La Voiture Electronique



Des extraits de l'excellent "CONNAISSANCE DE LA TRACTION ELECTRIQUE"
publié par G. Gory dans la Collection AUTOVOLT en 1971 (1ère édition).


Le moteur à réluctance variable
La "voiture électronique"
La conduite de la "voiture électronique"

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LE MOTEUR A RELUCTANCE VARIABLE

Nous devons entretenir nos lecteurs du moteur à réluctance variable Jarret, ou plutôt, pour être précis, du "moteur à courant continu à réluctance variable, à champ fort, et à dents saturées, doté d'une commutation électronique" mis au point par les frères Jean et Jacques JARRET. On l'a appelé aussi "moteur à fer tournant". On en a parlé à propos du véhicule "électronique" Jarret qui a fait son apparition au Salon 1968. Ce véhicule qui n'était qu'expérimental en 1968, a été présenté au Salon 1969 en version commerciale sous le nom de "STIL électronique".
Avec ce moteur, le magnétisme, dont le rôle dans les moteurs classiques, capital certes, est un peu court-circuité au bénéfice de l'électricité, prend la place de la vedette. Mais la subtilité des lois du magnétisme ne rend pas facile un exposé que nous voulons à la fois rationnel et simple. Nous l'avons mûrement médité, en nous documentant à la meilleure source, celle des frères JARRET, qui, avec une courtoisie dont nous les remercions, se sont prêtés à de longues conversations sur le moteur dont ils ont la paternité, et sur les lois du magnétisme.
Certaines illustrations proviennent de la Compagnie Européenne d'Etude, de Développement et d'Exploitation de Véhicules Electroniques (CEEDEVE). Et nous avons adopté dans les détails les dispositions actuelles du moteur de la "voiture électronique", car d'autres dispositions sont possibles pour les moteurs de l'espèce, notamment dans l'organisation des enroulements magnétisants, et les nombres de dents.
Les machines à réluctance variable, connues depuis longtemps, et caractérisées par une palette ou un rotor en fer sans bobinages ni conducteurs électriques, n'avaient donné que des machines peu avantageuses, à faibles puissances et à rendement médiocre, réservées uniquement à des applications particulières, où la technique et la dépense passent au second plan. Aussi, malgré leurs avantages certains, tels que l'absence de bobinages sur les parties mobiles, la simplicité de leur fabrication et de leur entretien, leur robustesse, leur aptitude aux grandes vitesses, ces moteurs étaient très peu employés. On n'utilisait que les champs faibles, afin d'éviter les effets de la saturation dans les parties du stator, c'est-à-dire une baisse de rendement. D'où les faibles puissances massiques et les prix élevés. Les frères JARRET ont fait porter leurs efforts principaux sur la localisation et le contrôle des champs, en utilisant non pas les champs faibles, de l'ordre d'une centaine d'Oersteds, mais les champs forts, de l'ordre de 3 à 8.000 Oersteds. D'où un gain énorme de puissance massique, et une augmentation de rendement vers 96 à 98 °% pour des alternateurs de plus d'une centaine de kilovolts-ampères. En outre, les frères JARRET, bénéficiant du développement des semi-conducteurs, ont pu disposer des commandes électroniques, qui ont provoqué une véritable mutation de l'ordre technologique. Les moteurs à réluctance variable sont particulièrement aptes à l'utilisation de la commutation électronique par transistors ou thyristors, à fréquence élevée ou basse, avec couple continu.

RAPPEL DE CERTAINES LOIS DU MAGNETISME

Pour mieux comprendre certains raisonnements essentiels que nous utiliserons, il n'est pas inutile de se remémorer quelques lois du magnétisme et de l'électromagnétisme, sans accompagnement de considérations pratiques, pour leur laisser toute leur pureté.

A) L'énergie magnétique.

La notion d'énergie mécanique nous est familière. Si une certaine masse est suspendue dans un champ de gravitation (celui de notre pesanteur par exemple), on sait que quand elle tombe (c'est-à-dire suit les lignes de force de la pesanteur), elle produit une certaine quantité d'énergie qu'elle avait à l'état potentiel. En somme, il y avait une certaine énergie dans le volume considéré ; elle dépendait d'une part de l'intensité de la gravitation, d'autre part de la nature de la matière concernée ; l'énergie est plus grande avec du plomb qu'avec de l'eau, pour un même volume. Pour un champ magnétique, il y quelque chose d'analogue. La quantité d'énergie potentielle à récupérer dépend d'une part de l'intensité H du champ, d'autre part de la matière sur laquelle il agit, et qui est plus ou moins perméable, elle dépend donc de l'induction B. Cela se "sent" assez bien, malgré le caractère du magnétisme plus abstrait pour nous que la pesanteur, à laquelle nous sommes physiquement sensibles. C'est ainsi que l'énergie spécifique (c'est-à-dire par unité de volume) d'un certain espace est donné par la formule :
W = kH.B (où k est un coefficient).
Si l'induction se fait dans l'air, ou dans un milieu ayant la même perméabilité, B étant égal à H, on a :
W = kH2 (en joule par m3 par exemple).
On peut en déduire que l'énergie augmente très vite avec le champ.

B) Saturation.

Ce phénomène est très caractéristique en ferromagnétisme et très important, non seulement en physique générale, mais aussi dans le cas particulier du moteur Jarret. Lorsque le champ H, auquel est soumise une matière ferromagnétique, le fer pur par exemple, atteint une certaine valeur, le coefficient de perméabilité p, qui était très grand pour des champs plus faibles, tend vers l'unité ; l'induction totale dans un métal saturé est :
Bt = BS + KH
où BS est l'induction de saturation, et K un coefficient. La courbe représentative est celle de la figure 1.


FIG. 1 - Effet de la saturation sur l'induction.

Si un métal est placé dans un champ H qui le sature, il se comporte comme un corps non ferromagnétique, comme l'air par exemple.
En conséquence, l'énergie du milieu ne change pas quand on place ce corps et qu'on le déplace dans le champ qui le sature ; elle reste proportionnelle à H2 ; et l'induction (c'est-à-dire le flux par unité de surface) est seulement majorée de KH.

C) Force magnétomotrice, flux et réluctance.

L'existence du flux magnétique est analogue à celle du courant électrique, bien que dans son cas, il n'y ait pas circulation de quelque chose de matériel. Le flux est provoqué par une force magnétomotrice F, ou différence de potentiel magnétique, d'où le champ H est tirée par division par la longueur l à laquelle elle s'applique :
F = k1H.l (k1 est un coefficient).
On sait, par ailleurs, que le champ produit par n spires parcourues par l'intensité I est proportionnel à nI :
H = k2nI (k2 est un coefficient).
On en déduit :
F= KnIl (K est un coefficient).
Cette force magnétomotrice, agissant dans un circuit magnétique de perméabilité égale à μ, crée un flux Φ tel que :
Φ = F / R
R est la réluctance, analogue à la résistance électrique, égale à :
L / μS
où L est la longueur du circuit magnétique et S sa section. La réluctance diminue quand la perméabilité augmente et inversement.
On peut remarquer que la formule qui donne la réluctance est analogue à celle qui donne la résistance électrique, et que μ tient la place de la conductibilité qui est l'inverse de la résistivité.
On peut donc écrire :
Φ * F / R = F μS / L
ou :
F = Φ R = XPHI L / μS
Augmenter la perméabilité d'une partie d'un circuit, en introduisant du fer dans un entrefer, diminue la réluctance et, pour une même force magnétomotrice, augmente le flux.
Dans un circuit la force magnétomotrice, c'est-à-dire la différence de potentiel magnétique, se partage proportionnellement à la réluctance, comme la différence de potentiel électrique se partage proportionnellement à la résistance dans un circuit uniquement résistant. Plus la résistance électrique ou la réluctance magnétique sont grandes dans une partie d'un circuit électrique ou magnétique, plus grande est l'énergie électrique ou magnétique dans cette partie, l'intensité du courant ou le flux magnétique étant le même dans tout le circuit.

D) Le tore.

Le tore joue en magnétisme un rôle particulier. S'il est entièrement fermé, il réalise un aimant sans pôles ; s'il est ouvert, il fait apparaître deux pôles entre lesquels on peut avoir un champ puissant, si la force magnétomotrice appliquée au tore est élevée, et si l'écartement des pôles n'est pas trop grand.


FIG. 2 - Le tore et le magnétisme.

Sur la figure 2, le schéma I représente un tore de fer pur aimanté par un enroulement régulier de spires, partiellement représenté.
Il y a dans l'anneau une force magnétomotrice F,une aimantation A1 qui en résulte, une induction B1, un flux XPHI1, une réluctance R1. Le champ est nul dans le fer dont la réluctance est négligeable. Il se passe approximativement ce qui se passe dans un anneau conducteur parcouru par un courant provoqué par une force électromotrice régulièrement répartie ; un courant circule qui ne se manifeste par aucune différence de potentiel.
Si on enlève un petit secteur du tore (schéma Il) deux pôles N et S apparaissent, ainsi qu'un champ démagnétisant h, une induction B2, un flux Φ2 ; la réluctance a grandi ; elle est passée à R2. Un champ H est apparu entre N et S. L'entrefer a fait apparaître le champ.
Si on remet en place le petit secteur du tore (schéma I), on est ramené au cas du circuit magnétique fermé avec un champ nul entre les points qui étaient devenus N et S.
Le tore est l'image idéalisée de tous les circuits magnétiques.
LES MOTEURS A RELUCTANCE VARIABLE ET LES AUTRES

Dans les machines électriques, on fait varier un flux magnétique entre une valeur nulle et un maximum, qui correspondent aux conditions de fonctionnement ; la variation de flux se produit à travers un enroulement parcouru par une intensité aussi élevée que possible.
Dans les machines les plus classiques, la variation de flux est produite par la rotation des spires dans le flux magnétique. Dans les moteurs à réluctance variable, la variation est obtenue par variation de la réluctance du circuit magnétique, c'est-à-dire par variation d'un entrefer.
Dans les deux cas, il y a intervention de l'énergie magnétique suivant un double "métabolisme" qui peut s'exprimer par la formule suivante : "Une machine électrique absorbe ou délivre une puissance électrique instantanée et une puissance mécanique instantanée ; la différence entre les deux puissances est une variation d'énergie magnétique". Dans le cas des machines classiques, on a tendance à oublier l'énergie magnétique, ce qu'on ne peut faire dans le cas des machines à réluctance variable, où le magnétisme semble agir plus directement sur le rotor.
Remarquons, cependant, que les variations de l'énergie magnétique ont été mises en relief par les dispositifs électroniques qui permettent de la récupérer dans un circuit électrique (induit de moteur en particulier) alimenté par des impulsions à fréquence élevée. Quand le courant est coupé, on récupère l'énergie magnétique en fermant le circuit sur lui-même au moyen d'une diode.
Pour permettre la rotation des parties des machines classiques qui sont porteuses d'enroulements, on a dû ménager dans les circuits magnétiques, entre la partie tournante et la partie fixe, un entrefer constant. La réluctance du circuit total est donc constante. Dans les moteurs à réluctance variable, il faut ménager entre les enroulements immobiles un entrefer dans lequel se déplaceront des pièces mobiles en fer créant, dans ceux des circuits magnétiques qui seront excités, des réluctances variables.
Essayons donc de réaliser un moteur à réluctance variable, sans nous laisser accaparer par des considérations de puissance ou de rendement. Il nous suffira que le rotor tourne. Les pièces essentielles du rotor seront des dents (analogues à celles des engrenages) disposées à la périphérie du rotor et susceptibles d'être attirées dans le sens qui permet la rotation. Les pièces essentielles du rotor seront des bobines portées par deux coquilles disposées des deux côtés du rotor ; les bobines seront pour chaque coquille, alternativement N et S, vers l'intérieur et les bobines qui seront face à face sur les deux coquilles se présenteront des pôles de noms contraires pour que le flux magnétique passe de l'une à l'autre. Il est commode de représenter la périphérie du moteur en le développant.


FIG. 3 - Moteur schématique à réluctance variable développé.

Le rotor vu par la tranche se présente sur la figure 3 comme une bande portant des dents hachurées telles que A et B. Les bobines des coquilles sont marquées 1, 2, 3, etc. pour la coquille du haut, et 1', 2', 3', etc., pour la coquille du bas. Les dents se déplacent entre les bobines quand le rotor tourne. Les flux que peuvent produire les bobines sont indiqués en traits interrompus munis de flèche ; mais il est entendu que toutes les bobines ne reçoivent pas du courant à la fois.
Considérons donc la dent A. Supposons qu'on ait excité seulement les bobines 1 et 1'. La dent A est attirée, "aspirée", par les bobines 1 et 1' et se déplace vers leur entrefer, en faisant diminuer la réluctance du circuit magnétique de ces bobines et en entraînant le rotor. Un dispositif, dont nous parlerons plus loin, coupe alors le courant dans les bobines 1 et 1' et le met dans 2 et 2', ce qui rend réelles les lignes de force dessinées pour elle. A est attirée pour être dans l'axe de 2 et 2', et ainsi de suite. Cette dent va progresser vers la droite en entraînant la rotation du rotor.
Rien ne s'oppose à ce qu'on fasse intervenir une autre dent B qui serait attirée par les bobines S et S' pendant que A est attirée par 1 et 1'. Il suffit de mettre 5 et 5' en série sur 1 et 1', et sur d'autres bobines correspondant à d'autres dents.
Pour envoyer du courant en temps opportun dans les bobines successives, il suffira de faire commander leurs circuits par une sorte de distributeur (analogue si l'on veut à celui de l'allumage, mais sans disrupteur) calé convenablement sur l'arbre du rotor et tournant à la même vitesse.
Si maintenant, on introduit dans l'étude les notions de puissance, de rendement et de continuité du couple, toutes notions qui n'intervenaient pas dans le dispositif de la figure 3, on arrive aux préoccupations des inventeurs :
A) Pour que des puissances mécaniques aussi grandes que possible soient obtenues avec le minimum de matériau ferromagnétique, il faut que la densité des forces magnétiques actives soit maximales. Comme elles sont fonction du champ et de l'induction ferrique, il faut concevoir les circuits magnétiques pour obtenir la meilleure relation entre les deux facteurs.
B) Pour que le rendement soit bon, il faut que le prélèvement d'énergie par la dent n'ait pas d'influence gênante sur le courant d'excitation, qui doit cependant permettre de régler les conditions de fonctionnement (la vitesse est réglée par variation de la tension d'alimentation des enroulements qui fait varier les efforts d'attraction). Il faut combiner les circuits magnétiques de telle façon que soit toujours localisée dans l'entrefer l'énergie magnétisante due aux ampères-tours. C'est dans l'entrefer que l'énergie est utilisée. Si l'on adopte un champ fort, il faudra saturer la totalité du circuit magnétique de l'entrefer, et ne pas saturer le reste.
C) Pour que le moteur soit un bon moteur de traction, il faut que le couple soit constant dans des conditions données, ce qui ne serait pas dans le cas de la figure 3. En effet, dans celle-ci, quand la dent arrive en fin de course, c'est-à-dire lorsqu'elle établit la continuité magnétique entre 1 et 1' par exemple, H doit tomber à zéro, ce qui annule l'énergie qui est proportionnelle au produit HB. Ainsi dans le moteur Jarret, pour remplir les conditions auxquelles nous sommes arrivés, il y a :
I. - Des champs forts, réalisés par un choix convenable du métal, de l'excitation électrique et de la structure géométrique de la machine.
II. - Une saturation limitée aux dents du rotor, qui constitue les "perturbateurs du champ", les "modulateurs du champ". Cette saturation est réalisée en feuilletant le fer des dents, pour diminuer le volume du fer. Grâce à cette saturation la présence de fer pur saturé dans un champ magnétique fort ne modifie pas l'énergie magnétique accumulée. Si la dent est saturée tout se passe comme si l'on introduisait une dent non ferromagnétique ; le champ reste à la même valeur jusqu'à la fin de l'introduction, et la force appliquée au fer ne varie pas. Le champ reste localisé dans l'entrefer. L'utilisation du fer pur limite, en outre, au maximum les pertes par hystérésis.
III. - Une non-saturation du reste du circuit magnétique, qui joue le rôle de "localisateur du champ" dans l'entrefer. Les deux conditions II et III sont indispensables pour obtenir le meilleur compromis puissance-rendement.
IV. - Un tracé des dents donnant la constance du couple. La question de ce tracé sera développée plus loin.


DESCRIPTION DU MOTEUR JARRET DE TRACTION


FIG. 4 - Moteur Jarret ouvert. On voit les deux demi-stators et le rotor.


La figure 4 représente un moteur complet ouvert, dont on remarquera la forme plate, explicable par la nature de son rotor. La figure 5 est une coupe schématique, dans l'ensemble de la roue.


FIG. 5 - Coupe d'un moteur à réluctance variable monté sur une roue de la voiture électronique.

Sur la figure 4, on voit les deux couronnes ou coquilles ou demi-stators encadrant le rotor. Chaque coquille a 24 plots en forme de trapèze correspondant à 24 bobines. On voit la coupe de quatre bobines diamétralement opposées sur la figure 5.


FIG. 6 - Les 24 plots d'un demi-stator et leurs connexions.

Les plots d'un demi-stator sont numérotés sur la figure 6 et ont reçu une lettre (a, b, c, d) qui indique leur appartenance à des groupes de bobines (schéma du haut) alimentés par les thyristors Ta, Tb, Tc, Td, Précisons que les enroulements correspondants des deux coquilles sont alimentés en même temps. Les branchements des thyristors indiquent que chaque bobine est toujours alimentée dans le même sens. Deux plots voisins d'une même coquille sont de noms contraires comme les plots qui se font face dans deux demi-stators.
Les thyristors sont déclenchés deux par deux, c'est-à-dire, successivement : Ta et Tb, Tb et Tc, Tc et Td, Td et Ta. S'agissant de courant continu, il faudra introduire dans la commande des thyristors d'extinction.
La figure 4 montre le rotor composé de rubans de fer, serrés et isolés, et formant les 6 dents à profil caractéristique d'une couronne plate, ondulée dans son plan, et serrée entre deux flasques dont on voit la coupe sur la figure 5. Les rubans ont leur plan parallèle au flux magnétique.


FIG. 7 - Mouvement des dents par rapport aux plots.

Les dents sont présentées à une plus grande échelle sur la figure 7. On constate que la surface d'une dent peut couvrir presque deux plots actifs, ceux qui sont représentés en noir, et qui sont les plots des bobines alimentées. Dans les positions représentées, la dent est sollicitée vers la droite pour couvrir les deux plots actifs. Dans ces positions, la dent a deux plots actifs à droite de son axe et deux plots inactifs à gauche. Quand la commutation fait passer des plots actifs a et b ((schéma 1) aux plots actifs b et c (schéma Il), le flux qui traverse les dents redevient le même.

LE MOUVEMENT DU ROTOR ET LA COMMUTATION DES BOBINES

On ne peut exposer le mécanisme de la rotation sans parler de la commutation électronique. Evidemment, on pourrait concevoir un commutateur purement mécanique, tel que celui de la figure 8 qui enverrait le courant dans le sens convenable aux bobines qu'il faut rendre actives.


FIG. 8 - Schéma théorique d'une commutation mécanique par cylindre tournant.

Mais ce ne serait pas sans des étincelles, ce qui rendrait rapidement le fonctionnement défectueux, puis impossible. La vraie solution est permise par l'électronique, qui commande le déclenchement des quatre thyristors en fonction de tous les éléments possibles, et principalement de la position du rotor par rapport aux bobines.
La figure 7 représente, par les schémas I, II, III et IV, le passage aux quatre combinaisons de bobines.
Le déplacement de la dent en face des plots a pour résultat de faciliter le passage du flux entre les bobines des deux coquilles, c'est-à-dire de diminuer la réluctance.
Les détecteurs de position du rotor sont électroniques. Il faut écarter les détecteurs magnétiques, inefficaces à l'arrêt, et les magnéto-résistances trop chères ; on a adopté des détecteurs de proximité.
Pour réaliser des images pittoresques sur le mouvement du rotor, on peut dire que les dents sont "aspirées" par les plots actifs, ou que l'on emploie le principe de la "carotte", qui consiste pour un cavalier à tenir une carotte devant le nez de sa monture qui, tout en avançant pour l'atteindre, s'en trouve toujours à la même distance.
Pour employer un langage plus scientifique, on dit que le moteur que nous étudions est autosynchrone.

LE REGLAGE DE LA VITESSE ET LE FREINAGE

Les moteurs à réluctance variable se prêtent bien aux variations de vitesse. Ils peuvent même permettre le pas à pas ; mais, dans le moteur du type traction, ils sont munis d'un dispositif de détection de position angulaire qui permet le fonctionnement sous tension continue nécessaire en traction. La vitesse est réglable. Elle pourrait l'être par changement de la tension continue d'alimentation. Elle l'est effectivement dans notre cas particulier par l'utilisation d'un gradateur qui fournit une série d'impulsions qui donne le courant moyen nécessaire.
Le freinage est assuré par le moteur dont la commutation est déphasée de telle manière que le couple s'oppose au déplacement du véhicule. Ce freinage peut être très doux et progressif. La voiture a des freins à disque de sécurité et de stationnement (fig. 5, à droite).

CHANGEMENT DE SENS DE ROTATION

La description du fonctionnement et ce que nous venons de dire sur le freinage suggèrent immédiatement la solution pour le changement du sens de rotation. Il suffit d'inverser le sens de l'excitation des bobines ; c'est-à-dire adopter: d-c, c-b, b-a, a-d, etc.
Le rotor est parfaitement symétrique. La vitesse en marche arrière est égale à la vitesse en marche avant.

LA FORCE CONTRE-ELECTROMOTRICE

Ce qui peut troubler dans l'examen du problème de la force contre-électromotrice du moteur à réluctance variable, c'est qu'on ne peut plus faire la distinction, facile avec les machines classiques à courant continu, entre l'inducteur et l'induit. Il peut apparaître dans le cas particulier que l'induit et l'inducteur sont confondus. Dans la bobine, il y a, en effet, production de la force magnétomotrice qui va engendrer le champ; et d'autre part, la variation de la réluctance, qu'entraîne le déplacement de la dent, cause, dans chaque bobine, une variation du flux qui provoque la force contre-électromotrice.
Quand le couple résistant augmente, le rotor voit diminuer sa vitesse ; la variation de flux est moins rapide ; la force contre-électromotrice est plus faible ; l'intensité prise par la bobine augmente. Quand le couple résistant diminue, le rotor voit augmenter sa vitesse, la force contre-électromotrice augmente et l'intensité prise par la bobine diminue. Mais il est bien certain que le rotor tourne toujours à la même vitesse que le détecteur de position, c'est-à-dire que la commutation.
Les bobines fonctionnant comme des sortes d'électro-aimants, il faut remarquer au passage que ces derniers appareils ont une force contre-électromotrice, car ils sont au fond des moteurs à effets spéciaux ; ils ne le sont que pendant les mouvements de leurs armatures, puisque ce n'est que pendant ces mouvements qu'il y a production d'énergie mécanique et variation du flux. Au repos, le courant qui passe est dépensé dans les conducteurs intégralement sous forme de chaleur.

LA FORME DES DENTS

Il est instructif d'analyser le rôle de la forme des dents, savamment tracée ; et qui a des influences multiples, combinées et subtiles sur le mouvement, le couple, le flux, la commutation et la force électromotrice.
Les dents sont formées par un enroulement d'un ruban de fer pur, dont les lamelles superposées sont séparées par des couches d'un matériau isolant non magnétique. L'anneau plat à section rectangulaire que forment les lamelles est la combinaison d'une forme sinusoïdale et de la forme circulaire ; les ondulations intérieures sont serrées et cachées entre deux flasques qu'on aperçoit sur la photographie de la figure 4 et, en coupe, sur la figure 5 ; on ne voit que les ondulations extérieures, celles qui sont détaillées sur la figure 7.

La forme et le mouvement.

Pour qu'il y ait mouvement, il faut qu'il y ait un décalage, un déphasage entre la dent, ou plutôt l'axe de symétrie de la dent, et les plots actifs, au nombre de deux pour chaque dent, c'est-à-dire de douze à la fois pour l'ensemble d'une coquille du stator. Cette disposition apparaît bien sur la figure 7 où l'on voit le tracé des dents ; leur axe est à gauche des deux plots actifs qui sont voisins. Il en résulte le sens de mouvement marqué par une flèche. Ce sens tend à donner au flux qui émane des plots, et qui augmente à mesure que la dent pénètre dans les entrefers actifs, une valeur croissante ; cette valeur atteindrait son maximum quand la dent couvrirait le maximum des surfaces des deux plots actifs voisins, si la commutation ne venait éloigner la "carotte" dont nous avons parlé. La force magnétomotrice se déplace d'une manière saccadée ; le rotor tourne d'un mouvement régulier.

La forme et le couple.

En traction particulièrement, il faut la permanence du couple. Cette permanence ne pourrait être atteinte d'une part si le champ tombait à zéro quand la dent pénètre dans l'entrefer, d'autre part si à un certain moment la dent n'était touchée par aucun flux, enfin, si à certains moments la dent embrassait le maximum de flux. La forme et la structure de la dent, la forme des plots, leur disposition et leur commutation empêchent cette chute à zéro. On pourrait, cependant, dire que le courant des plots étant formé d'impulsions, il y a des instants (évidemment très courts) où il n'y a pas de courant, c'est-à-dire de flux, c'est-à-dire encore de couple. Il faut savoir que le dispositif de commande électronique comporte des diodes de récupération, comme les moteurs classiques que nous avons évoqués plus haut. Grâce à ces diodes, l'énergie magnétique des plots est récupérées au moment de la commutation. La continuité du couple et même sa constance sont donc assurées pour plusieurs raisons.

La forme et le flux.

Il est intéressant de considérer la variation du flux dans une bobine excitée, en fonction du temps ou de l'angle de rotation. Le flux est modulé par le déplacement du fer qui fait varier la réluctance. Il varie donc entre un minimum et un maximum correspondant à l'absence de la dent ou sa présence en face de tout le plot. Comme l'absence complète ou la présence totale durent un certain temps, la courbe a la forme donnée par la figure 9, qui suppose un plot excité devant lequel on fait défiler les dents du rotor.


FIG. 9 - Variation de flux dans une bobine de stator en fonction du temps ou de l'angle de rotation.

Dans la réalité, on coupe périodiquement l'excitation, en choisissant l'instant de flux minimum.
La combinaison des courbes telles que celle de la figure 9, valable par décalage pour tous les plots, montre que le flux total passant d'une coquille à l'autre du rotor est sensiblement constant, dans des conditions données. Les prélèvements d'énergie n'ont pas d'influence gênante sur le circuit d'excitation, ce qui est favorable au rendement de la machine, et permet de régler ses conditions de fonctionnement.

La forme et l'électronique.

La forme de la courbe de variation de flux donnée par la figure 9 montre que le flux est minimum dans un circuit de plot quand l'angle de rotation dans la courbe en créneaux est représenté par le segment AB. Ce segment variant avec les caractéristiques des dents et des plots, et l'électronicien disposant de lui pour faire ses opérations, il lui appartient de s'entendre avec l'électromécanicien si cela ne va pas.

La forme et la force contre-électromotrice.

La force contre-électromotrice provient des variations de flux qu'entraîne la production de l'énergie mécanique, c'est-à-dire de la rotation. Il faut considérer à ce sujet que la base de la dent peut couvrir la largeur de quatre plots, et que la rotation de la dent fait augmenter le flux dans certaines bobines et le fait diminuer dans d'autres.
Quand la dent augmente le flux dans une bobine, c'est-à-dire augmente la surface de son plot qu'elle couvre, la force contre-électromotrice est opposée à la force électromotrice qui fait circuler le courant dans cette bobine. Le courant est diminué, ainsi que le flux. Inversement dans la bobine dont la surface recouverte par la dent diminue par suite de l'effacement de la dent. La force contre-électromotrice instantanée est évidemment liée à la forme de la dent qui règle la variation de la réluctance et par suite du flux.
PROPRIETES ET CARACTERISTIQUES PRINCIPALES
DU MOTEUR A RELUCTANCE VARIABLE

Dimensions :

Le moteur Jarret est trois fois plus petit en poids et un encombrement que le moteur à collecteur correspondant. La réduction est particulièrement sensible en longueur. Le moteur de la figure 4 a un diamètre de 260 mm et une longueur de 102 mm.

Caractéristiques de structure :

- Etanchéité (il peut être rendu antidéflagrant) ;
- Refroidissement, facilité par la suppression des pertes dans le rotor au démarrage et aux vitesses lentes (ce qui constitue une différence très importante avec le moteur à collecteur). Le rotor se refroidit par brassage de l'air entre les demi-stators ;
- Absence de conducteurs dans la partie mobile ;
- Sans collecteur ni contacts glissants (mais il y a un détecteur de position et une commutation électronique) ;
- Robustesse.

Construction :

- Simplicité de fabrication ;
- Bobinage du stator facile, sans encoches ;
- Gain de poids (fer et cuivre) ; à rendement égal, la puissance massique est très supérieure à celle du moteur à collecteur ;
- Prix inférieur à celui du moteur classique, mais il ne faut pas oublier l'appareillage de semi-conducteurs relativement coûteux, dont le prix ne pourra que baisser avec une production en grande série.

Caractéristiques électriques et mécaniques :

- Couple continu ;
- Couple maximal de 40 mN, le moteur exerce sur la voiture électronique une poussée totale de 450 N, permettant un démarrage avec deux personnes sur une pente de 14 % ;
- Couple de démarrage double ou triple de couple normal à pleine charge ;
- Aptitude à la marche lente, permettant la prise directe sur les roues (vitesse de rotation de 380 tr/mn, soit 27 km/h) ;
- Rotor à faible inertie, facilitant les accélérations ;
- Grande résistance à la force centrifuge ;
- Fonctionnement très silencieux par suite de la prise directe et de l'équilibrage parfait ;
- Pas d'échauffement du rotor ni de perte d'énergie au démarrage.

Entretien :

- Pas de graissage, ni de collecteur, ni de balais à surveiller.

Pannes :

- Impossibles (quant aux blocs électroniques, ils sont débrochables et interchangeables).

LA "VOITURE ELECTRONIQUE"

La "voiture électronique" est construite par la CEEDEVE.
Elle attire l'attention sur trois points :
- Un moteur nouveau, le moteur à réluctance variable à commutation électronique des frères JARRET ;
- Une commande électronique globale, par simple "information" au moyen d'un petit "manche à balai", avec suppression de toute mécanique entre le conducteur et les roues ;
- Une conception nouvelle pour le véhicule.

HISTORIQUE

En 1968, le groupe JARRET prît la décision d'industrialiser un petit véhicule, en vue de l'orienter vers la solution des grands problèmes de l'heure qu'on peut résumer par les mots : pollution, vibration, bruit et asphyxie (des hommes et de la circulation automobile). La solution globale du problème est trop difficile actuellement, et doit être décomposé suivant plusieurs stades, qui ne pourront être définis que par les Pouvoirs publics, en liaison avec les urbanistes, les grands constructeurs, les grands organes d'information, et d'après la progression de la technique.
Il y a urgence extrême. Mais vouloir atteindre immédiatement la voiture électronique routière est illusoire, en l'absence d'un générateur électrochimique suffisant, que ne manqueront pas d'apporter la science et l'industrie dans les cinq ou dix ans à venir, en raison des moyens très puissants investis dans la recherche. II faut poursuivre des solutions réalistes et utiles, c'est-à-dire, dans le cas particulier :
- Concentrer les efforts sur les micro-transports (150 à 500 m) et les mini-transports (0,5 à 50 km) ;
- Construire d'abord des voitures pour les enceintes closes, puis progressivement des voitures d'appoint pour la voie publique urbaine ;
- Insérer les véhicules dans la voie publique, par le moyen des collectivités telles que les municipalités, les administrations, les services publics.
Ainsi sera ouverte la voie vers une voiture électronique d'emploi général par une expérimentation pratique, technique et progressive, hors du secteur actuellement réservé à l'automobile non électrique. La suite viendra avec les progrès des générateurs électrochimiques, en passant s'il y a lieu par les générateurs hybrides.
C'est dans cette intention qu'a été constituée la Société "La voiture électronique", qui a reçu l'appui de puissantes sociétés industrielles et des organismes officiels compétents.
La mise en fabrication d'une présérie a commencé au mois de mai 1969. A partir de janvier 1970, les travaux auront lieu à Creutzwald en Lorraine, dans une usine pilote d'abord, puis dans l'usine définitive. Le choix de l'implantation à la frontière marque la volonté des dirigeants d'utiliser la coopération technologique et commerciale de l'industrie allemande, pour atteindre le cadre européen et le cadre mondial. Un accord de coopération technique a été signé avec la Société Daimler-Benz.

PRESENTATION AU SALON 1969


Fig. 1 - La voiture électronique utilitaire (1969).


Fig. 2 - La voiture électronique d'agrément (1969).


Au Salon étaient exposés (fig. l et 2) :
- Un premier modèle commercialisé de voiture électronique pour service intérieur et liaisons courtes (hôpitaux, cliniques, halls, expositions, hôtels, aéroports, gares, ports, usines, dépôts, voies privées des grands ensembles, etc.). Ce modèle, qui résulte des perfectionnements apportés au prototype exposé en 1968, et qui en a gardé la forme extérieure, a fait l'objet de nombreuses pré-commandes en 1968 et 1969. Les délais de livraison seront au minimum de huit mois ;
- Des modèles non encore commercialisés en cours d'études et d'essais, de voitures pour utilisations techniques et transports légers, et de voitures de détente et de loisirs.

PRESENTATION AU SALON 1970


Fig. 1 - La voiture électronique avec toit et pare-brise (1970).

II y avait trois versions : "industrie", "service" et "visite", monoplaces ou biplaces, la place dégagée pouvant servir pour du matériel. Les véhicules peuvent être dotés en option d'un équipement d'éclairage et de signalisation et d'un équipement de protection (toit et pare-brise, fig. 3).
Trois stades de fabrication étaient prévus :
- mini-transports dans une enceinte close ;
- ensembles urbanisés, habitat rural, détente et loisirs ;
- mini-transports urbains.
Le châssis est en acier, la coque en polyester armé, la suspension est assurée par des ressorts auto-amortisseurs à compression hydrostatique d'élastomère (couverts par des brevets internationaux).
A plus tard les routières !

CARACTERISTIQUES GENERALES

L'énergie est fournie par quatre ou cinq batteries, suivant les modèles : batteries de 12 V normalisées de 65 ou 47 A/h. Prise pour la recharge sur le réseau d'éclairage par utilisation d'un redresseur incorporé sur véhicule (en option).
Les deux roues motrices à l'arrière sont à commande différentielle. La roue avant est libre et tractée. Cette disposition permet d'effectuer une rotation sur place aussi bien qu'un demi-tour dans un couloir de 1,80 m de largeur.
Le poids à vide sans batteries est de 125 kg, le poids avec batteries suivant les modèles de 192 à 215 kg.
Un tableau de bord comportant plusieurs voyants permet de contrôler la bonne marche du véhicule.

LA CONDUITE DE LA VOITURE ELECTRONIQUE


Fig. 1 - Le châssis de la voiture électronique.

Sur la "voiture électronique", toiture d'intérieur construite par la Compagnie Européenne d'Etude, de Développement et d'Exploitation de Véhicules Electroniques (CEEDEVE), à laquelle est empruntée une partie de la documentation ci-après, la direction est obtenue par des alimentations indépendantes des deux roues arrière, la roue avant étant uniquement porteuse (fig. 1).
On est évidemment en droit de se demander si le principe de cette conduite pourrait être appliqué à une routière, comme il l'est à un véhicule d'intérieur. On peut être sceptique, mais l'électronique offre de telles ressources que toutes les perspectives peuvent être admises. Des dispositifs susceptibles de conduire des fusées sur les routes du ciel peuvent, sans doute, être admis pour des véhicules qui rampent sur notre modeste écorce terrestre. L'avenir nous fixera.
Sur la "voiture électronique" le seul organe de commande est le "Stilic", analogue au "manche à balai" des avions, et dont la manoeuvre dans tous les sens assure les changements de vitesse et de direction. On voit le Stilic sur la figure 1 au centre du triangle formé par les trois roues.

LE MOTEUR A RELUCTANCE VARIABLE

Nous ne faisons qu'un court rappel à propos de ce moteur (voir troisième partie, article VII) et nous ne rappelons que ce qui est strictement lié à son emploi. Le rotor est un dispositif formé de pièces de fer pur sur lequel agit le magnétisme créé par des bobines du stator, qui, excitées dans un ordre convenable, attirent les dents du rotor et provoquent la rotation. Pour que celle-ci se produise dans un sens ou dans l'autre, ou soit freinée, il faut que les bobines excitées le soient dans des positions déterminées par rapport aux dents, c'est-à-dire par rapport au rotor. Une particularité du moteur est donc l'existence d'un détecteur de position qui, d'après la position du rotor, permet l'excitation de telle ou telle bobine. C'est dans ce sens que le moteur est appelé autosynchrone. A la réflexion, l'existence du détecteur de position n'est pas exceptionnelle ; est-ce que, pour le moteur classique à collecteur et balais, ces deux organes ne sont pas l'équivalent du détecteur de position, puisque c'est leur existence qui permet d'envoyer le courant dans les enroulements de telle façon que la continuité du mouvement soit assurée ?
Commander le moteur, c'est, tout en respectant le jeu du détecteur de position, l'intégrer dans le mécanisme général qui permet de faire varier le courant moyen dans les bobines suivant les intentions exprimées par le conducteur (on peut se demander s'il faut employer le mot conducteur, celui-ci étant plutôt un passager qui exprime une intention).

LA COMMANDE DES MOTEURS

L'organisation du châssis est donnée par la figure 1, où l'on voit les deux roues et les deux moteurs en prise directe, les deux batteries, les dispositifs électroniques et le STILIC. L'utilisation de cet ensemble demande :
1° La formation d'une intensité moyenne correspondant au couple à envoyer à chaque moteur, d'où résultera la vitesse de rotation ;
2° La fourniture de cette intensité moyenne à des moments déterminés par rapport aux positions des dents, suivant qu'il s'agit de marche avant, ou arrière ou de freinage ;
3° La combinaison des couples et des sens de rotation pour réaliser la vitesse voulue avec le changement de direction nécessaire.
Tout cela peut se résumer ainsi : il faut régler, indépendamment pour l'un et l'autre moteur, le couple en grandeur et en sens, par réglage des impulsions à envoyer aux rotors, et fixation des périodes où elles sont envoyées dans des bobines déterminées.


Fig. 2 - Schéma électrique du véhicule.

Le schéma général de principe est donné par la figure 2 où l'on distingue :
A) Le groupe des batteries représentant 48 V (il s'agit d'accumulateurs au plomb, mais l'ensemble est adaptable à tout autre générateur électrochimique) ;
B) Deux électroniques de puissance recevant le courant de la batterie et l'envoyant chacune à un des moteurs ;
C) Les deux moteurs, chacun monté sur l'axe d'une des roues avec un détecteur de position ;
D) Deux électroniques de commande ou "logiques", pour parler le langage des électroniciens ;
E) Le STILIC par lequel le conducteur "transmet ses voeux" à la machine.

LES CIRCUITS DE PUISSANCE

Ces circuits sont indiqués en gros traits sur la figure 2. Ce sont les deux circuits des moteurs alimentés par la batterie par l'intermédiaire des électroniques de puissance, dont les éléments essentiels sont des thyristors (fig. 3).


Fig. 3 - Les circuits d'un moteur et les thyristors d'allumage.

Etant donné que chaque moteur comporte quatre circuits de bobines, il faut par moteur, quatre thyristors de déclenchement, auxquels il faut ajouter deux thyristors d'extinction, puisque le courant continu ne permet pas cette opération automatiquement.
La récupération de l'énergie magnétique des moteurs est faite par moteur au moyen de quatre diodes de récupération, une par enroulement, auxquelles s'ajoutent deux diodes de limitation de tension.
L'électronique de puissance a un double rôle :
- assurer la commutation en fonction de la position relative des dents du rotor et des plots du stator, afin qu'un couple positif ou négatif soit réalisé dans un sens ou dans l'autre ;
- établir une gradation, c'est-à-dire un dosage du courant, afin de réaliser le couple, c'est-à-dire la vitesse, souhaitable.
Comme pour la logique, il existe deux blocs d'électronique de puissance indépendants, un par moteur. L'ensemble pèse environ 5 kg.

LES CIRCUITS DE COMMANDE

Ces circuits sont indiqués en traits fins sur la figure 2. Ils comportent des condensateurs, des selfs, des transistors et des résistances de faible puissance, groupés en dispositifs élémentaires assurant chacun une fonction déterminée. Ils peuvent recevoir des noms divers tels que : détecteurs, oscillateurs, alimentation stabilisée, temporisateur, bistable, gradateur, blocking, commutateur. Ils sont alimentés en 12 V par prise sur la batterie avec stabilisation.
lls sont organisés pour recevoir deux familles d'informations :
- Les informations en provenance du système de commande, à la disposition du conducteur, c'est-à-dire du STILIC, petit levier dont les mouvements dans tous les sens traduisent en langage électronique les intentions du conducteur, traduction sur laquelle nous reviendrons plus loin.
- Les informations qui décrivent la situation du véhicule et de ses composants, notamment la position relative du rotor par rapport au stator, et subsidiairement l'état de la batterie, et du niveau thermique des éléments électriques du véhicule.
Les signaux électriques fournis par le STILIC et les autres organes d'information aux circuits de commande déterminent comment les circuits de puissance seront animés par les circuits de commande, qui combinent "logiquement" les renseignements reçus.
Chaque moteur a son propre bloc électronique de commande. Il n'y a aucune liaison entre les deux logiques, si ce n'est la réception de certaines informations relatives à l'état de la batterie.
Les logiques décident de l'allumage ou de l'extinction de tel ou tel thyristor de l'électronique de puissance, et sélectionnent ainsi les circuits élémentaires des moteurs vers lesquels le courant est acheminé.
Dans les logiques, il faut donner une place spéciale à deux détections :
- Celle de la position des dents du rotor par rapport aux plots ; c'est une donnée de base de la commande, puisque le principe même du moteur et de son couple réside dans cette position.
- Celle des intentions du conducteur, traduites par lui dans un mouvement mécanique naturel du STILIC, du genre de celui du "manche à balai" de l'avion. Le conducteur ne transmet pas à la voiture un ordre sous forme musculaire ; il lui donne une précision en quelque sorte de nature mentale ; ce n'est même pas un léger effort musculaire amplifié par un servomécanisme. C'est un élément de décision ou de calcul.

LE DETECTEUR DE POSITION

La position du rotor peut être traduite en langage électrique par des solutions faciles à imaginer en théorie, et dont nous avons donné des idées à plusieurs reprises à propos des moteurs susceptibles d'emploi comme moteurs de traction, par exemple la cellule photoélectrique, la magnéto-résistance, le détecteur magnétique. Il faut évidemment tenir compte des prix, ii faut tenir compte aussi de la nécessité d'avoir des indications à l'arrêt, ce qui écarte un détecteur très utilisé en allumage électronique classique (si un tel appareil peut être dit actuellement classique) : le détecteur magnétique qu'on appelle aussi émetteur d'impulsion ou pick-up ; et qui est basé sur l'induction que produit un téton ferromagnétique solidaire du volant et défilant devant un circuit magnétique. Il faut utiliser pour le moteur de traction un détecteur de proximité. Le principe de tels dispositifs est le suivant : un oscillateur produit des oscillations électriques auxquelles un système de transformation donne une amplification efficace en jouant sur l'entrefer d'un transformateur modifié par la position d'une pièce solidaire du rotor. Cette action peut se produire même à l'arrêt.
Le signal émis par le détecteur est envoyé à l'électronique de commande qui en tient compte pour la commutation et l'allumage des thyristors et leur extinction.

LE STILIC

Fig. 4 - Le Stilic et les changements de direction.


On voit le STILIC sur la figure 1, au centre du véhicule. On le voit aussi, schématisé, sur la figure 4, à gauche. On le désigne parfois par transducteur, ou transmetteur ; c'est aussi un détecteur ; si l'on veut, ces noms désignent aussi plus particulièrement la partie électrique du dispositif. Le STILIC est à peu prés, avec le frein à main, le seul dispositif de commande à la disposition du conducteur ; c'est un petit levier surmonté d'un pommeau ; à sa base se trouve le transducteur proprement dit, dont nous parlerons plus loin. il faut que les mouvements du levier traduisent :
- par sa position verticale, l'arrêt du véhicule ;
- par ses déplacements perpendiculaires à l'axe du véhicule, un virage dans le sens adopté par le levier, d'autant plus rapide que l'inclinaison vers l'avant ou vers l'arrière est plus grande. Si le levier est déplacé dans le plan vertical perpendiculaire à l'axe du véhicule et passant par la base du levier, le véhicule tourne sur place, les deux moteurs tournant à même vitesse en sens inverses. Les ordres pour la vitesse et ceux de la direction ne sont pas contradictoires ; au contraire, ils sont liés, puisque ce sont des ordres relatifs aux vitesses qui assurent les changements d'orientation.
Le détecteur qui analyse le mouvement mécanique du STILIC et le traduit en valeurs électriques est un ensemble de quatre condensateurs qui ont chacun une armature indépendante des autres. L'ensemble des quatre armatures est groupé sous forme de quatre secteurs à la base du STILIC ; on le voit sur la figure 4 dans la colonne centrale. La deuxième armature des quatre condensateurs leur est commune ; c'est une calotte sphérique solidaire du levier de commande. Elle est schématisée par un cercle quadrillé, et se trouve à la masse. Deux secteurs, c'est-à-dire deux condensateurs, opposés sont réunis à un même ensemble détecteur agissant sur le même moteur, les deux connexions g (secteurs hachurés) concernent le moteur de gauche, les deux connexions d (secteurs pointillés) concernent le moteur de droite.
Le mouvement du levier a pour effet de déplacer la calotte, qui est une armature commune, et par suite de faire varier la surface qu'elle couvre sur les secteurs, c'est-à-dire la capacité des quatre condensateurs, non d'une manière quelconque et anarchique, mais en harmonie avec les résultats à obtenir. Les détecteurs enverront donc aux électroniques de puissance des impulsions correspondant aux intentions manifestées par les positions du levier.

LA CONDUITE

Pour illustrer le processus des informations et des signaux, supposons le levier de commande dans la position verticale. Il est dans le plan médian ; la calotte solidaire du levier couvre partiellement, mais également, les quatre armatures indépendantes des condensateurs. Les quatre capacités sont égales ; aucun signal n'est envoyé aux circuits de puissance ; les couples moteurs sont nuls et le véhicule reste immobile.
- par ses mouvements dans un plan vertical passant par l'axe du véhicule, en avant la marche avant, en arrière la marche arrière. La vitesse est d'autant plus grande que l'inclinaison est plus prononcée ;
- dans le même plan, un freinage si le levier marque un brusque retour en arrière ;
Si le levier, tout en restant dans le plan médian, est poussé vers l'avant, ce qui correspond à la ligne 1 de la figure 4, les capacités des condensateurs de l'avant croissent, et celles des condensateurs de l'arrière diminuent. Les impulsions varient; du courant est envoyé également dans les deux moteurs, qui tournent à la même vitesse, ce qui correspond à la marche en ligne droite, symbolisée par les deux flèches parallèles de la ligne I à droite.
Si, le levier étant en avant, on le penche à droite, ce qui correspond à la ligne II de la figure 4, les variations des capacités entraînent l'envoi d'un courant moyen plus élevé dans le moteur de gauche que dans le moteur de droite. Il en résulte un mouvement vers la droite, symbolisé à droite de la figure 4 par les flèches incurvées.
La ligne III correspond au virage sur place. Les secteurs recouverts en noir indiquent que le moteur de gauche est alimenté dans un sens, et le moteur de droite en sens inverse, mais également. Il y a virage sur place.
Sur la ligne IV, le levier est dans le plan médian, mais tiré vers l'arrière. Les moteurs étant également alimentés, mais dans le sens inverse de celui de la ligne 1, le véhicule recule en ligne droite.
Cela représente bien une révolution dans la conduite, tout au moins pour des véhicules spéciaux. Il y a réduction au minimum concevable pour l'effort musculaire et la tension cérébrale.