BERLINETTE ECHAPPEMENT
LES PREMIERS TOURS DE ROUES

le baptême - deuxiêmes essais
l'aventure continue

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LE BAPTEME



Elle a roulé ! Née au Salon de Paris, c'est sur l'anneau de vitesse de Montlhéry qu'elle fut baptisée. Un moment évidemment intense et émouvant. Alors, permettez-nous de vous le raconter avec plus d'émotion que de coutume.

C'est le mercredi 16 décembre - notre numéro daté janvier était déjà à l'impression - que s'est déroulé l'événement. Mais, vous vous en doutez, les jours précédents ont, eux aussi, été fertiles en émotions.
Première sensation forte : le vendredi 11, dans notre atelier de St-Cloud. Quelques fidèles bien informés sont là... par hasard ! Notre directeur général, Olivier Quesnel, aussi fondu d'automobile que notre grand patron Michel Hommell, est descendu de son bureau. Au téléphone, nous avons justement Michel. Dans sa voiture. Il fonce vers la Bretagne : une réunion de chantier l'attend à Lohéac, pour la petite usine de production de notre Berlinette. Bref, tout le monde est ému.

Premier coup de démarreur

Serge Caulé qui fabrique inlassablement chaque pièce depuis un an, est surexcité. Personne ne peut plus le retenir. Il a déjà mis le contact : il appuie enfin sur le démarreur... un authentique bouton. C'est la première fois. Et sans la moindre hésitation, le moteur se met en route. Du premier coup. Olivier Quesnel ne croira sans doute jamais qu'il s'agissait bien du - vrai - premier coup de démarreur. Des gaz d'échappement dans l'atelier. L'odeur de la mécanique chaude. Les premiers bleuissements du collecteur chromé. C'est bon.
Le moins ému d'entre nous n'est sûrement pas Paul Lafond. Nous l'appelons amicalement "Monsieur Popaul". Il travaille chez Design Performance, la firme d'Erick De Pauw, notre styliste, et c'est lui qui a réalisé ce tout premier prototype du faisceau électrique. C'est en fait sa spécialité originelle. Il y a quelques années, il exerçait ses talents chez Citroën.
Le compartiment avant
est encore celui d'un prototype.

Trois kilomètres clandestins

La seconde grande émotion, nous la vécûmes le lundi 14 au soir, vers 10 heures, lorsque nous décidâmes de faire le tour du pâté de maison, 24 heures donc avant le baptême officiel. Nous étions d'ailleurs partagés sur l'opportunité de cette expérience. N'était-elle pas trop risquée alors que nous ne possédons qu'un seul exemplaire ? D'un autre côté, si la Berlinette se révélait incapable de parcourir le moindre mètre mercredi, devant nos invités, nos partenaires techniques... Nous les avons prévenus au dernier moment par téléphone et avons déjà sollicité leur indulgence, mais tout de même. En effet, aussi incroyable que cela paraisse, Michel Hommell a tenu à ce que nous ne trichions pas et que les premiers tours de roues soient vraiment les premiers.
Bref, nous décidons tout de même de vérifier qu'il n'y ait pas un gros loup. Un "W" affichant le département 35 et préfigurant ainsi l'aventure bretonne de la Berlinette est collé sur les plaques minéralogiques. Le grand rideau de l'atelier se lève lentement, au rythme de la manivelle qu'actionne Gérard Amédro. Lui aussi est ému.
J'enclenche la première et embraie : la Berlinette pointe son museau dans la nuit. Les codes éclairent bien. Yves Bey-Rozet me fait signe d'avancer. Les deux voitures prévues en guise d'escorte sont en place. Mon frère Jean-Sylvain est installé en passager : il est à l'affût du moindre bruit, du moindre pépin.
C'est parti. 2 500 tr/mn en première, je tente timidement d'enclencher la seconde. Et elle passe. Ralentissement pour la petite rue à droite. Accélérateur. Troisième. Nous sommes au bout de la rue. Rétrogradage en seconde puis première. Les vitesses passent. A droite, vers le quai. Le feu est rouge. Nous surveillons la température d'eau. Il n'y a pratiquement pas de circulation. Nouvelle montée des vitesses, jusqu'en quatrième cette fois, puis freinage pour tourner à l'aqueduc. L'effort à appliquer à la pédale de frein est important. Disques et plaquettes sont froids et neufs mais, de toute manière, il n'y a pas de servo et nous avons visé un effort d'environ 30 kg à la pédale. Apparemment, c'est réussi. Voilà, le tour est bouclé. Arrêt. Nous enlevons le capot moteur pour vérifier l'absence d'anomalie visible.
Le danger lors d'une telle expérience, c'est l'envie de recommencer. Et effectivement, nous repartons pour un tour. Nouvel arrêt. Discussions, changement de passager. Tiens, le moteur s'étouffe. Bon, on y va quand même. Après quelques hoquets, il reprend son régime normal. Sans doute, l'air d'admission était-il trop chaud après l'élévation de température consécutive à l'arrêt. Provisoirement, nous le puisons dans le compartiment moteur. Mercredi, nous aspirerons de l'air bien frais dans l'admission. Sur le quai, appel de phares pour inciter la voiture ouvreuse à accélérer. Je passe même la cinquième (symboliquement, à 3 000 tr/mn). Pour la sixième, il faudra attendre Montlhéry !
Pas la peine de jouer avec le feu plus longtemps: nous rentrons la Berlinette dans l'atelier. Son compteur affiche 3 km.


Après une heure de rondes, nous avons procèdé à une vérification des points vitaux.

La répétition

Mercredi 9 heures. Nous suivons la Berlinette... sur sa remorque. Nous sommes dans la montée menant au circuit. Non sans un pincement au coeur. Nous y sommes tellement venus, à Montlhéry... pour y essayer toutes les sportives des autres. Aujourd'hui, c'est la nôtre.
Les invités n'arriveront pas avant 11B0. Nous allons donc tenter de boucler quelques tours auparavant. Le démarrage des stands est encore un moment émouvant. Je tire 3 000 tr/mn sur chaque rapport. La première est plutôt longue. Nous l'avons voulue ainsi et les rapports suivants sont super rapprochés. J'enclenche enfin la sixième. Arrêt au stand. Serge et Gérard enlèvent alors le capot arrière. Tout semble normal. Mon frère n'est même pas descendu de son baquet. Nous repartons pour le même exercice mais cette fois avec deux tours et 3 500 tr/mn. Comme à l'école de pilotage. Nous atteignons 120. A bord, tout semble aller bien. Juste un petit bruit après un passage de vitesse, dû à une tôle de protection trop proche du collecteur d'échappement.
Quelques millimètres sont enlevés à la grignoteuse lors de l'arrêt. Ultime galop d'essai : trois tours à 4 000, soit aux environs de 140 km/h. L'anneau commence à chahuter mais apparemment tout va toujours bien à bord. Ne tentons pas le diable. Arrêt définitif. Il est 10 heures. Nous attendons nos invités pour le baptême officiel. Le compteur affiche maintenant 18 km !

Document : l'instant du baptême

L'ambiance est à la joie.
Jean-Pierre Beltoise livre ses impressions à Michel Hommell.

Le baptême

Nous avons convié nos partenaires techniques. Et ce sont de vrais partenaires. Nous les avons sollicités pour essayer d'aller au fond de chaque détail lors de la construction. En clair, nous en avons fait transpirer plus d'un. Les premiers à arriver viennent de Valenciennes : Félix Tosetti et Pascal Coppens. Ce sont les concepteurs de notre boîte 6... et même un peu plus. Nombre d'entre vous nous ont en effet questionnés pour savoir comment, compte tenu de son architecture, nous faisions avancer notre berlinette. Sans pouvoir encore tout dévoiler, nous pouvons simplement les rassurer : elle roule dans le bon sens.
Bref, Tosetti et Coppens travaillent dans cette énorme filiale PSA qu'est la SMAN. Nous vous en avons déjà parlé: elle produit plusieurs milliers de boîtes par jour. Mais cette cadence n'a pas freiné les élans des hommes, leur esprit créateur ou leur passion. C'est d'ailleurs la SMAN qui a développé les boîtes 6 utilisées par Peugeot et Citroën en rallyes, ainsi que la toute nouvelle boîte à crabots inaugurée par Yves Loubet en fin de saison. Devant les menaces japonaises, c'est rassurant. Autre firme devenue partenaire grâce au dynamisme de ses hommes : Bendix. C'est à elle que nous avons fait confiance pour l'ensemble du circuit de freinage.
12 heures. L'anneau de vitesse nous est réservé. La plupart de nos invités sont arrivés en avance. Nous n'attendrons donc pas. Michel Hommell est assis à droite. Tout se passe très vite. Pas de temps pour les discours mais il est visiblement très ému. Il est si fébrile qu'il emmêle les brins du harnais aviation. Il y a moins de trois ans que nous avons échangé cette boutade lors d'un repas "Ah, ce serait chouette de construire une berlinette" et il y a moins de deux ans que nous avons donné le premier coup de pioche de l'atelier. Avec lui, tout va toujours très vite.
Le moteur, maintenant, est chaud. Le thermomètre d'eau VDO, mécanique et ultra-précis, indique 80°. Sentant le départ imminent, nos invités se sont disposés, d'une manière naturelle, en une haie qui laisse le passage à la Berlinette. Machinalement, je lève les yeux et, au-dessus des stands, j'aperçois Philippe Anzemberger, le photographe d'Auto Plus, bien planqué. Ils sont vraiment de tous les coups, ceux-là. Rien ne leur échappe. Quelques gouttes de pluie se mettent à tomber. Je branche les essuie-glaces.
Puis, de façon décidée, j'embraie. C'est parti. A un peu plus de 4 000 tr/mn sur chaque rapport mais toujours avec une extrême douceur envers la boîte puis, comme tout se passe bien, en sixième, je pousse jusqu'à 5 000 tr/mn et c'est à 170 que nous passons devant les stands. Du coup, j'envoie un double appel de phares en clin d'oeil. Théoriquement, je devais m'arrêter au second tour mais je crois bien en avoir bouclé un autre dans la foulée, encore un peu plus vite. Arrêt au stand. Après l'échange d'un sourire complice, Michel descend et j'entends nos invités qui ont la gentillesse d'applaudir.


Plus vite que prévu pour des premiers tours de roues.
Nous avons déjà frôlé les 200 km/h.

Finalement, nous bouclerons 250 km en frôlant souvent les 200 km/h. C'est beaucoup plus et plus vite que nous l'avions envisagé. D'autant que nous ne disposions pas encore des ressorts arrière définitifs - entendez par là, ceux avec lesquels nous commencerons le développement - pourtant fabriqués en un temps record par la firme allemande Eibach. Depuis, nous les avons reçus et nous en disposerons donc pour la prochaine séance planifiée, si tout va bien, à la mi janvier avec, cette fois-ci, les premiers virages.
Sinon, nous avons connu un petit incident moteur lors d'un arrêt après une bonne heure de boucles fractionnées par deux ou trois. Gérard a vite trouvé. Il s'agissait du module d'allumage que nous avions fixé sur un support solidaire de la boîte de vitesses : il avait une petite pointe de fièvre. En outre, même sous la surveillance de nos amis de la SMAN, nous avons relevé une température excessive sur la boîte de vitesses. Il faut dire que nous n'avions jamais prévu de rouler aussi vite aussi longtemps et nous n'avions toujours pas ouvert les entrées d'air latérales pour ventiler le compartiment moteur, refroidir le radiateur d'huile... et la boîte de vitesses.


A l'arrivée de cette première séance d'essais, le compteur affichait 250 km.

A l'atelier le soir, l'équipe était réunie autour de la Berlinette. La jupe arrière était étoilée de petites tâches, aspirées par la vitesse depuis un léger suintement au radiateur d'huile. Et chacun était heureux: elle vivait !

Gilles Dupré, photos Christian Chiquello



EMOTIONS FORTES



Deux nouvelles séances d'essais pour notre Berlinette : premiers virages, Michel Hommell au volant, travail chez Michelin et 300 km sur route... autant d'émotions aussi fortes que celles du vrai baptême.

C'est le 12 janvier que, pour la seconde fois, la Berlinette se présente, sur sa remorque, à l'entrée de l'autodrome de Montlhéry. Au programme : un nouveau test sur l'anneau de vitesse puis les premiers tours sur le difficile circuit routier.
Sur l'anneau, nous voulons refaire, plus sereinement, des séries de tours graduellement plus longues et rapides. Le compartiment moteur et le circuit de refroidissement - le radiateur est à l'avant - sont truffés de témoins de température. Peut-être vous rappelez-vous que celle de la boîte de vitesses était un peu trop élevée : les cages de roulements modernes, en plastique, n'apprécient pas. Nous n'avions, alors, même pas ouvert les entrées latérales. Cette fois, de l'air frais alimente le compartiment arrière.
C'est donc à 3 000 tr/mn que nous nous élançons pour un tour. Contrôle. Nouveau départ pour deux tours à 3 500. Et ainsi de suite. A chaque arrêt, la température de boîte est soigneusement notée.
Vérification plus sérieuse avant la dernière série : celle-ci va se dérouler aux environs de 210 km/h et comprendra une vingtaine de kilomètres, sans lever le pied. Pour une voiture affichant seulement 300 km au compteur, c'est un test déjà difficile et l'anneau est toujours impressionnant. Ce n'est pas notre copain Jean-François Guittard, essayeur à Autohebdo, qui nous contredira, lui qui s'envolera au-dessus du rail quelques jours après. Il s'en tirera avec des égratignures... un miracle !
Bref, notre test se passe bien. La ligne droite des stands est encore très mouillée. A la limite de l'aquaplaning, la Berlinette soulève, à chaque passage, un beau brouillard d'eau. Dans les courbures au revêtement inégal, la suspension arrière semble rester trop souple, en dépit de ses ressorts Eibach tout neufs. Finalement, nous avons gagné (tout en roulant plus vite et longtemps) 14° sur la boîte de vitesses.

Les premiers virages sur le circuit routier de Montlhéry ont été aussi émouvants que les premiers tours de roues sur l'anneau de vitesse, le mois dernier.

Le baptême du "routier"

Le "routier" est un circuit de 6,5 km qui inspire l'humilité. Les essayeurs les plus chevronnés s'y sont fait piéger. Les fameuses cuvette et bosse de Couard contribuent à sa légende, mais la descente Lapize est tout aussi impressionnante. Les rails de protection ou les fossés ne tolèrent pas la moindre faute... surtout au volant d'un prototype unique. Ce jour, le routier est humide et "glissant comme du verglas" selon l'expression d'un confrère qui y essaie la nouvelle Porsche Turbo 3.6. C'est donc avec une prudence extrême et quasiment au ralenti que je boucle les deux premiers tours. En passant aux "Deux ponts", l'épingle d'où l'on s'élance, je salue l'équipe d'un petit survirage, le premier de la Berlinette. Tout le monde a travaillé une bonne partie de la nuit. Pour l'instant, je n'ai pas encore confiance. La répartition des freins n'a été l'objet d'aucun réglage. Et s'il y avait une prépondérance exagérée sur l'arrière ?
Il est déjà midi. Nous devons faire des photos. Christian Chiquello et Philippe Maitre sont arrivés. Yves Bey-Rozet, lui, s'apprête à conduire une monstrueuse Escort. Nous allons nous baser autour de Couard et du "Gendarme" : en utilisant deux bretelles de raccordement, cela fait un petit circuit sympa.
Et là, progressivement, la Berlinette prend son rythme. Après deux blocages des roues avant, je reporte un peu de frein sur l'arrière, à l'aide de la commande disposée sur la console centrale. Avant d'arrêter, je tire 6 000 tr/mn, tout en ménageant encore notre transmission : le moteur 16 soupapes Peugeot commence à chanter sérieusement.


Michel Hommell a - enfin - conduit la Berlinette.

Michel Hommell au volant

Maintenant, c'est au tour de Michel Hommell. Michel est un ancien pilote. Il conduit souvent les sportives du musée de Lohéac, qu'elles soient populaires ou monstrueuses. De temps à autre, il sort même les "Groupe B".
Je monte en passager. Le circuit reste glissant. Michel est tout de suite à l'aise. Pourtant, je ne peux me retenir de lui prodiguer des conseils de débutant: "Attention ici, freine fort. Fais gaffe là-bas, dans le gauche !" Ce n'est évidemment pas de lui que je crains une défaillance... mais de la Berlinette !
A sa descente, Michel est enthousiaste. "Dans le Moulinon, ça va être super !" lance-t-il au petit groupe d'amis, témoins de l'événement.

Premier réglages

Le patron à peine reparti au bureau, nous attaquons une autre séance sur l'anneau. Mais, pendant qu'Yves BeyRozet chronomètre les performances vertigineuses de l'Escort Cosworth Fochesato, Serge Caulé et Gérard Amédro se lancent dans le changement des amortisseurs de la McPherson arrière. Nous allons en essayer de plus fermes.
Quelques tours suffisent pour constater que, s'ils sont vraiment durs aux chocs, la suspension arrière reste globalement trop souple. Peut-être les ressorts ? Direction le routier, à nouveau sur le 6,5 km. La conduite commence à devenir sympathique. A chaque nouveau kilomètre, le rythme s'accélère et le tempérament de la Berlinette s'extériorise. Les grandes courbes sont prises pour la première fois à haute vitesse, en sixième, mais l'arrière semble "piocher". En ce qui concerne les amortisseurs, nous n'enregistrons pas de différence fondamentale. Pour la prochaine séance, chez Michelin, nous recommencerons avec les moins durs.
Nous venons de couvrir 264 km. Le compteur en affiche maintenant 514.
Au chapitre des ennuis : une petite fuite d'essence. Pierre-Yves Gautier, des réservoirs Stac, viendra dès le lendemain à la vitesse du Samu : il ne s'agissait que d'un raccord insuffisamment serré.


C'est en Auvergne, aux alentours des pistes Michelin, que notre Berlinette a affronté l'épreuve de la route.

Chez Bibendum : l'événement

Déjà, se profile la séance suivante, le 26 janvier, chez Michelin, à Clermont-Ferrand (le centre de recherche et les pistes d'essais sont situés à Ladoux). Pour nous, c'est un événement. La Berlinette est à nouveau complètement démontée et vérifiée. Les géométries de suspensions sont l'objet d'une pleine journée de réglages, d'autant que la dernière fois, la courbe de braquage des roues arrière en débattement ne nous a pas donné pleine satisfaction.
Chez Michelin, la règle n'est sûrement pas de mettre les hommes nominativement en avant. Pourtant, à l'image de Pierre Dupasquier et son inusable tenue de bougnat, ce sont des passionnés. Dès 5 heures du matin, ils prennent notre Berlinette en mains. Ils en vérifient tous les réglages. Jack Faure lui-même, l'ingénieur sous le contrôle duquel nous avons travaillé depuis le début de la conception de nos suspensions, afin d'exploiter au mieux les qualités du pneumatique, est présent. A 8 heures, après une radiographie complète qui nous a valu une retouche du parallélisme avant, c'est le début de l'essai. Bernard Tasset, l'essayeur, est chaleureux, comme tous les techniciens et ingénieurs qui nous entourent. Ils ont préparé différents pneumatiques, tous déjà montés sur les jantes de 605 que nous utilisons : des MXX-3 et de tout nouveaux X-GT.
Bernard monte en passager, le temps de vérifier que tout fonctionne normalement à bord. Nous faisons la tournée des pistes. Puis, c'est lui qui prend le volant, sur le N°3, un circuit de comportement moyennement rapide, pas aussi sinueux que le célèbre "Canard" mais beaucoup moins rapide que le terrible N°1.
"Le train avant semble trop directionnel: on dirait qu'il y a un désaccord entre l'avant et l'arrière" commente-t-il après seulement quelques tours.
"Mais allons sur la route, le circuit ne suffit pas, on peut passer à côté d'un problème" ajoute-t-il.

Sur la route

Un "W" 63 est apposé sur les plaques et c'est le baptême sur route. Gérard et Serge vont suivre fidèlement dans une autre voiture conduite par un technicien. Bernard peut emprunter chaque petite route de la région, les yeux fermés. Il fait connaissance avec notre Berlinette. Du bout des doigts, en souplesse, il donne parfois des coups de volant si une ligne droite sans circulation le permet. Seule consigne : il faut encore ménager la transmission. "Tu vois, la suspension arrière semble travailler plus que celle de l'avant" lâche-t-il. Retour à l'atelier, après une boucle d'environ 50 km. Les ingénieurs sont là, Jack en tête. Après une brève analyse, nous décidons d'essayer des amortisseurs arrière plus durs. Vérification du carrossage et nouveau départ. A chaque essai, le programme est le même: circuit N°3 et route. "C'est un peu mieux mais la suspension avant ne travaille toujours pas assez.". De la voiture suiveuse, Gérard et Serge observent les réactions des passants, étonnés. Durant cette boucle, le photographe Michelin, Pierrot, nous a accompagnés mais nous ne lui laisserons que peu de temps. Il faut rentrer à l'atelier. Cette fois, nous modifions les butées progressives des amortisseurs avant pour qu'elles entrent en action plus tard. Et nous recommençons.
Verdict de Bernard : "C'est encore trop dur devant. Si tu as des ressorts plus souples, ça vaut le coup de les monter." D'essai en essai, la nuit est tombée mais l'engouement de Bernard n'a cessé d'augmenter... de même que sa cadence de conduite ! Nous repartons donc avec des ressorts plus souples, non sans avoir procédé au réglage des phares. Chez Michelin, on peut absolument tout faire. Nous commençons à modifier la pression des pneus. "Chaque essai va dans le bon sens mais l'avant reste trop rapide" sera la conclusion de cette journée.
Nous devons encore réaliser un dernier test, sur le N°3 : exploiter au maximum notre boîte 6... c'est une instruction de la SMAN. Le faisceau des phares balaie la nuit. Le moteur chante dans l'habitacle. Bernard enclenche les vitesses à la volée et accélère à fond sans ménagement après chaque passage. Il se livre même à plusieurs départs arrêtés. Et ça tient. Il est plus de 21 heures. Nous décidons d'arrêter.

La Berlinette affiche maintenant 895 km au compteur. Lorsque vous lirez ces lignes, elle aura été encore complètement démontée et exposée au salon de la voiture de course. A bientôt pour une prochaine séance et la pose de la première pierre de l'usine à Lohéac.

Gilles Dupré, photos Christian Chiquello, Philippe Maitre et Serge Caulé



L'AVENTURE CONTINUE

Berlinette Echappement : La première pierre de l'usine

Vous le savez, c'est dans le petit village breton de Lohéac, entièrement voué à la passion automobile, que la berlinette Echappement sera produite en - petite - série, la première pierre de l'usine (une ancienne laiterie) a symboliquement été posée par Alain Madelin, député d'Ille-et-Vilaine.
Et ce n'était pas Célestin Loizance, maire de Lohéac, le moins heureux de la fête. A cette occasion, notre berlinette à donc respiré l'air de son futur pays et a été baptisée à la poussière des petites routes locales.
Puis elle est revenue de cette campagne bretonne par l'autoroute jusqu'à notre base de St-Cloud. Ce mois-ci, elle avait en outre subi une nouvelle séance d'essai à Montlhéry, sur le circuit routier notamment, en exploitant pour la première fois sans réserve sa mécanique. Ainsi, lorsque nous vous avions quitté le mois dernier, la berlinette affichait moins de 1 000 km ou compteur : elle en totalise aujourd'hui plus de 2 000.
Télé K7 : Michel Hommel, du flair !

Avec son flair habituel, "qui coûte moins cher qu'une étude du marché", Michel Hommell, éditeur spécialisé dans la presse automobile (Echappement, Auto Hebdo, Nítro,,.), lance Télé K7 le 13 septembre 1983, au prix de 6 F et avec deux jaquettes, "J'essaíe toujours d'innover, explique-t-il, A l'époque, la vidéo frémissait, et plutôt que de lancer un énième mensuel vidéo, j'ai conçu un hebdo de télé et de vidéo. Au départ ce journal était uniquement constitué des programmes télé et de jaquettes. Très rapidement la partie rédactionnelle s'est développée."
Et il a du nez Michel Hommell, puisque, tiré à 15 000 modestes exemplaires à ses débuts, Télé K7, vendu aujourd'hui 10 F, a franchi la barre des 400 000 exemplaires. Une progression de 21,4 % de sa diffusion lui a même valu d'être Etoile de l'OJD 1991. Fan d'automobile avant d'être téléphage - il a même conçu une voiture de sport, la Berlinette Echappement -, Michel Hommell ne boude pas pour autant le petit écran : "Je regarde surtout les documentaires, les grands reportages, confie-t-il, bref tout ce qui m'apporte quelque chose sur les tendances des lecteurs."
Se fiant à son instinct commercial, le directeur de la publication s'autorise quelques prédictions pour les dix ans à venir : "Ce qui est certain, c'est qu'il va y avoir une multiplication des chaînes et que le câble va gagner son pari".
La berlinette au banc d'essai...

... chez Michelin. Elle y est même restée deux semaines. Il s'agit d'un banc de mesures, une machine assez extraordinaire - le mot n'est pas trop fort - conçue par le manufacturier auvergnat lui-même, et qui permet de relever les géométries des trains roulants sous efforts. Il est en effet possible d'appliquer ù ces trains tous les efforts imaginables. Et les mesures sont d'une précision extrême, un peu comme si l'on regardait les suspensions à l'aide d'un microscope géant.
Ce test à l'allure d'examen était d'autant plus important pour nous que la rigidité en torsion de notre châssis allait y être mesurée. Comme à Echappement, nous n'avons pas le goût du secret - et que la valeur est plutôt bonne ! - nous vous livrons le résultat : 2 000 mkg par degré. Evidemment, par respect de la confidence, nous ne pouvons vous révéler les valeurs d'autres constructeurs.
Ensuite, nous avons poursuivi la mise ou point dynamique, notamment sous la houlette de l'ingénieur Jack Faure et de l'essayeur Bernard Tasset. Nous avons donc passé en revue différentes combinaisons de raideurs de ressorts, amortissements et antiroulis. A chaque fois, l'essai s'est déroulé sur la route et sur circuit (le magnifique et difficile n° 3). En dépit de sa passion et du plaisir ostensible avec lequel il exerce son métier, Bernard Tasset est un éternel insatisfait. Il tente évidemment toujours de reculer les limites de l'efficacité dans le mariage pneu/voiture. Aussi, lorsque vers la fin du second jour, il affiche un large sourire, nous avons compris qu'il se passait quelque chose. Ce sentiment fut confirmé lorsqu'il lâcha : "Bon, on va pouvoir sortir le chrono.". Tasset est un fin metteur au point, doublé d'un pilote très rapide.
C'est donc sur le N° 3 qu'il établit un temps de base avec notre berlinette. Sans pouvoir une fois encore citer des références puisées chez d'autres constructeurs, d'après le baromètre de son sourire, le temps était, parait-il, très honorable.

Berlinette Echappement : 4 000 km au compteur

Au programme du mois, ont figuré quatre séances d'essais sur l'anneau de vitesse et, surtout, le circuit routier de Montlhéry, séances que l'on pourrait maintenant qualifier "de routine".
Nous y avons encore testé différentes combinaisons de ressorts et d'amortisseurs, spécialement concoctés pour nous par deux firmes aussi dynamiques que compétentes, respectivement Eibach et Bilstein.
Nous avons également effectué une fructueuse campagne d'essais sur le splendide circuit de Mortefontaine (appartenant à Valeo).
Mais, rappelez-vous, au salon de Paris, les amis de Matra, président Philippe Guéclon en tête, étaient venus, chaleureusement et de manière désintéressée, par seule passion, nous proposer leur aide.
Même si, quotidiennement, nous tentons d'appliquer l'adage "Aide-toi, le ciel t'aidera", devant leur insistance, nous avons fini par accepter de dresser en leur compagnie le bilan thermique de notre berlinette.
En premier, ils nous ont mesuré toutes les pressions et débits dans nos circuits d'eau, à différents régimes.
Ensuite, ils ont truffé notre mécanique de sondes ultra-précises (des thermocouples) reliées à un ordinateur.
Et les essais à différentes vitesses se sont succédés.
Dans l'ensemble, les résultats furent bons mais les techniciens de Matra ont attiré notre attention sur certains points à la température critique.
Un grand merci à toute l'équipe d'Enzo Garavelloni, au fidèle Roger Charbonnel, à Jean-luc Brossard et leurs collaborateurs.
Aujourd'hui, la Berlinette totalise 4 000 km au compteur.
Lorsque vous lirez ces lignes, elle sera en visite clans son futur pays breton, à Lohéac, où elle inaugurera son circuit, et de manière grandiose puisque c'est le lieu qu'ont choisi les clubs Alpine pour leur concentration biennale.