c'est là où l'on attend la berlinette au tournant !
Après une visite guidée de l'usine de Lohéac (voir plus bas), nous entamons l'essai sur circuit de l'exemplaire unique qui sert à la fois de prototype d'essais, de voiture de démonstration et d'exhibition. Pas le droit à l'erreur.
Pendant une fraction de seconde, je m'imagine en train d'expliquer à Michel Hommell que je viens de planter sa voiture. Je me suis dit: "C'est clair, si tu la sors, t'es viré !". Pour me faciliter la tâche, il pleut sans discontinuer depuis le début de la matinée...
- Hardi petit !
- Bon, quand faut y aller, faut y aller ! À l'intérieur de l'habitacle, l'ambiance est la même que dans celle du proto essayé il y a un an.
Très course, avec une instrumentation comme on en fait plus, des sièges baquet, un volant cuir à trois branches, un pédalier réglable, un levier de vitesses à proximité immédiate du volant, et... c'est tout ! Pas la moindre trace de moquette ou d'insonorisant. Contact direct avec la mécanique garanti. La seule petite évolution dont bénéficient les voitures définitives est d'ordre esthétique. L'intérieur des portes est désormais fini et peint comme la carrosserie.
Le contact se met avec la clé, mais le 2 litres 16 soupapes se met en route avec un bouton poussoir sur la console. Vissé par le harnais sur le baquet, j'y vais mollo, mollo. Les premiers tours sur piste mouillée sont une redécouverte. La Berlinette a mûri. Il faut dire que l'essai du premier proto avait été effectué alors que la voiture était en pleine séance de dégrossissage des réglages. Aujourd'hui, j'ai retrouvé une direction très directe, mais apprécié un nouvel équilibre. Dans les épingles, la Berlinette se comporte comme tous les coupés à moteur central arrière. Si l'on accélère trop tôt, elle sous-vire. Un phénomène accentué par le fait que son moteur est légèrement en porte-à-faux arrière et détermine une répartition des masses (37/63 %) qui charge fortement ses roues arrière. Il faut donc se montrer patient, attendre un peu avant d'accélérer franchement. En utilisant le bon mode d'emploi, elle enroule le virage à la perfection.
Dans les courbes moyennes, la Berlinette obéit au doigt et à l'oeil. C'est même là où elle est la plus impressionnante. En augmentant progressivement sa vitesse de passage jusqu'à la limite, on déclenche un léger sous-virage. Malgré le bitume mouillé, cela va vite, très vite. Les MXX3 assurent une adhérence élevée, et l'efficacité est bien là. Si cela sous-vire trop, il suffit de soulager un peu l'accélérateur pour que la Berlinette resserre immédiatement sa trajectoire. Elle répond sans temps mort aux ordres de son conduc... pilote ! En insistant, on déclenche un survirage facile à maîtriser mais qui pourrait déconcerter un conducteur non averti.
Entre facilité de conduite et efficacité, les concepteurs de la Berlinette ont choisi.
L'absence d'assistance à la direction ou au freinage n'est pas gênante. La voiture est légère. Notre séance d'essai sur bitume mouillé n'a pas impressionné ses quatre disques ventilés. Après deux séries de tours, je fus convaincu par ses qualités de pistard.
Gilles m'a alors proposé de poursuivre cet essai sur route ouverte.
- Sur la route
- Dans le cadre d'un usage routier, certaines des caractéristiques de la Berlinette se font plus évidentes. On relève par exemple l'excellent travail de ses combinés ressort-amortisseurs qui apparaissent fermes sans être inconfortables. On apprécie aussi un roulis très limité, et un étagement de boîte ultra-rapproché permettant d'exploiter à fond les ressources du 2 litres 16 soupapes. Autant ce dernier paraissait un peu juste en circuit, autant il s'avère à la hauteur sur un parcours routier. Ce n'est pas un foudre de guerre, mais il fait correctement son boulot.
Suffisamment pour que la Berlinette soit capable de distancer la plupart des GTI.
Avec une démultiplication finale courte et un poids plume, les reprises en sixième sont excellentes. En raison de la densité du trafic, je n'ai pas pu dépasser 210 km/h au compteur, mais j'ai constaté que cette vitesse est atteinte très rapidement. A cette allure, sur le bitume lisse de la voie rapide, la Berlinette file droit, sa tenue de cap est excellente.
N'allez pas trop vite en conclure que la Berlinette Echappement se comporte sur la route comme un coupé de grande série.
D'une part, son confort est "sportif". Au dessus de 160 km/h, elle fait un boucan infernal. D'autre part, ce qui constitue l'une de ses qualités en circuit, à savoir sa vivacité de réaction, pourrait surprendre voir déconcerter un conducteur non expérimenté.
Mais après tout, la Berlinette s'adresse à un public d'initiés. Et puis, rien n'est encore figé de façon définitive. Bien que les deux premières voitures aient déjà été livrées, le proto roule encore pour parfaire la mise au point, et surtout tout le staff des Automobiles Michel Hommell est à l'écoute permanente des clients qui sont expressément invités à donner leur avis (voir Rencontre avec Stéphane Grégoire). Nous avons donc pris rendez-vous dans quelques mois pour un essai approfondi, avec mesure des performances à l'appui.
En attendant, rendez-vous au salon de Paris début octobre. Les Automobiles Michel Hommell s'exposeront au regard des fanas, lesquels trouveront à qui parler en la personne de Gilles Dupré. Nous avons écrit "Les" Automobiles, car la Berlinette ne sera pas seule. Dans les couloirs de notre groupe de presse, nous avons entendu parler d'un cabriolet... .
Thierry Etienne, photos Patrick Sautelet
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