FELIX NIEL

LE PROBLEME

DE LA QUALITE
DANS L'APPRENTISSAGE

ET LES EXAMENS
DES CERTIFICATS D'APTITUDE PROFESSIONNELLE



SYNDICAT GENERAL DES INDUSTRIES
MECANIQUES ET TRANSFORMATRICES
DES METAUX
10-11, AVENUE HOCHE, PARIS

1950



PREFACE

Les industries mécaniques sont parmi celles qui exigent des travailleurs qu'elles emploient les connaissances techniques les plus étendues. C'est dire toute l'importance que présente pour ces industries le problème de la formation professionnelle.
Le Syndicat des Industries Mécaniques dès l'origine s'est préoccupé du sort de l'apprentissage dans les ateliers des ses adhérents. En 1904, quinze ans avant la loi Astier, il avait créé dans la région parisienne des cours théoriques et pratiques d'apprentissage, qui avaient pris rapidement un remarquable développement, puisqu'en 1919 ils dispensaient déjà à plus de 1200 jeunes mécaniciens les notions essentielles de leur métier.
Depuis cette date, les initiatives en faveur de l'apprentissage des travaux mécaniques se sont multipliées, soit sur le plan des institutions professionnelles, soit sur celui de Centres d'apprentissage.
Et pourtant on a le regret de constater que la qualité des apprentis est trop souvent inférieure aux exigences de l'industrie.
Donc, de nouveaux efforts s'imposent de la part de tous les intéressés, industriels, groupements professionnels et pouvoirs publics, pour perfectionner l'enseignement de la mécanique dans ses divers éléments : documentation, équipement, financement, recrutement, orientation, programmes, méthodes, contrôle, placement.
Tel est le sujet exposé dans le présent ouvrage. Président de la Commission d'Apprentissage du Syndicat Général des Industries Mécaniques, Conseiller de l'Enseignement Technique et Président des Jurys d'examens, l'auteur avait toute la compétence et l'autorité nécessaire pour traiter magistralement cette matière su complexe. Il a voulu borner son étude au seul domaine d'apprentissage et des examens d'aptitude professionnelle qui le sanctionnent, mais les conclusions qu'il formule ont une portée générale et, même si elles donnent lieu à discussion, on peut être assuré qu'elles contribueront à susciter les initiatives et les décisions propres à faire progresser l'apprentissage de nos industries mécaniques dans la voie de la qualité.
J. Constant

TABLE DES MATIERES

Appréciation sur la valeur professionnelle relative des ouvriers
Aspect de la qualité dans l'Entreprise
Les résultats des C.A.P. dans la Région Parisienne
Suggestions de réformes devant permettre de relever la qualité
La Profession dans le cadre de la Mécanique et de la Transformation des Métaux

Le problème de la Qualité
dans l'Apprentissage et les examens des C.A.P.
pour les Industries de la Mécanique
et la Transformation des Métaux

Le problème de la qualité n'est pas le même pour toutes les Professions et, dans une même Profession, pour toutes les Entreprises ou Productions ; les différences, d'une industrie à l'autre, sont souvent considérables. Dans cette étude nous examinons cet important problème pour les industries (les métaux où la qualité de nos Professionnels est un facteur essentiel, primordial.

APPRECIATION SUR LA VALEUR
PROFESSIONNELLE RELATIVE DES OUVRIERS

Au cours de nos travaux, réunions ou conférences, où participent souvent en commun MM. les Membres de l'Administration, des représentants des Entreprises ou d'organisations salariées, nous entendons fréquemment dire que pour les ouvriers nantis de leur C.A.P. et consacrés professionnels réguliers, un ajusteur est et vaut un ajusteur, un tourneur vaut un tourneur, etc.., et qu'en principe, tout ouvrier professionnel est apte à tous les travaux de sa profession. Cette affirmation est erronée, cela va sans dire ; elle ne peut provenir que de personnes qui ne participent que de loin à la vie des ateliers. Une telle assertion ne résisterait d'ailleurs pas à une simple visite sérieuse d'un atelier moderne.
Il est en effet de première évidence que l'ouvrier tourneur par exemple, peut être appelé à travailler sur des tours de 200 mm, 500 mm, 1000 mm de hauteur de pointes, avec toute la gamme de machines intermédiaires ou spécialisées, sur des formes d'usinage souvent délicates ou exceptionnelles. On comprend aisément que, dans chaque cas, les qualités requises de cet ouvrier tourneur ne seront pas les mêmes. Plus généralement, il s'avère que le travail des ouvriers professionnels sur machine exige des qualités plus nombreuses que celui des ouvriers de main, par suite du perfectionnement rapide de la machine-outil qui entraîne plus de précision, des réalisations d'usinage plus complètes, etc... donc plus difficiles et délicates.
Dans un autre ordre d'idées, il semble que beaucoup de personnes admettent que la qualité chez l'O.P. se limite surtout à la valeur manuelle accompagnée d'éléments généraux de technologie ou de technique. Ce n'est pas davantage exact, comme il est montré par l'examen des exemples qu'on rencontrera dans la plupart des entreprises. En effet, certains O.P. ont acquis la confiance de leurs chefs pour des raisons qui, tout en relevant d'une préoccupation de qualité, sont cependant différentes de la valeur manuelle stricte ou de la technologie. De même, est-il fréquent de devoir exécuter des travaux sur machines, ou de main de peu d'importance relative, pouvant présenter des difficultés manuelles ou intellectuelles particulièrement sérieuses.
Voici quelques exemples.

TRAVAUX MANUELS DIFFICILES

La figure n° 1 représente une roue de machine soufflante à grande vitesse. D'un diamètre de 600 mm, elle est tirée d'un bloc de forge d'une seule pièce, par une première opération de perçage qui a pour but d'enlever les parties inutiles et de dégager les pales, puis par une série d'opérations de fraisage qui amènent toutes les parties à la cote, enfin par un ensemble d'opérations d'ajustage qui terminent la pièce et assurent la rigueur des angles d'entrée et de sortie.


Fig. n° 1 - Roue de soufflante à grande vitesse de 600 mm de diamètre.
Cette roue absorbera en fonctionnement plusieurs centaines de chevaux pour son entraînement.
Elle est tirée entièrement et d'une seule pièce d'un bloc métal spécial et très dur.
Elle repésente un travail complexe de tour, de perçage et d'ajustage final.
Elle nécessite la collaboration d'ouvriers professionnels éprouvés.

La figure n° 2 représente une pièce de tour destinée à un moteur d'aviation et devant fonctionner à très haute température. Tirée pour cette raison d'un bloc de métal spécial forgé, elle est dégagée à 3 mm d'épaisseur en forme de bol par opérations successives. La pièce finie vaut 800 000 fr. Un serrage négligent, une maladresse, et la pièce est perdue si elle est déformée ou criquée.
La même figure représente une autre pièce de même genre tirée également d'un bloc et d'un métal spécial ; elle réclame un excellent tourneur.


Fig. n° 2 - Pièce de moteur d'aviation dont l'usinage peut et être effectué sur un banc ordinaire de petites dimensions.
Ces pièces sont tirées d'un bloc plein de métal spécial forgé, très dur, et sont considérées comme un travail d'usinage difficile.

MACHINES EXCEPTIONNELLES

Dans de nombreux ateliers, les machines-outils de grandes dimensions ne sont pas rares : raboteuses immenses, aléseuses énormes, tours monumentaux, etc... La figure n° 3 présente un grand tour vertical pouvant recevoir des pièces à usiner d'un poids considérable. Le tour, comme les pièces, sont de très grande valeur. L'usinage des pièces est, en soi, le plus souvent, du ressort d'un bon tourneur ordinaire. Mais il faut compter avec la manutention de la pièce, sa mise en place, Sun réglage au traçage, son calibre et son serrage, en évitant toute déformation, etc... La dimension du la machine et des pièces oblige l'ouvrier à monter, à descendre d'une échelle, à faire une gymnastique fréquente. Ajoutons encore que la machine comporte 4 outils, 14 moteurs électriques pour l'entraînement, les manoeuvres diverses, le graissage, que le tableau de manoeuvre est une petite usine électrique, etc...


Fig. n°3 - Tour vertical de 7 m de plateau horizontal pour l'usinage de grosses pièces mécaniques.
Cette machine, d'une grande précision malgré ses dimensions, peut travailler simultanément à 4 outils
et peut recevoir des pièces de 80 tonnes. Son fonctionnement normal nécessite le concours de 14 moteurs électriques.
Celle photo, comme celles des figures n° 4, 5 et 6 suivantes doit éveiller l'attention sur la nécessité de trouver
pour la conduite de telles machines, des qualités particulières chez l'ouvrier professionnel et des raisons
pour la grande confiance qu'il faut placer en lui.
Ces matériels et les pièces qui sont généralement usinées représentent, en effet, des valeurs considérables.

C'est une situation identique pour les machines représentées par les figures n° 4 raboteuse de 27 mm de banc, fig. n° 5 aléseuse de 300 mm de barre, fig. n° 6 tour horizontal de 1 500 mm de hauteur de pointe et 12 m entre pointes. Dans tous ces cas, la qualité et les connaissances de l'O.P. doivent être voisines de celles d'un bon ingénieur et on imagine assez le soin qui préside à son choix.


Fig. n°4 - Raboteuse-Fraiseuse de grande puissance à 4 outils et à retour rapide de 27 m de longueur de banc,
12 x 4 m de table mobile, 12 m de course, à revrsibilité de marche électrique.
Cette machine, comme la précédente, nécessite un ouvrier éprouvé et habile.



Fig. n°5 - Grande aléseuse de 300 mm de barre.Le montage et le réglage des pièces sur la table de travail sont
particulièrement difficiles et délicats pour des raisons de pids, d'encombrement et de précision.
Un professionnel expérimenté est nécessaire.



Fig. n°6 - Grand tour parallèle de 12 m entre pointe.
La photo montre en place pour retouche le rotor basse pression d'une turbine de 40 000 kW,
rotor fini dont la valeur est très élevée et exige de grandes précautions pour la manutention et la retouche nécessaire.

QUALITES AUTRES QUE LA VALEUR MANUELLE

Pondération - Calme

Un disque de turbine est percé à sa périphérie de plusieurs centaines de trous pour recevoir les rivets d'aubages. Ces trous doivent être rigoureusement équidistants, opération facile mais qui exige chez l'ouvrier des qualités de calme, de patience et d'attention soutenue, car toute erreur entraînera le rebut du disque, donc une perte et un retard importants pour une valeur de main-d'oeuvre insignifiante.

Confiance et sécurité

Une machine auxiliaire à vapeur destinée à un navire a été complètement montée, puis essayée suivant un programme défini. Après ses essais, la machine est entièrement démontée pour vérification de l'état de tous les organes. Cette vérification terminée et contrôlée, la machine est entièrement remontée et remise en ordre de marche par l'ajusteur-monteur professionnel. La machine remontée ne sera plus essayée ; elle sera expédiée, montée à bord sans autre contrôle. Toute maladresse, tout manque d'attention dans le remontage, entraîne un mauvais fonctionnement et des conséquences fâcheuses : l'ouvrier ajusteur-monteur doit donc être l'objet d'une confiance spéciale.

Responsabilité

Un mobile de grosse turbine à vapeur (voir figure n° 6) nécessite quelques retouches après présentation dans le stator de la machine. Le mobile a 6 m de long, certaines roues ont plus de 2 m 50 de diamètre ; la valeur actuelle de l'ensemble dépasse 20 millions de francs. Ce mobile est amené entier pour les retouches nécessaires au tourneur qui dispose de la machine convenable. Le travail est ordinaire et ne présente rien d'exceptionnel. Mais que dire du soin que doit prendre l'ouvrier pour la manutention de la pièce, son élingage, le montage entre pointes sur sa machine, etc... pour éviter toute avarie qui pourrait être de la plus grande gravité.

Ingéniosité

Dans les grands ateliers, l'organisation de la préparation du travail est telle qu'elle décharge le plus souvent le contremaître et l'ouvrier du souci de s'occuper des détails d'outillage, d'usinage. Mais dans les petits ateliers, il n'en est pas de même ; aussi l'ouvrier professionnel est-il souvent appelé à s'occuper de nombreux petits problèmes d'outillage, de montage, de contrôle. Il n'est pas rare de trouver un ouvrier qui doive être à la fois ajusteur, tourneur, fraiseur, qui doive calculer certaines cotes lui-même, exécuter un montage et prendre des responsabilités qui, d'ailleurs, incombent à plusieurs. Dans tous ces cas particuliers, on demande à l'ouvrier professionnel un ensemble de qualités qui dépassent celles de l'ouvrier ordinaire.

Ancienneté

Pour être un état de fait, l'ancienneté n'en constitue pas moins une valeur que l'employeur apprécie hautement, car la connaissance de l'usine, de ses productions, comme l'expérience sous toutes ses formes et dans toutes ses applications, parfois même une certaine routine, sont autant de facteurs de confiance et de sécurité.

Assurance, présentation et commandement

Lorsqu'un employeur achète une machine ou une installation industrielle, il désire généralement que le fournisseur lui envoie son personnel pour le montage, la mise en route et l'essai. Si la machine est importante, elle sera expédiée en parties détachées. L'employeur déléguera sur les lieux un O.P. monteur qui aura la responsabilité de l'assemblage des pièces, de la mise en place et de la mise en route chez le client. Il est isolé, sans liaison avec l'usine autre que la correspondance ou le téléphone : il faut que cet ouvrier ait une valeur professionnelle affirmée. Souvent, la machine dont il aura la charge sera d'une valeur considérable. Cet ouvrier doit savoir se présenter auprès du client et être pleinement conscient de sa grande responsabilité vis-à-vis de son employeur. S'il embauche des aides sur place, il lui faudra savoir les commander. Tous les ouvriers monteurs à l'extérieur - et ils sont nombreux - doivent posséder, à des degrés divers, les qualités définies ci-dessus.

Ponctualité, exactitude et absentéisme

On conçoit sans peine l'incidence se ces questions sur le jugement que porte l'employeur sur ses ouvriers. Ce mal de l'absentéisme dont souffrent plus ou moins toutes les entreprises est déjà critiquable pour n'importe quel genre de travail de main, mais c'est encore bien plus vrai si l'ouvrier travaille sur une machine. En effet, tout manquement de l'ouvrier immobilise également la machine qui lui a été confiée. C'est pour l'employeur, non seulement une perte de rendement mais aussi une perte financière, car si l'ouvrier a perdu une heure ou une journée de son salaire, l'employeur a perdu une heure ou une journée de production et d'amortissement pour sa machine, car l'amortissement régulier de la machine est presque toujours très supérieur au salaire.

On nous objectera peut-être que certaines des qualités citées, pour importantes qu'elles soient, n'ont rien à voir avec la qualité professionnelle et manuelle. Qu'il nous suffise de rappeler que ce sont ces diverses qualités qui déterminent le choix par l'employeur ou ses représentants, des bons ouvriers, pour les postes importants et sérieux, pour les travaux de responsabilité, et que ce choix détermine, par répercussion naturelle, la hiérarchie des valeurs et des rémunérations.
Nous avons tiré ces exemples de l'industrie des métaux. Ils pourraient être évidemment multipliés. Ne doutons pas que, sous des aspects différents, bien entendu, toutes les professions : Bâtiment, Textile, Produits Chimiques, Travaux Publics, etc.. sont placées devant des besoins comparables.
Reconnaissons par ces quelques exemples combien le slogan " Un tourneur vaut un tourneur " est erroné et combien, au contraire, la diversité est grande dans les nombreux aspects de la qualité. Dans nos entreprises modernes, où la notion de progrès et de perfectionnement continu est le but sans cesse poursuivi, nous avons besoin d'agents dont la qualité soit à la hauteur de ces tâches. Ces agents se révèlent par la sélection naturelle, fruit de l'expérience journalière des difficultés rencontrées. L'employeur et ses cadres responsables prennent grand soin d'utiliser ces qualités en mettant chacun à la place convenable dans l'organisation générale.
Pouvons-nous prétendre que de tels agents soient susceptibles d'être " formés " ? Oui, sans aucun doute. Compte tenu du tempérament personnel de l'ouvrier, cette formation est affaire de moniteurs, de programmes de cours, d'exemples, d'expérience et surtout de moyens.

ASPECT DE LA QUALITE DANS L'ENTREPRISE

Si nous nous reportons à la Convention Collective Paritaire de 1936 pour les ouvriers de la Métallurgie, nous lisons à l'art. 19 du texte officiel :

A) Définition

1°) On entend par " ouvrier qualifié " ou par " ouvrier professionnel " un ouvrier possédant un métier dont l'apprentissage peut être sanctionné par un Certificat d'Aptitude Professionnelle et ayant satisfait à l'essai professionnel d'usage.

2°) On entend par " ouvrier spécialisé " un ouvrier exécutant sur des machines-outils, au montage, à la chaîne, au four, etc... des opérations qui ne nécessitent pas une connaissance d'un métier dont l'apprentissage peut être sanctionné par un Certificat d'Aptitude Professionnelle.

Un arrêté plus récent a défini dans chaque groupe des échelons de qualité (Spécialisés O.S.1, O.S.2., Professionnels O.P.1., O.P.2., 0.P.3.).

Notre étude ayant surtout pour but le perfectionnement de la formation et des diverses formes du C.A.P., nous viserons nécessairement et surtout les ouvriers professionnels puisque théoriquement le C.A.P, est considéré comme l'objectif n° 1 de leur formation dans le métier.
Nous n'entendons pas pour cela sous-estimer l'ouvrier spécialisé. Ce dernier, dont le recrutement se fait, entre autres modes, parmi la masse des jeunes entrés en apprentissage d'une durée et d'une forme plus ou moins variées, mais ni présentés ni reçus au C.A.P., trouve sa place dans l'entreprise. Mais cet aspect peut n'être que provisoire, car le " spécialisé " est l'échelon nécessaire pour arriver à la qualification d'O.P., pour tous ceux qui persévèrent et acquièrent avec le temps les qualités nécessaires.
Sur un ensemble de 30 établissements (1) de la Région Parisienne, totalisant un nombre important d'ouvriers, la répartition de cet ensemble de main-d'oeuvre dans les 4 catégories principales est la suivante (Voir graphique n° 7).
(1)Renseignements provenant de la Commission de l'Index des salaires des Industries Electriques et Mécaniques.

- Femmes et jeunes ouvriers   37,15 %
- Manoeuvres7,45 %
- Ouvriers spécialisés25,52 %
- Ouvriers professionnels29,88 %


Fig N°7 - Répartition approximative de la main d'oeuvre globale d'un certain nombre (30)
d'Entreprises des Métaux de la région parisienne

Le pourcentage général d'ouvriers professionnels dans la main-d'oeuvre totale varie d'ailleurs assez peu comme le montre le graphique d'information A joint, qui donne la variation de ce pourcentage sur plusieurs années.


Graphique A - Courbe donnant la variation totale du pourcentage des ouvriers professionnels
sur la totalité de la Main d'Oeuvre pour un certain nombre d'entreprises de la Région Parisienne

Les 29,88 % de professionnels s'appliquent aux jeunes adultes ; en y ajoutant les O.P. qui sont parmi les femmes et les jeunes ouvriers, ce pourcentage devient 31,31 qui se divise à son tour comme suit :

sur 31,31 %sur 100 %
Ouvriers professionnels   
1er échelon ou O.P.1.17,14 %54 %
2e échelon ou O.P.2.11,78 %38,5 %
3e échelon ou O.P.3.2,39 %7,5 %


Fig N°8 - Répartition approximative de la main d'oeuvre des Ouvriers Professionnels seuls
d'une des Entreprises ci-dessus suivant les échelons OP1, OP2, OP3

Cette étude visant la qualité, nous allons choisir l'un des 30 établissements cités ayant un fort pourcentage de professionnels.
Cet établissement avait, à une certaine date, un total de 1 280 ouvriers, dont 898 étaient à la production directe et exerçaient une fonction manuelle susceptible de la formation méthodique et complète. La décomposition de ces 898 ouvriers était la suivante :

Ouvriers spécialisés 377, soit 30 % de l'effectif total.
Ouvriers professionnels 521, soit 40 % de l'effectif total.

La décomposition plus poussée de ces 898 ouvriers était la suivante :

Ouvriers de main : 425Ouvriers sur machines: 473
Spécialisés : 144,
dont
Qualifiés : 281,
dont
Spécialisés : 233,
dont
Qualifiés : 240,
dont
1er échelon 601er échelon 1501er échelon 951er échelon 128
2e échelon 842e échelon 1062e échelon 1382e échelon 90
-3e échelon 25-3e échelon 22


Comment définir la courbe de la qualité dans cette statistique ? Il nous apparaît que la reconnaissance par les employeurs, de la qualité de leurs ouvriers se révèle par la simple comparaison de l'ensemble des rétributions (salaires horaires, primes de rendement, etc...) qu'ils perçoivent. Nous avons eu la bonne fortune de pouvoir obtenir les salaires payés récemment aux ouvriers dont fait état la statistique ci-dessus et nous en représentons le classement dans le graphique n° 9 ci-joint. Si nous analysons ce graphique intéressant et représentons par 100 le plus bas salaire payé aux professionnels visés, nous trouverons, d'après la répartition de leur nombre :
que les ouvriers de 1er échelon, O.P.1., ont des salaires compris entre 100 et 170
2eO.P.2., 115 et 180
3eO.P.3., 150 et 190


Fig N°9 - Comparaison relative de la qualité dans les trois échelons des O.P.
en prenant comme critérium la rémunération globale
Les parties hachurées représentent des qualités autres que la valeur manuelle directe

Le graphique montre des parties hachurées dans chaque zone de salaires. Ces hachures signifient pour l'employeur que les ouvriers visés lui apportent, en sus de leur valeur manuelle directe, des qualités supplémentaires, qu'il apprécie, du genre de celles que nous avons définies ci-dessus.
Si nous considérons idéalement les pourcentages donnés par le graphique, ils représentent pour les nombres de l'échelle une valeur quantitative de qualité.
Nous ne déduirons évidemment pas que l'entreprise à laquelle la statistique précédente se rapporte a résolu complètement son problème de la qualité, car en dépit des apparences et des nombres d'O.P. son pourcentage d'heures perdues, pour rebuts d'usinage ou de travail, reste encore trop élevé.


Fig N°10 - Origine approximative des Ouvriers professionnels de l'Entreprise ci-dessus
A. Ouvriers ayant suivi une formation méthodique et complète et obtenu un C.A.P.
B. d° - mais n'ayant pas obtenu leur C.A.P.
C. Ouvriers adultes ayant suivi une formation manuelle seule organisée genre Promotion ouvrière
D. Ouvriers qui se sont formés seuls, "sur le tas"

Comment donc a été formée cette main-d'oeuvre de professionnels dans les trois échelons (voir fig. n° 10). Environ 15 % ont obtenu leur C.A.P. Ils se trouvent surtout parmi les moins de 35 ans dans les échelons O.P.1. et O.P.2. car nous commençons à recueillir parmi les jeunes, l'effort de formation poursuivi ces 20 dernières années. Il est probable qu'une autre formation de 15 % a suivi une formation d'apprentissage sans aboutir néanmoins au C.A.P. Enfin, environ 20 % de l'effectif résultent d'une formation organisée d'adultes plus ou moins sélectionnés, sous forme de promotion ouvrière. Cette fraction est également le résultat du travail d'un certain nombre d'années, car en raison des départs, il faut avoir formé beaucoup plus que l'effectif restant de 20 %
La seconde fraction de 50 % a été formée " sur le tas " par l'expérience du travail journalier, mais sur 10, 20 ou 30 ans. Cette école vaut une autre et sa formation s'accompagne d'une sélection naturelle des intelligences, du désir d'avancement ou du gain. C'est en même temps le devoir et l'intérêt bien compris de l'employeur de tenir compte de cette sélection et de rechercher les plus dignes pour les postes les plus importants et exigeant le sens des responsabilités. Cette école de l'expérience conduit les ouvriers à tous les grades de la hiérarchie ouvrière, y compris la maîtrise. Est-ce à dire que cette main-d'oeuvre apporte toutes les qualités désirables ? Non, en vérité, parce que, d'une part, les déficiences y restent nombreuses, et que, d'autre part, l'acquisition de l'expérience indispensable nécessite beaucoup de temps pour l'obtention de résultats d'ensemble satisfaisants. C'est le but de la formation sérieuse d'apprentissage, de permettre d'abréger considérablement ce temps par une formation organisée, pour la satisfaction commune des ouvriers, des patrons et de l'économie générale.

Graphique N°11

Le graphique n° 11 nous présente les résultats d'une enquête portant sur 100 ouvriers professionnels pris au hasard sur le tableau de main-d'oeuvre d'une entreprise de mécanique (toujours celle des graphiques ci-dessus), mais faisant partie de la masse des 50 % "sur le tas" et montrant les origines, l'évolution et le temps mis effectivement pour progresser dans la hiérarchie professionnelle, en dehors de toute formation organisée. Naturellement, les O.P. résultant d'une formation organisée ne sont pas visés par ce graphique. Nous prions qu'on attache de l'importance à ce graphique, car il montre clairement l'effort à fournir afin que l'apprentissage méthodique soit prépondérant dans les entreprises qui s'intéressent à la Formation Professionnelle de leur main-d'oeuvre. Dans les autres, bien entendu, tout reste à faire (1).
(1) Ce graphique ne mentionnant que les ouvriers "devenus professionnels" dans l'entreprise laisse naturellement de côté tous les ouvriers qui, en nombre nécessairement plus élevé, quel que soit leur début, n'ont pas dépassé la qualification d'ouvriers spécialisés OS.2.
Nous noterons enfin, en restant dans de grandes lignes, que sur 4 ouvriers engagés sans connaissance des métiers, 3 restent spécialisés, 1 devient professionnel. Sur cette qualification, on notera par l'analyse du graphique inclus que sur les 100 ouvriers cités, 45 sont devenus OP.1, 39 sont devenus OP.2, 5 sont devenus OP.3, et que 11 n'ont pas progressé en qualification, mais seulement en avantages.

Il ne nous reste plus qu'à situer sur cet exposé des valeurs des ouvriers professionnels la ligne souhaitable ou idéale des résultats que nous devrions obtenir dans notre formation des apprentis, lesquels vont devenir les ouvriers de remplacement de nos effectifs actuels. Nous sommes condamnés ici à l'hypothèse, mais l'expérience de ces questions va nous permettre de définir les valeurs relatives de l'ouvrier consacré et de l'apprenti qui sera son successeur (Voir graphique n° 12).


Graphique N°12 - Comparaison relative de qualité des 3 échelons d'OP, comme dans la fig N°9 ci-dessus,
mais en situant (trait fort) la courbe idéale de qualité des apprentis qui viennent chaque année prendre rang
dans le classement général
Les zones hachurées représentent des ouvriers d'une valeur manuelle P1 ou P2 mais apportant en sus des qualités spéciales autres
que manuelles car, dans le cas contraire, ils seraient P2 ou P3 puisqu'ils ont le salaire correspondant

Nous estimons que la note moyenne minimum de l'examen des C.A.P. doit atteindre 12 si l'apprenti veut ambitionner de devenir ouvrier professionnel après ses premiers mois de stage. Cela le situe à la valeur minimum de l'OP.1. Au-dessous de cette note, l'apprenti, reçu ou non, n'a que la valeur provisoire de l'ouvrier spécialisé, qui devra sérieusement se perfectionner.
Si l'apprenti, au contraire, veut prétendre à la notion de qualité, il doit avoir à son C.A.P. la note 15 minimum, ce qui équivaut, selon nous, à la valeur minimum de l'O.P.2. D'autre part, quelles que soient la qualité de l'apprenti et sa note de sortie, il ne saurait prétendre évidemment à valoir complètement l'ouvrier O.P.2, attendu par l'expérience et le perfectionnement utiles lui manquent. En conséquence, nous considérons que si l'apprenti obtient à son C.A.P. la note maximum soit 19 environ, cela doit correspondre à la valeur moyenne de l'ouvrier O.P.2. La courbe résultante passant par les notes que nous venons ainsi de définir situe la ligne idéale que nous voudrions obtenir dans les résultats de sortie de nos apprentis mécaniciens.
Voici donc le problème bien posé et nous allons voir au chapitre suivant, les résultats acquis dans la réalité.

LES RESULTATS DES C.A.P.
DANS LA REGION PARISIENNE

LES NOMBRES

En ne considérant que les chiffres d'ensemble, et In Région Parisienne par exemple, voici divers chiffres pour lesquels nous faisons quelques réserves parce qu'ils ne proviennent, en ce qui concerne les effectifs au travail, que de renseignements généraux et non d'une statistique organisée.
Pour les examens de C.A.P. pour les trois dernières années, voici les chiffres globaux :

AnnéesInscrits (1)Présentés   Reçus   % de reçus
19474.3364.0422.78068.9
19484.7054.4743.38175.6
19495.0804.8693.08363.34

(1) Il s'agit des C.A.P. dont s'occupe le Syndicat Général des Industries Mécaniques et Transformatrices des Métaux, c'est-à-dire la presque totalité. Toutefois, diverses professions assument directement leurs examens de C.A.P. de sorte que les résultats ci-dessus doivent être légèrement majorés de 300 à 400 unités environ.

Il n'est pas sans intérêt de mentionner également la progression en pourcentage du nombre total des apprentis pour les dernières années, en prenant la base 100 pour 1946 :

  1946    1947    1948    1949  
Inscrits100102107129
Présentés10096111121
Reçus10011913178

Quelles sont, en regard de ces nombres, les obligations prévues par le Législateur ? 3 % par an du total des ouvriers et employés qualifiés de l'effectif de chaque entreprise. Que devait représenter ce 3 % d'apprentis par année dans l'esprit des Membres des Commissions - dont le soussigné a fait partie - qui ont proposé cette décision consacrée par la loi de Mai 1938 ? Il s'agissait d'apprentis au sens légal, savoir : de jeunes gens de 14 à 18 ans, possédant un contrat d'apprentissage régulier, devant recevoir une formation méthodique et complète pendant 3 années ou plus, devant être régulièrement présentés au C.A.P. et reçus en grande majorité.
On admet qu'il y avait dans la Région Parisienne, dans toutes les professions et entreprises de la Métallurgie, environ 250 000 ouvriers et employés en 1939. Nous avons des raisons de penser qu'avec le développement de production qui s'est produit depuis, ce nombre doit être de 300 000.
Nous avons vu, d'après les chiffres de cette note, qu'on peut admettre 30 % de salariés qualifiés, soit 90 000. Le chiffre légal de formation étant de 3 % pour l'ensemble des entreprises nous amène à 2 700 apprentis pour une année.
Le pourcentage de 3 % pourrait sembler suffisant si l'on tient compte de l'état de fait de 30 % de professionnels qualifiés, car, sur la base de 2 700 apprentis formés chaque année, le renouvellement des 90 000 qualifiés arrivés à limite d'âge se produirait en 33 ans, ce qui est apparemment satisfaisant.
Mais en fixant à 3% le pourcentage, le législateur n'a prévu que le renouvellement, et non le problème qui se pose lorsque, par suite de circonstances économiques définies, la production se développe rapidement, entraînant l'exigence d'une augmentation rapide et parallèle du nombre des professionnels nécessaires (Voir les graphiques B et C). Sans doute, l'Apprentissage ne saurait seul faire face à cette augmentation rapide de besoins, car son action est lente ; mais il doit y contribuer pour sa part. On ne saurait donc conclure que si en 1948 on a eu 3 381 reçus contre 2 700 requis, la situation soit complètement satisfaisante. Mais voyons encore d'autres aspects du sujet.
Dans le tableau n° 1 suivant, nous donnons les résultats généraux des C.A.P. de l'année 1948, pour les apprentis-mécaniciens seuls (c'est-à-dire dessinateurs exclus).

TABLEAU n° 1

Résultats définitifs totaux des 3 sessions des Certificats d'Aptitude Professionnelle pour les apprentis-mécaniciens de la Région Parisienne :

ProfessionsInscritsPrésentsReçusPourcentages
de reçus sur
présentésle Total
Ouvriers de main
Ajusteurs2 7412 6412 14681.363.5
Chaudronniers-tôliers547513328649.8
Chaudronniers-cuivre181611690.3
Modeleurs1691626942.52.2
Forgerons45341544.20.4
Totaux et moyennes3 5203 3662 569-76.2
Ouvriers sur machines
Tourneurs8958385957117.6
Fraiseurs279258209816.1
Décolleteurs220--
Tourneurs-Robinetier11108800.2
Totaux et moyennes1 1871 108812-17.6
Totaux Généraux4 7074 4743 38175100

L'examen de ce tableau suggère que la répartition des résultats d'apprentissage entre ouvriers de main et ouvriers sur machine se comparent mal avec la répartition réelle dans les professions des métaux, comme on le verra dans le tableau n° 2 ci-après.

TABLEAU n° 2

Répartition des apprentis reçus pour travaux de main et sur machines et comparaison avec les nombres relatifs correspondant dans les entreprises des métaux.

DétailPourcentages des
EntreprisesC.A.P.
Effectifs totaux des entreprises comme suit :
- Ouvriers n'appartenant pas à la profession10.3
- Ouvriers ne nécessitant aucune formation19.7
- Ouvriers nécessitant une formation sérieuse70
Total100.0
Si nous reprenons l'effectif final d'ouvriers
nécessitant formation (soit 70 % du total) pour le
répartir entre main et machine, nous pouvons
établir la comparaison avec les résultats du C.A.P.,
le 70 étant cette fois transposé en 100 %
- Ouvriers de main4776.2
- Ouvriers sur machine5323.9

On peut certainement controverser ces chiffres, mai aux détails près, on constate la formation excessive d'ouvriers de main. Cette surabondance que nous avons signalée depuis quelques temps déjà commence à provoquer des inquiétudes sérieuses pour le placement des apprentis de cette catégorie à leur sortie d'Ecole. Notre appel a déjà été entendu ; nous en sommes heureux, car dès 1949, le pourcentage relatif des ajusteurs présentés au C.A.P. a fléchi sensiblement, mais il reste trop élevé et il est nécessaire de continuer cette action.

ORIGINE DES CANDIDATS

Si nous reprenons cette statistique en la divisant cette fois suivant les origines des candidats, qu'ils proviennent de l'industrie ou d'organisations professionnelles, des Collèges Techniques ou des Centres de Formation Professionnelle, nous obtenons, dans le tableau n° 3 ci-après, des chiffres permettant d'utiles comparaisons.

TABLEAU n° 3

Résultats définitifs totaux des C.A.P. pour les apprentis-mécaniciens de la Région Parisienne suivant les origines de formation :

Organisations
d'apprentissage
Industries
et professions
(1)
Collèges
Techniques
Centres de
Formation
Professionnelle
Totaux
Nombre%Nombre%Nombre%Nombre
Ouvriers de main
Ajusteurs88756.522764975732 079
Chaudronniers-tôliers1348.5288.513010292
Chaudronniers-cuivre80.1--60.514
Modeleurs4738213168
Forgerons110.12-20.515
Totaux et moyennes1 08768.222574.51 126852 468
Ouvriers sur machines
Tourneurs35622.5601815312569
Fraiseurs1449226.5393205
Décolleteurs80.1----8
Tourneurs-Robinetier-------
Totaux et moyennes50831.68224.519215762
Totaux Généraux1 5851003371001 3181003 250

(1) Tous les apprentis formés dans organisations à caractère industriel (usines nationalisées, S.N.C.F., etc...)

Comparaison récapitulative et globale en pourcentage des ouvriers de main et sur machine :

Ouvriers
de main
%
sur machine
%
Des ouvriers dans les entreprises4753
Apprentis totaux reçus7624
soit, provenant des :
Entreprises6832
Collèges Techniques7525
Centre de formation professionnelle8515

Ce tableau montre à l'évidence :
1°) que les proportions relatives dans la formation selon les origines sont les suivantes :
Industrie 1585 reçus soit 49 %
Collèges Techniques 33710 %
Centre de Formation Professionnelle 131841 %
Totaux3240 (1)100 %

(1) Total un peu différent de la statistique précédente puisqu'il ne comprend que les candidats reçus ayant eu la note 10 ou supérieure.
2°) que le déséquilibre entre la formation des ouvriers de main et des ouvriers sur machines est beaucoup plus important dans les Collèges Techniques et les Centres de Formation Professionnelle, du fait même, bien connu, de leur manque de moyens matériels d'enseignement pratique, que dans l'industrie. Dans les Centres, l'excédent d'apprentis "de main" est particulièrement notable : il ne peut s'ensuivre que des déboires notables.
3°) On constate qu'en dehors des ajusteurs et des chaudronniers d'une part, des tourneurs et des fraiseurs d'autre part, les Collèges et les Centres ont dans les autres métiers une formation spécialisée absolument infinie Aussi la question se pose-t-elle de savoir si, eu égard à la disproportion entre les frais engagés et les résultats obtenus, il reste souhaitable de poursuivre dans ces établissements la formation d'ouvriers spécialisés "de main" et "de machine".
Si on estime que le maintien s'impose, il n'est pas douteux qu'un seul Centre bien spécialisé dans chacune des ces formations suffirait amplement et donnerait de bien meilleurs résultats, à moindres frais, pourvu que l'organisation soit sérieuse.
On peut don constater que si la formation d'apprentis est suffisamment nombreuses dans l'ensemble, il y a beaucoup à faire pour l'adapter aux besoins et l'orienter convenablement.

LA QUALITE

1°) Résultats d'ensemble
De même que la base des salaires payés nous a permis de classer, avec une précision suffisante, par rang de qualité, les ouvriers travaillant en usines, de même pourrons-nous, par l'étude comparative des notes obtenues aux divers C.A.P., établir la hiérarchie de la valeur chez les jeunes qui achèvent leur apprentissage. Nous puiserons là des renseignements précieux qui étaieront notre jugement.
Nous rappelons sommairement que le C.A.P. comporte divers examens théoriques, d'une part, diverses épreuves pratiques, d'autre part. Pour les premiers, la note d'admission minimum est de 8 sur 20, pour les seconds 12 sur 20 de sorte que dans l'ensemble pour être reçu, la note moyenne générale minimum des candidats ne peut guère descendre au-dessous de 10.
Les renseignements qui suivent sont établis à partir des notes de tous les C.A.P. mentionnés ci-dessus. Ils sont donc valables pour les 3 240 candidats reçus (apprentis ouvriers seulement, dessinateurs exclus).
Le tableau de graphique d'ensemble n° 13 donne la répartition générale des notes.


Tableau N°13 - Répartition des notes moyennes des Candidats reçus en 1948
aux divers C.A.P. d'apprentis Mécanicien pour la région parisienne


2°) Notes moyennes
Nous complétons ce tableau par les moyennes suivantes :
moyenne générale13,5
Apprentis de main
Ajusteurs13,7
Chaudronniers-tôliers13,6
Chaudronniers cuivre14,3
Modeleurs12,8
Forgerons13,2
Apprentis sur machines
Tourneurs13,2
Fraiseurs14,3
Tourneurs robinetiers12,6
Décolleteurs13,3

Les notes moyennes dans l'ensemble, suivant les origines de formation des candidats sont les suivantes :
Industrie13,6
Collèges Techniques13,5
Centre de formation Professionnelle13,4

c'est-à-dire, pratiquement la même note, car la loi des nombres et des moyennes égalise les chances.

Il nous reste maintenant, afin que le lecteur puisse formuler son jugement, à résumer les données de notre problème de qualité, sur les bases des renseignements de 1948.


Graphique N°14 - donnat les valeurs comparatives
1°. de la qualité effective des ouvriers dans les Entreprises
2°. de la qualité idéale désirée pour les examens de C.A.P.
3°. de la qualité réelle des apprentis formés en 1948
Voir graphiques précédents n° 9 et 12

A cet égard, le graphique n° 14 ci-contre fixe un ordre de grandeur général fort intéressant. La base du graphique est la même que celle des figures n° 9 et 12 précédentes, dont les courbes permettent ne comparer la qualité des OP.1, OP.2, OP.3 dans les entreprises. En reproduisant ces courbes comparatives nous leur avons, dans le graphique n° 14, superposé la courbe idéale, déjà mentionnée, figurant les valeurs des notes que les apprentis devraient obtenir à nos C.A.P. pour correspondre, selon nous, aux qualités que nous estimons nécessaires chez nos ouvriers professionnels.
Sur ce même graphique il nous a été facile d'ajouter les courbes des résultats obtenus effectivement en 1er et 2e sessions, ainsi que celle de leur intégration.
Entre la courbe des résultats désirés et la courbe intégrée des résultats réels, il y a un écart moyen de 3 à 4 points dans les notes, ce qui est évidemment considérable.
Si nous nous élevons à la comparaison des zones de qualité des ouvriers professionnels, nous voyons que notre courbe idéale se situe dans les valeurs moyennes relatives de qualité. Notre courbe intégrée atteint à peine les minima de ces valeurs de qualité, dans ces comparaisons nous relèverons tout d'abord la déficience générale constituée par l'écart des notes. Nous retiendrons aussi que cette réticence s'aggrave de celle, non moins sérieuse, de l'insuffisance sensible du nombre d'apprentis formés sur machines - point faible spécifique des professions des Métaux ----- (Dans le domaine des apprentis de main, on peut admettre à la rigueur que les entreprises peuvent sélectionner la qualité dans le nombre. Toutefois nous ne défendons nullement cette thèse, sachant par expérience que l'issue d'une telle sélection est une grave difficulté de placement des Jeunes). Nous ne nous flattons pas, par la présentation de ces divers graphiques comparatifs, d'aboutir à des conclusions indiscutables. Les critiques qui nous seront faites voudront bien tenir compte que nous avons désiré "faire le point" de la qualité en donnant un ordre de grandeur, en faisant usage de documents chiffrés souvent très précis, dans le but d'en tirer le plus possible de leçons utiles.

LE REPECHAGE

C'est au début de la récente guerre que nous avons obtenu de la Direction de l'Enseignement Technique la création de la Session de repêchage.
Quelles étaient les vues de la Commission d'Apprentissage du Syndicat Général des Industries Mécaniques et Transformatrices des Métaux en demandant la création de cette session particulière ?

a) obvier à l'insuffisance regrettable des professionnels titulaires d'un C.A.P. dans nos entreprises de la Mécanique, et la nécessité d'en augmenter le nombre pour que ces examens soient considérés.
b) rester humains, souvent contre l'esprit des Moniteurs et Professeurs, en donnant une chance de se racheter à ceux qui avaient frisé le résultat favorable après trois ans d'efforts personnels et trois années de sacrifices consentis par leur famille. On n'oubliera pas à ce sujet que le C.A.P. est devenu la base d'un salaire, donc un élément social important pour la vie des foyers.
c) tenir compte, dans toute la mesure possible, des difficultés graves que les vicissitudes de la guerre et ses suites ont apporté dans la formation de nos cours, dans les études, dans les transports, etc., et par conséquent, des déficiences inévitables au moment des examens.

Cette décision a soulevé quelques critiques que nous reconnaissons fondées, mais en apparence seulement, notamment que le repêchage est en fait une diminution de la qualité moyenne des C.A.P., que c'est également un encouragement à négliger l'effort par la pensée du repêchage possible, etc... Ces critiques ne résisteront pas devant la leçon des faits. S'il en subsiste une partie encore, les avantages généraux obtenus les compensent amplement.

Voyons donc ce qu'il en est :

- Après les examens de la première Session, en 1948, et suivant les directives fixées par le Jury de l'examen, 986 candidats, non reçus mais ayant obtenu des notes très proches de la moyenne minimum, ont été admis au concours de repêchage, Un certain nombre, environ 15 % de ces candidats, ne se sont pas représentés. Ils ont été compensés en partie par quelques retardataires de la première session qui n'avaient pu se présenter à l'examen et qui ont été admis à la deuxième session.
- 681 candidats ont été définitivement reçus, l'ensemble répondant au tableau n° 6 suivant. Retenons la leçon de ce résultat et l'influence importante, matérielle et sociale de ces 681 nouveaux titulaires d'un C.A.P. pour une seule année sur le marché de notre main-d'oeuvre parisienne.

La note moyenne des candidats repêchés est de 13 contre 13,5 pour la moyenne de la première Session.
Bien entendu, les sujets d'épreuves et de correction ont été rigoureusement conformes au programme général et tels qu'ils auraient été choisis pour une session normale.

Tableau n°6

Candidats désignés pour le repêchage et qui ont été reçus à la deuxième Session.

MétiersCandidats
repêchésdéfinitivement
reçus
Ajusteurs486287
Tourneurs173155
Fraiseurs2219
Chaudronniers-Tôliers9272
Chaudronniers cuivre54
Modeleurs2722
Forgerons54
Tourneur-Robinetiers--
Décolleteurs--
986563


Comment expliquer ces résultats relativement satisfaisants

La première Session a eu lieu en Juin, la seconde en Octobre, soit 4 mois de préparation supplémentaire qui ont surtout été mis à profit par ceux qui étaient faibles pour la partie théorique.
En général, les candidats refusés en connaissent les raisons. Comme il s'agit de candidats qui avaient presque atteint la moyenne exigée, l'insuffisance est généralement due à une seule matière pour laquelle le candidat, conscient des causes de son échec, s'est mieux préparé. Enfin, il y a les timides, les négligents, les lents, etc... qui ont échoué au premier examen mais qui, nantis de l'expérience d'une épreuve d'examen, ont évité de retomber dans l'erreur.
Dans l'ensemble, si on considère que la deuxième Session, dite de repêchage, a augmenté de 563 nouveaux C.A.P. les résultats de la première qui avaient atteint 2677 reçus, soit donc 21 %, il y a lieu de se montrer satisfaits et de considérer que ce concours de repêchage est pleinement justifié. Néanmoins, forts de l'expérience acquise ces dernières années, il nous sera plus facile de tenir compte des critiques sans nuire au principe, en nous montrant plus sévères dans les conditions d'admission au repêchage, et dans les épreuves elles-mêmes.

SUR LES NOMBRES ET LA REPARTITION

Faisons tout d'abord quelques remarques de principe : les pourcentages ou proportions de tous genres que nous avons cités, pour remplacer les véritables statistiques qui n'existent pas, ne sont pas immuables ; ils pourront varier suivant l'évolution de l'Economie et de la Production, mais il n'est pas douteux que, si la formation apportait un nombre important d'apprentis de qualité, le pourcentage moyen de 30 % cité se relèverait sensiblement, car la limitation est seulement occasionnée pur le manque d'ouvriers professionnels compétents et non par une raison d'équilibre de la main-d'oeuvre. Donc pas d'appréhension à concevoir si la formation venait à fournir un nombre de professionnels supérieur au quantum actuel pourvu que ce soit en main-d'oeuvre de qualité.
Au contraire, toute exagération du nombre des apprentis, de qualité insuffisante reçus ou non, doit être évitée, car il est certain, comme nous le constatons dès maintenant d'ailleurs, que leur placement sera difficile chaque fois qu'ils ne seront pas liés par un contrat, Il en est ainsi parce que les professions ne manquent pas d'ouvriers non qualifiés et que, par ailleurs, les possibilités de recrutement de main-d'oeuvre adulte sont bien loin d'être épuisées,
L'objection nous a été faite que, dans une entreprise, la proportion des spécialisés et des professionnels correspond à un certain équilibre et qu'on pourrait redouter, si la proportion venait à être modifiée au profit des professionnels, que les employeurs n'aient pas suffisamment de travaux de qualité. L'augmentation correspondante des salaires versés entraînerait ainsi, pour l'entreprise, un supplément de frais sans contrepartie de profits. Nous estimons que cette objection n'est pas fondée et qu'au contraire il paye généralement de faire exécuter des travaux par des ouvriers expérimentés plutôt que par des ouvriers dont la formation est moins complète ; l'exemple de la mécanique Suisse en est la confirmation, ce pays ayant largement profité, dans les diverses branches de son Economie, du perfectionnement et du développement de sa main-d'oeuvre ouvrière de qualité.

Avant de terminer ce chapitre des résultats, quelques remarques complémentaires peuvent encore avoir de l'intérêt :

l°) Des sujets de concours ont été moyens, mais, à notre avis, un peu inférieurs en difficultés à ceux qui paraîtraient désirables si nos candidats étaient d'une meilleure qualité,
2°) Malgré l'étalement des notes et les moyennes d'ensemble, certaines Ecoles ont nettement dominé l'examen - et ceci démontre ce qu'il est possible d'obtenir - A l'encontre, d'autres sont très en retard.
3°) Le nombre des échecs pour insuffisance dans les épreuves théoriques domine nettement celui des échecs pour insuffisance dans les épreuves pratiques. Si une amélioration sérieuse pouvait être obtenue de la partie intellectuelle des C.A.P., on relèverait sensiblement l'ensemble des résultats.

SUGGESTIONS DE REFORMES
DEVANT PERMETTRE DE RELEVER
LA QUALITE

Dans son ensemble, et malgré des progrès certains, notre problème de l'apprentissage est donc encore assez loin d'être résolu. Le but de cette note est évidemment d'envisager quelles pourraient être, selon nous, les lignes générales de l'action à entreprendre ou les mesures particulières à adopter pour aboutir à de meilleurs résultats. Cette action, ces mesures, se situent nécessairement sur un certain nombre de plans, des situations de détail sont à examiner. Il reste bien entendu que les mesures valables pour les grands Centres ne le sont pas, d'emblée, pour la Province ; à des données locales particulières correspondent des solutions locales spéciales, En d'autres termes, nous nous devons d'ajouter ici que le sujet d'ensemble traité ci-après n'est nullement nouveau pour la Direction de l'Enseignement Technique et que bon nombre de ces mesures sont en cours ou envisagées, mais suspendues à des possibilités budgétaires. Si nous le reprenons, c'est pour l'émailler de détails et de vues plus particulièrement professionnelles et pratiques.
On remarquera que notre étude a porté surtout sur la Région Parisienne : nous pensons que des remarques comparables pourraient être faites dans les autres Centres industriels importants comme Lille, Lyon, Rouen, etc.., où les questions ont le même caractère, mais à l'évidence la Province, surtout lorsque s'y exercent des activités strictement régionales, ne peut aborder ce problème de la qualité dans les même conditions, ni le voir sous le même angle qu'à Paris ; aussi, les mesures envisagées comme programme de travail doivent-elles être revues et adaptées avec soin pour ce qui la concerne.
Nous souvenant du temps où, au Syndicat de la Mécanique, nous avions 150 inscrits pour les C.A.P. annuels, nous sommes bien obligés de considérer l'importance des résultats actuellement acquis. (Ne sait-on pas que, dans la Région Parisienne seule, nous avons réuni 7 500 inscrits, dessinateurs exclus, pour les C.A.P. 1949, soit 20 % de plus qu'en 1948 et plus de 8 000 en 1950). En ce temps-là, les Ecoles étaient l'exception; elles sont maintenant très nombreuses. On avait alors quelque peine à recueillir des candidats à l'apprentissage; ils viennent en nombre souvent très supérieur, du moins pour certaines spécialités, aux places disponibles.
Par ailleurs, nous constatons avec joie que notre persévérance dans la défense de l'Apprentissage est justifiée et de plus en plus soutenue par la sollicitude accrue, non seulement de toutes les Industries, mais aussi des Pouvoirs Publics, qui ne se contentent pas de voeux gratuits mais affectent à la Formation Professionnelle des crédits chaque année plus importants. Certes, nous n'avons pas encore obtenu tout ce que nous souhaitions, mais nous sommes assurés que les résultats acquis s'amélioreront si nous tenons compte de l'expérience, si nous perfectionnons nos organisations et nos méthodes, si nous arrivons à faire l'effort financier - inséparable de toute réalisation de cette nature - pour doter nos organisations de tout ce qui leur manque.
Il ne s'agit pas, d'ailleurs, de satisfaire dans un avenir immédiat, nos besoins, tous nos besoins, en quantité et en qualité ; il s'agit - c'est là toute notre ambition - de nous approcher sans cesse - chaque année apportant sa pierre nouvelle à l'édifice - de cette situation idéale que nous avons exposée.

LA SELECTION

L'Education générale des Jeunes et le problème de la qualité

Il est de notoriété que toutes les professions n'exigent pas une main-d'oeuvre de qualité équivalente. Les industries du Textile, du Bâtiment, des Travaux Publics, etc... doivent former du personnel pour satisfaire à leurs besoins, et ne peuvent se contenter de l'idée qu'il se formera seul et rapidement à l'expérience de l'Atelier ou du Chantier. Mais la formation nécessaire n'a pas besoin d'être aussi poussée que pour la Mécanique, l'Optique, les Constructions Electriques, etc... Aux premières industries citées, le problème de la qualité pourra donc apparaître d'une moindre urgence ou d'une moindre rigueur.
Mais certains esprits, tout en étant d'accord sur cette question de la recherche de la qualité pour certaines professions, prétendent que tous les Jeunes doivent être considérés d'office comme susceptibles d'aborder une formation de qualité et que la sélection est inutile. Les Pouvoirs Publics voudraient que tous les Jeunes suivent une formation d'apprentissage dont l'aboutissement n'est pas précisé, mais qui serait poussée aussi loin que possible. C'est un aspect social de la question et nous y souscrivons volontiers sans réserve, car la Société moderne se doit de ne pas abandonner complètement les Jeunes à la sortie de l'Ecole Primaire. Sans doute, il y a à cette thèse des réserves à formuler concernant les possibilités, pour aboutir à un tel résultat, de mise à disposition de moyens matériels appropriés. Nous pensons toutefois que deux formes d'enseignement sont alors admissibles : l'une qui concerne l'élévation du niveau de l'ensemble des Jeunes, dans une certaine forme de préapprentissage vu d'initiation préliminaire à un métier, l'autre qui concerne l'apprentissage méthodique et complet pour ceux d'entre les Jeunes qui doivent devenir des ouvriers de qualité. La première forme petit revêtir un caractère général ou déterminé, s'appliquer à un public de Jeunes accru ou réduit selon les exigences de la conjoncture économique et sociale, mais, à notre sens, seuls les meilleurs doivent être ensuite poussés vers la seconde forme, l'apprentissage complet, d'où le principe d'une sélection dont la masse des Jeunes fournira la matière.
Nous avons vu que dans l'état actuel de la Formation Professionnelle, un jeune apprenti sur six engagés environ, arrive seulement à obtenir régulièrement son C.A.P. Si le futur Statut de l'Apprentissage est adopté et sérieusement suivi, ce rapport sera sans doute sensiblement plus élevé. On ne peut songer à l'idée d'amener une telle quantité de Jeunes au C.A.P., et ceci, pour des raisons budgétaires : création d'Ecoles et de postes de Moniteurs, etc... Aussi, tout en s'engageant dans cette voie, sera-t-on obligé de se limiter et les budgets et rapports entres les Professions et les Organismes de Formation fixeront les limitations nécessaires.
Actuellement, la sélection existe de fait dans certaines Ecoles et l'idée en est généralement admise, mais elle est très loin d'être généralisée. Dans certains Centres ou Ecoles, sous le prétexte d'un sens social, sans doute généreux qui postule la possibilité l'accession de tous les Jeunes, on les engage, sans souci de l'état de leurs connaissances ou de leur préparation, en comptant sur la formation pour niveler les différences. Aussi, les résultats sont-ils souvent quelconques et c'est ce qui explique en grande partie, d'une part, l'insuffisance du nombre des candidats présentés au C.A.P. par rapport aux élèves admis dans ces établissements, ainsi que la médiocrité des notes obtenues.
Voyons donc ce sujet de la sélection.
Doit-on opérer la sélection avant ou après l'entrée à l'Ecole ? Quel rôle l'orientation professionnelle doit-elle tenir ? La sélection signifie-t-elle l'exclusion complète de ceux qui ne sont pas retenus ?
La réponse à ces questions dépendra évidemment de l'organisme de formation. Les établissements industriels ou assimilés préféreront certainement, les faits le démontrent, la sélection avant l'entrée parce qu'ils ne disposent que d'un nombre de places limité et, au contraire, ont des candidatures d'autant plus surabondantes que la notoriété de l'Ecole est plus grande. Nous penserions que les Collèges Techniques pourraient faire de même pour des raisons analogues. Mais quant aux Centres de Formation qui existent ou qui se développeront d'après le futur statut, ils auront à s'occuper d'un nombre élevé de Jeunes et pourront sans inconvénient opérer la sélection après l'entrée si la quantité de, places disponibles le leur permet ; dons le cas contraire, un sera probablement obligé de revenir à la première solution.

Les Concours d'entrée

Dans tous les cas, le concours d'entrée est recommandable. Pour les établissements industriels, ce concours permettra une sélection sérieuse, première étape de la formation de qualité. Certains de ces établissements ont souvent de 4 à 6 candidats par place disponible dans leur Ecole. Les candidats non admis peuvent naturellement, soit se tourner vers les Centres de Formation qui pourraient disposer de places, soit entrer directement dans les entreprises comme jeunes ouvriers ; dans ce cas, ils se formeront comme leurs aînés, "sur le tas".
>Quant aux Centres qui, pour la plupart, sont polyvalents et le seront longtemps encore, le concours d'entrée sera utile afin, dès le début, de diriger les candidats vers les métiers dont ils assurent l'apprentissage, en orientant ces jeunes gens suivant leur goût, leur capacité, leur application, compte tenu des places disponibles.
Dans ce concours d'entrée, tous les détails sont d'intérêt et le sujet mériterait plus de place que nous ne pouvons lui donner : aptitudes morales, intellectuelles, qualités ou infirmités physiques, âge relatif, goûts personnels, etc... C'est dans ces domaines que la valeur et l'expérience des Directeurs de Centres doit jouer un rôle très efficace et nuancé, puisqu'il s'agit de ménager le point de vue social, les intérêts des Jeunes, le but de la formation et le besoin de qualité.
Comme nous le savons, l'examen d'orientation professionnelle est de rigueur. dans tous les cas. Nous n'entrons pas dans le sujet qui nous amènerait loin, car cette orientation professionnelle ne joue pas toujours le rôle que nous souhaiterions lui voir jouer. L'orientation professionnelle se préoccupe, en effet, de l'état relatif des candidats pour un apprentissage donné, mais néglige de considérer la répartition des besoins de main-d'oeuvre et les possibilités économiques. En tous cas, cet examen doit être effectué, avant ou après le concours d'entrée suivant les cas, mais avant la décision d'admission à l'Ecole.
Précisons que, pour tous les jeunes apprentis ayant choisi d'entrer dans des professions où la qualité est recherchée, le concours d'entrée impliquant la sélection deurait être la règle.
Une sanction s'imposerait : ne pas admettre à l'apprentissage sur trois ans les jeunes notoirement insuffisants. La difficulté d'organiser un Concours d'entrée pour les Ecoles ou entreprises ne recherchant que quelques candidats n'est pas une objection à retenir, car il est certainement possible d'organiser des concours collectifs. Les exemples de réalisation de ces concours sont suffisamment nombreux pour qu'en soient appréciés tout l'intérêt et l'efficacité.

La sélection dans les Centres de Formation

Efforçons-nous tout d'abord de bien préciser ce que nous entendons par Centres de Formation. A l'heure actuelle, les Centres de Formation sont relativement nombreux, mais ils sont insuffisants par rapport à la masse des promotions actuelles de jeunes qui viennent chaque année se présenter au travail. Il est donc naturel que ces Centres organisent une formation autant que possible méthodique et complète et sur deux ou trois ans, suivant les cas. Le Statut futur de l'Apprentissage et de la Formation Professionnelle semble conduire à une généralisation aussi poussée que possible du passage des Jeunes dans un établissement scolaire préalablement à l'entrée de l'atelier ou de l'entreprise. Nous répétons ne pas avoir d'objection à un tel Statut, mais nous devons être raisonnables et logiques et admettre que les développements budgétaires, les nécessités et besoins en écoles, matériels et équipements qui seraient la conséquence d'un développement rapide du nombre des Centres imposeront forcément des limitations sérieuses, sans parler de celles qui proviendraient des désirs exprimés par les Jeunes ou même par leurs Parents. Ceci est surtout vrai pour les Centres qui voudraient pousser la qualité, car celle-ci implique des installations matérielles plus importantes. En parlant de Centres de Formation Professionnelle, notre étude vise soit ceux qui adopteraient la sélection partielle, soit les Centres qu'on pourrait dénommer "sélectionnés" qui rechercheraient une formation d'apprentis de qualité et devraient être alors dotés de moyens appropriés,
La masse des Jeunes qui resteront en fait en dehors de cette sélection recevront une formation générale intellectuelle et une initiation au métier choisi, suivant les Centres, les Régions, l'importance industrielle, etc... Que sera cette initiation et quelle sera sa duré ? l'expérience le fixera. Il reste certain, toutefois, qu'il faudra compter, demain comme aujourd'hui, avec ce désir vivace des Jeunes d'abandonner le Centre après un an ou dix huit mois d'étude - et ceci quelque contraignants que puissent devenir l'étau des textes de loi et règlements - afin de gagner tout de suite davantage ou, tout simplement, d'en finir avec les études ennuyeuses et de conquérir ce qu'ils croient être leur liberté.
Nous étant donc entendus sur ce que nous appelons les Centres et la sélection, celle-ci se fera :

1°) avant l'entrée dans l'école par le concours d'entrée, ce concours pouvant être unique ou avoir plusieurs sessions. Le système de plusieurs sessions est plus favorables en ce sens que beaucoup de Jeunes ne savent pas trop ce qu'ils vont faire à leur sortie de l'école primaire et ne prennent position que tardivement pour l'Apprentissage parce que, souvent, ils ont échoué dans des tentatives de s'engager ailleurs. Le concours d'entrée permettra, avec son complément de l'orientation professionnelle, de classer les candidats.
2°) après l'entrée dans l'école et un second examen plus dirigé et détaillé que le premier, effectué à la date qui paraîtra convenable, on fera la sélection.
a) pour le placement des candidats dans les centres polyvalents suivant les Métiers et les places disponibles.
b) pour l'admission définitive, dans chaque métier, pour la durée d'apprentissage de ces métiers, des candidats vraiment aptes à cet apprentissage et d'une valeur justifiant la somme importante qu'il faudra dépenser pour les mener au but.

Dans cette sélection, on devra, semble-t-il, tenir compte des goûts et aspirations des candidats. L'avis des parents sera éventuellement retenu. Il arrive cependant très fréquemment que le métier proposé déplaise au candidat parce qu'il n'en a pas une notion suffisante ou qu'un motif souvent très superficiel l'en écarte. Celui-ci ne veut pas être chaudronnier par ce que le nom ne lui plaît pas ; celui-là refusera d'être fondeur parce que c'est, prétend-il, un métier sale ; cet autre affirmera que le métier de maçon ne convient pas aux français, et ainsi de suite. La consultation des goûts est donc aléatoire, et en certains cas, dangereuse. Beaucoup de prudence et de réserve s'imposent, Outre ces raisons superficielles, les Jeunes et leurs parents n'ont souvent aucune idée des possibilités et besoins de main-d'oeuvre, de la position économique du moment, des métiers choisis. Pour les Métaux, par exemple, une consultation de ce genre donnerait probablement une majorité d'ajusteurs et de dessinateurs. Or, actuellement, ce sont deux professions où la formation est largement excédentaire et le placement des apprentis très difficile.
Un exemple : dans un examen récent, pour des dessinateur, on n fait l'expérience du sujet et proposé, comme thème de composition française, la question suivante :
"Votre ami sort d'apprentissage. Il est dessinateur, profession que vous connaissez bien. Vous lui écrivez pour, d'après votre expérience, le conseiller sur la branche d'activité vers laquelle il vous paraîtrait convenable de s'orienter. Dites pourquoi ?"
le nombre des candidats était assez important, plus d'un millier. Voici le curieux résumé des positions prises :
- 50 % environ ont choisi la branche d'aviation ou des industries en dépendant,
- 30 % environ ont choisi les entreprises ou travaux d'outillage,
- 15 % environ ont choisi la mécanique générale,
- 5 % de divers.
Or, on sait qu'actuellement, la construction aéronautique est en sommeil pour des raisons générales qui débordent de loin le cadre de la présente étude, et que les places de dessinateurs y sont fort rares. Les fabrications d'outillage sont en meilleure situation, mais à beaucoup près, la branche ne peut absolument pas admettre 30 % du contingent de dessinateurs disponibles chaque année. Seule la Mécanique générale a des besoins illimités et c'est elle qui paraît délaissée. Ajoutons que le dépouillement général des notes situait les 50 % qui avaient opté pour l'Aviation à un niveau nettement inférieur à celui des autres concurrents.
La sélection doit se poursuivre pendant quelques mois ; elle portera sur l'assiduité, la conduite, la pratique correcte des devoirs. Il faut enfin - mais nous savons les difficultés que l'on rencontre - que le niveau moyen des élèves d'une même année, d'une même classe, d'un même Moniteur, soit le plus homogène possible pour que les programmes d'exercices ne traînent pas et que les exercices de progression arrivent normalement à leur conclusion.

COMMENTAIRES SUR LES RESULTATS
ET SUR LES NOTES

La lettre qui informe le Conseiller Technique du choix de sa personnalité pour l'examen d'un on plusieurs C.A.P. précise que :

"Le nombre des points obtenus par les candidats admis ne doit pas être communiqué, même aux intéressés ; seuls les candidats ajournés peuvent prendre connaissance de leurs notes au Service des Examens. Enfin, en aucun cas, les notes des candidats reçus on refusés ne doivent être publiées."

Ce texte se comprend s'il vise à ménager l'amour-propre personnel des candidats. Il constitue une erreur certaine mais sa lettre si nous considérons le but à atteindre, l'amélioration générale de l'apprentissage et de la qualité des apprentis.
Nous devrions, chaque année, pour chacun des C.A.P., et pour l'ensemble des C.A.P. d'une même profession, établit. un commentaire officiel du même genre que celui-ci et en tirer les conclusions utiles pour l'avenir.
Mais il y a plus. Outre que chaque organisme d'apprentissage devrait connaître ses résultats personnels et ceux d'ensemble pour le guider dans son action ultérieure, l'organisation générale de l'Enseignement Technique devrait, pour elle-même, en tirer les conclusions qui s'imposent vis-à-vis :

1°) des Ecoles qui n'obtiennent, régulièrement, aucun résultat sérieux,
2°) des Ecoles qui ont un nombre de reçus suffisant mais des notes insuffisantes.
3°) des Ecoles qui ont des "reçus" et même des "présentés" aux C.A.P. en pourcentage notoirement insuffisants par rapport aux apprentis qui ont été admis à l'Ecole aux années correspondantes.
4°) des Ecoles qui préparent des apprentis sans une connaissance suffisante de la conjoncture économique.
5°) des Ecoles qui ont un pourcentage d'abandons exagéré.
6°) des Ecoles qui ne trouvent pas le moyen de placer leurs apprentis.

Il ne faut pas qu'une organisation puisse persévérer dans une formule que le C.A.P. révèle mauvaise, pendant plusieurs années.
Une action d'ensemble qui conduirait, à la suite des examens, à des commentaires directs appropriés sur les cas saillants constatés chaque année d'insuffisance ou de gestion anormale, d'incohérences diverses, nous paraît présenter beaucoup d'intérêt.

RAPPORTS DE L'APPRENTISSAGE
ET DE L'ECOLE PRIMAIRE

Ce sujet si souvent controversé est trop vaste pour le traiter complètement et nous nous bornerons aux généralités essentielles, estimant d'ailleurs qu'il n'est pas de notre domaine d'aller plus avant.
Les épreuves théoriques des examens des C.A.P. sont traitées assez faiblement en général. Certaines copies sont indéfendables, d'autres pitoyables. Sauf peut-être la technologie, ces épreuves sont cependant du niveau des écoles primaires. Que dire des apprentis, le plus grand nombre, qui ne sont pas présentés ?
Cependant, le nombre des élèves sortis des écoles primaires qui viennent à l'apprentissage des industries de qualité est peu élevé, et l'effort à faire pour que ces jeunes soient mieux guidés et préparés ne nous paraît pas impossible.
Quand l'Enseignement primaire forme d'excellents élèves, ils ne viennent pas à l'apprentissage. Il semble estimer que les professions intellectuelles doivent avoir le pas sur les manuelles et le métier d'ouvrier n'est pas considéré comme un but pour les élites.
Cependant, combien il serait facile, pour nos professions de qualité, de montrer que les situations matérielles de nombre d'ouvriers ou agents de maîtrise sont largement comparables à celles de bien des situations intellectuelles, et que notre corps d'ouvriers et d'agents de qualité comporte des emplois très enviables et particulièrement honorables.
Nous avons essayé maintes fois de créer des contacts avec l'Enseignement primaire, notamment pour les concours d'entrée et l'admission des apprentis, mais sans succès appréciables. Il y à beaucoup à faire dans cette voie et nous continuons de penser que l'amélioration des rapports est vivement souhaitable.

ECOLES POLYVALENTES OU SPECIALISEES ?
PLETHORIQUES ?

Nous connaissons an Centre d'Apprentissage où on enseigne simultanément :

- les métiers de la mécanique : Ajusteurs, Tourneurs, Fraiseurs, Chaudronniers, Forgerons, etc...
- les métiers de l'électricité : Ajusteurs et Monteurs en tableaux et installations électriques.
- les métiers du bois : Menuisiers et Ebénistes.
- la lithographie et l'impression typo, la reliure, etc...

Dans une autre Ecole, nous trouvons :

- les métiers de la mécanique : Ajusteurs, Tourneurs, Fraiseurs, Chaudronniers, Forgerons, etc...
- Réparateurs en machines à écrire et machines à coudre,
- Ouvriers mécaniciens spécialisés pour les garages,
- Maçons et ouvriers du bâtiment,
- Peintres et artistes-décorateurs,
- Menuisiers et ébénistes,
- Coiffeurs,
- Tailleurs d'habits.

Dans un autre centre, enfin, on s'occupe de former des ouvriers :

- pour l'industrie de la porcelaine,
- pour l'industrie des vitraux d'art,
- pour l'industrie du cinéma (étude et préparation des dessins animés).

Pour notre part, nous considérons comme impossible d'aboutir à des formations de qualité dans des établissements aux activités aussi disparates, où chaque profession pourrait seule absorber toutes les possibilités d'une organisation sérieuse comportant l'une des spécialités énumérées. Les origines de ces Centres; les buts poursuivis au début, très différents de ceux actuels, les difficultés de locaux, sont certainement des excuses à cet état de choses, mais c'est un mal, et il est désirable d'en guérir,
Chaque fois que le nombre et l'importance des professions le permettent, il convient de spécialiser le plus possible les Ecoles ou Centres. Sans doute, la formation technologique est très sensiblement la même pour les métiers de la Mécanique et nous voyons, par exemple, sans inconvénient, voisiner : Ajusteurs, Tourneurs, Fraiseurs, mais la Mécanique n'a rien de commun avec l'industrie du Bois ou l'Imprimerie avec le Bâtiment ou la Coiffure.
En dehors du sujet précèdent concernant la spécialisation, les Ecoles qui ont beaucoup d'élèves, trop d'élèves, ne peuvent non plus prétendre à une formation générale de qualité. C'est qu'en effet, les problèmes de gestion, d'organisation, de surveillance dans une atmosphère de jeunesse, de pétulance et d'indiscipline juvénile, absorbent une trop grande partie du temps du personnel enseignant. Secrétariat, assistance sociale, problèmes alimentaires, rapports matériels ou financiers avec l'Administration, avec les organisations patronales, sont, en effet, autant de préoccupations, légitimes certes, mais qui n'ont rien à voir avec la formation de qualité.
Notre interprétation de ce défaut des Ecoles à effectif pléthorique ne résulte pas d'un jugement personnel; c'est la simple constatation des résultats du C.A.P. Les écoles, petites ou moyennes, obtiennent généralement les meilleurs résultats, soit sous le rapport des notes individuelles, soit sous celui du nombre des reçus par rapport aux inscrits.
Quel est donc le type d'établissement, quel est l'effectif à admettre, le plus rentable ? La réponse est tellement conditionnée par des questions d'espèce, de lieu, de locaux, de profession, de métier, qu'il faut rester sur une prudente réserve. Les raisons qui ont déterminé certaines formes d'écoles peuvent prévaloir encore. Cependant, Dans tous les cas où l'idée de spécialisation permet de limiter les métiers enseignés dans la même école, nous pensons qu'on devrait s'efforcer de ne pas dépasser 150-200 élèves environ. On notera que cette limitation qui entraîne la multiplication des écoles, outre qu'elle favorise sérieusement la qualité, est également avantageuse, car chaque école pourra être plus locale, plus près moralement et matériellement des industries qui l'intéressent et prendront en charge in fine les apprentis à la sortie d'apprentissage.
On pourra nous citer quelques exemples contraires, par exemple, l'Ecole d'apprentissage des Usines Renault qui comporte suivant les années, 560 ou 600 élèves au total, Mais la contradiction n'est qu'apparente, parce que ces écoles - d'ailleurs exceptionnelles - sont gérées industriellement, sont spécialisées pour une industrie qui fournira du travail, des moyens, pour son bénéfice et qui, finalement, adoptera tous les élèves sortants, même les non reçus. Ces conditions sont éminemment différentes de celles de la plupart des écoles publiques,

CLASSES SELECTIONNEES
OU ECOLES SELECTIONNEES ?

Disons tout de suite qu'on ne fera rien d'utile si on veut poursuivre la formation des candidats sélectionnés parmi la masse des candidats, c'est-à-dire se contenter et prendre son parti des quelques apprentis plus particulièrement brillants qui terminent leur apprentissage en dominant la masse. L'expérience a montré surabondamment que la formation de qualité est incompatible avec la formation de masse. La qualité sera au contraire d'autant meilleure que les élèves seront en équipes homogènes, bien suivis et bien encadrés, Ceci revient à dire que, tout en restant dans les programmes normaux, sans rechercher une superformation qui nous ramènerait au système du type de l'Ecole Diderot (car nous traitons ici de la formation des ouvriers qualifiés et non - problème très diffèrent - de celle des agents de maîtrise), il faut que les candidats sélectionnés soient groupés et chaque groupe séparé.

Faut-il rassembler ce ou ces Groupements dans des classes séparées dans chaque école ou dans des écoles séparées? la réponse est une question d'espèce, de nombre d'élèves, de lieu, de profession, etc.... Dans la Région de Paris par exemple, s'il s'agit d'une formation d'ouvriers de main (ajusteurs, chaudronniers, etc..) l'une ou l'autre méthode pourra être employée, le cas d'espèce dominant la solution de principe. S'il s'agit d'ouvriers sur machines, notre réponse est plus nette : il vaut mieux envisager l'école séparée. Il paraît impossible, en effet, de doter toutes les écoles des moyens matériels, de machines-outils, de Moniteurs de choix et spécialisés comme il apparaît nécessaire pour une formation sur machines. Le budget d'équipement d'une Ecole est tellement important que l'on trouvera plus simple et plus économique d'outiller parfaitement quelques écoles plutôt que d'en avoir une quantité qui n'ont que des moyens généralement très insuffisants comme c'est le cas actuellement.
Il est nécessaire d'ajouter qu'en prenant parti pour l'une ou l'autre solution on ne saurait, sans inconvénient, négliger les enseignements des C.A.P. actuels. Certaines catégories ont tellement peu de candidats que la question d'une école séparée ne se pose évidemment pas. Nous ne perdrons pas non plus de vue les nombres auxquels la Profession désire aboutir, car si, dans les métiers de main, les nombres sont assez peu différents, dans les métiers d'ouvriers sur machines, par contre, les nombres futurs devront être très supérieurs à ceux d'aujourd'hui.
La spécialisation et l'organisation d'un petit nombre d'écoles seront plus faciles et chaque centre dirigera alors sur ces écoles spécialisées les candidats soigneusement sélectionnés pour qu'ils soient préparés dans les conditions les meilleures généralement inabordables aux centres non outillés.
Le schéma n° 15 qui rassemble tous ces Centres dans un tableau unique, permettra de mieux saisir la vue d'ensemble, le cheminement de nos Jeunes dans le détail.


Graph. N° 15 montrant le cheminement des jeunes provenant de l'Ecole Primaire
et susceptibles de recevoir une formation Professionnelle jusqu'à leur entrée dans les Ateliers d'ENTREPRISE.


LES MOYENS

Nous avons vu plus haut la position des besoins des ouvriers de main et sur machines de l'Industrie et la position correspondante actuelle de l'Apprentissage dans la Région Parisienne, peut-être encore dans tous les grands centres. Les besoins en ouvriers sur machines sont très considérables et nous ne les couvrirons qu'en mettant à la disposition des organisations d'apprentissage le matériel correspondant nécessaire.


Figure n° 16 - Atelier des Machines-Outils de l'Ecole Renault à Billancourt.

La figure n° 16 représente les ateliers de machines de l'importante EcoIe d'Apprentissage Renault. Les machines disponibles sont au nombre de plusieurs centaines, soit presque une pour deux élèves.


Figure n° 17 - Atelier des Machines-Outils de l'Ecole des Usines G.S.P. à Châteaudun (Eure-et-Loir).

La figure n° 17 montre une autre Ecole privée, atelier des machines également, qui ne comporte que 100 élèves ; là encore, la proportion des machines est de 50 % des élèves pour les trois années. Dans ces deux écoles, les tours et fraiseuses dominent. Nous donnons une troisième photographie qui s'applique à une école des environs de Paris où il n'y a que 80-85 élèves, où la proportion des machines est également sérieuse ; mais, dans ce cas, les machines dominantes sont : l'aléseuse, le rabot, l'étau-limeur, parce que ces classes de machines répondent à des besoins particuliers de l'Usine fondatrice de l'école.


Figure n° 18 - Atelier des Machines-Outils de l'Ecole des Usines Rateau à La Courneuve (Seine).

Nous ne connaissons aucun Centre de caractère public disposant d'une proportion de machines aussi considérable : en général cette comparaison est d'ailleurs très défavorable aux Centres. Nous ajouterons que dans ces mêmes ateliers où il y a une formation parallèle d'ajusteurs, les ouvriers de main disposent en outre de machines considérées comme le complément nécessaire et indispensable de cette formation. D'une manière presque générale, nos Centres de formation en sont dépourvus.
En faisant cette comparaison, nous marquons une situation de fait, mai nous n'élevons pas une critique. Nous sommes de ceux qui reconnaissent que la plupart des Centres sont issus de la période de guerre pendant laquelle les possibilités étaient nulles. En dépit des difficultés budgétaires de l'Etat que nous connaissons tous, des efforts méritoires ont été faits depuis, et il y a un progrès certain. Mais nous sommes très loin du compte encore et il faut faire mieux.
C'est également vrai pour tout ce qui concerne l'équipement de mesure, de contrôle, si nécessaire pour aboutir finalement à la qualité. Lorsque ces moyens manquent, la qualité est fort difficile à envisager.
C'est à ce sujet que nous désirons mettre en évidence la nécessité de spécialiser les Centres. Il est vain de prétendre, nous le répétons, doter tous les Centres de tout l'outillage qu'on pourrait admettre ; ce n'est d'ailleurs pas nécessaire et ce serait surabondant. Mais nous pensons que si les Services de l'Enseignement Technique pouvaient faire un choix des Centres les mieux appropriés et doter ces derniers progressivement en vue de l'organisation idéale, ce serait parfait.
Nous n'entrerons pas dans le détail de la forme selon laquelle les Centres pourraient être spécialisés ; c'est encore une fois une question d'espèce, de crédits, mais précisons une fois de plus que ces Centres ainsi spécialisés et dotés ne devraient recevoir que des élèves sélectionnés afin que tout le profit utile soit tiré de l'effort budgétaire réalisé. On verra sur le graphique n° 15 que nous avons prévu des Centres spécialisés mixtes, ce qui signifie que, dans notre esprit, nous admettons parfaitement que des Centres ne pouvant être dotés complètement dès le début pourraient avoir quelques équipes sélectionnées, également que ces Centres mixtes comportant des équipes ou des classes sélectionnées comporteront aussi des ouvriers de main pour lesquels l'effort d'équipement sera nécessaire.
Comment doit être composé l'équipement machines ? C'est un sujet important que nous ne pouvons traiter dans cette note déjà longue. C'est une question que des personnalités d'expérience trancheront facilement quand on sera prêt pour les décisions. Dans ce domaine, nous devons admettre que l'équipement désiré ne pourra se produire que par étapes, qui seront fonction des disponibilités budgétaires.

PERMANENCE ET QUALITE DES PROFESSEURS
ET MONITEURS

Cette question nous ramène aux parallèles si souvent établis entre les écoles publiques et les écoles privées, entre les professeurs et les moniteurs. Dans notre esprit, les écoles publiques s'occupent bien des cours et de la technologie, les écoles privées traitent mieux les travaux manuels. Les professeurs des écoles publiques ou centres de formation ne disposent généralement pas du vaste champ d'expériences que constituent une entreprise complète ou des ateliers. Il est certainement souhaitable que les professeurs connaissent la vie des ateliers et leur évolution ; mais comme dans ces écoles cela n'est pas toujours possible, ils s'en passent.
Nous pensons, étant donné le caractère théorique de l'enseignement et la généralisation des sujets, qu'il n'y a pas, du côté des professeurs, d'objections matérielles sérieuses à un séjour prolongé dans la formation. Pour les Moniteurs, ce n'est pas la même chose parce que si l'enseignement théorique peut avoir un certain caractère d'immobilité, il n'en va pas de même de la formation manuelle. En effet, l'évolution du travail dans les ateliers au cours de ces dernières vingt années a été considérable. Cette évolution a porté dans tous les domaines sans exception ; il n'est pas nécessaire d'en faire l'énumération. Un Directeur d'atelier dont la Société avait cru devoir renouveler récemment une part importante de son équipement machines-outils, vieux de plus d'une dizaine d'années, nous a confié que la différence entre les machines anciennes et nouvelles était considérable et que l'emploi de ces dernières posait des problèmes nouveaux constituant une petite révolution des méthodes, des temps de montage, des outillages, etc... On conçoit que dans ces conditions d'évolution assez rapide, le maintien prolongé des Moniteurs dans les organisations de formation ou d'apprentissage soit susceptible d'objections.
Qu'entend-on par maintien prolongé ? A notre avis, un maintien de plus de 4 ou 5 années. Passé ce délai, il nous paraît nécessaire que le Moniteur reparte pour l'atelier pour se remettre au courant. Considérés sous cet aspect, les moniteurs des écoles libres d'entreprises - qui ne sont le plus souvent que des agents de maîtrise détachés de l'exploitation régulière - peuvent soit garder un contact journalier avec les ateliers de l'entreprise, soit, solution meilleure, reprendre une fonction dans l'entreprise en laissant la place à un collègue d'atelier. Il n'en va pas de même pour les Centres où le moniteur a tendance à se voir comme une sorte de fonctionnaire et à considérer son poste comme devant avoir un caractère permanent, Nous comprenons. que la solution de ce problème est assez délicate et susceptible de difficultés ; on la trouvera facilement lorsque la collaboration centres et entreprises sera devenue effective.
Dans la région parisienne, il nous paraît que la bonne méthode serait d'avoir des moniteurs en nombre suffisant pour qu'une fraction de ce nombre puisse être, en accord avec le Patronat, en roulement de formation. Disons par exemple, 4 mois dans un Centre, 6 mois ou 1 an dans une entreprise. Une telle décision ne se heurterait qu'à des difficultés d'organisation et de financement très peu sérieuses. On ne négligera pas les visites d'usines, non plus que l'enseignement que pourraient donner des agents des entreprises détachés quelques heures par semaine dans les centres, pour certaines questions spécialisées.

FONCTION DES DIRECTEURS DE CENTRES


Les Directeurs de centres doivent, à leur tour, comprendre que leur rôle de gestion des centres, de défense morale et sociale des Jeunes sous tous les rapports, d'éducation et formation professionnelle tendant de plus en plus vers la qualité, doit se compléter d'une idée nouvelle, à savoir : remplir le rôle nécessaire. d'apostolat auprès des Chefs d'entreprises voisines des Centres qu'ils gèrent : visites, conversations, fréquentation, consultations sur une politique de collaboration pour la formation, demandes d'aide et d'assistance pour la résolution des contrats liant les apprentis aux entreprises, organisation du placement des élèves, visites d'usines, concours de personnel de maîtrise, etc... Ce sont là des problèmes de leur ressort.
En sus de ces considérations, le Directeur de Centre doit s'intéresser à ce que deviennent les apprentis ; il doit les suivre et les aider chaque fois que possible. Enfin, il doit tirer de l'ensemble de ses informations, contacts et fréquentations, tout ce qui est nécessaire pour lui servir de guide dans l'évolution de l'école.
Il est bien évident que si une formation d'ajusteurs ne trouve pas de places, si les résultats des examens ne sont pas satisfaisants, si la Profession ne trouve pas, auprès du Centre qui est dans sa région, les éléments qui lui seraient utiles, il appartiendra alors aux Directeurs des Centres de recourir aux remèdes et de prendre toutes initiatives utiles. C'est là leur rôle et nous affirmons qu'ils peuvent être parfaitement aptes à le remplir.

BIBLIOGRAPHIE ET DOCUMENTATION


La pauvreté de nos organisations d'apprentissage sous ce rapport est bien connue. Combien de temps perdu par les Professeurs et les élèves par suite de l'absence d'une documentation appropriée sur les sujets de la formation, que d'heures de copie, de reconstitution, sont absorbées sons nécessité réelle. Cette documentation doit être établie pour des apprentis travaillant à l'atelier et non pour des élèves de cours complémentaires ou supérieurs. Elle doit être telle comme présentation, comme prix, comme valeur d'enseignement qu'il soit permis de la diffuser parmi tous les apprentis, à moins que l'on puisse confier des livres en bon état aux promotions successives jusqu'à mise hors d'usage. Elle doit être telle qu'elle puisse être mise à la disposition des élèves qui suivent les cours de mécanique sans faire partie d'une formation d'apprentissage, pour les Jeunes qui travaillent en atelier sans contrat et sans cours, pour les Jeunes de province, etc... Des tableaux muraux, pratiques, comme nous les avons vus à l'Etranger, doivent être étudiés pour tout ce petit monde afin d'être affichés dans les écoles et dans les ateliers.
Qui doit étudier, préparer, diffuser cette bibliographie ? A notre avis, c'est la Direction de l'Enseignement Technique qui doit prendre la question en main, créer l'organisation de base nécessaire. On objectera :

1°) La question budgétaire.
Comme l'équipement en machines et moyens, la bibliographie est un des éléments de l'organisation de l'apprentissage. Mais c'est aussi une des charges de son budget. Aussi, jusqu'à des temps meilleurs, cette documentation ne saurait être complètement gratuite.
2°) Le nombre des professions spécialisées.
Il peut être discutable d'élargir la documentation préconisée à toutes les professions, sans exception, mais on peut commencer par les professions les plus importantes et courantes. Ces professions, qui pourraient d'ailleurs apporter une collaboration pratique et matérielle, ne sont pas préparées à la pédagogie et l'expérience de l'enseignement, pas davantage à la présentation d'éditions devant avoir autant que possible un caractère général.
A ce propos, nous n'omettrons pas non plus la constitution d'une bibliothèque qui, suivant les cas, sera seulement une bibliothèque d'information et de complément à la formation ou qui pourra être également une oeuvre d'intérêt et de délassement pour les Jeunes.

LA PROFESSION DANS LE CADRE
DE LA MECANIQUE ET DE LA TRANSFORMATION
DES METAUX

Un est généralement d'accord pour considérer que pour la formation des Jeunes et l'apprentissage en général, sur le triple plan social, intellectuel et professionnel, la Profession a ou pourrait avoir un rôle prépondérant. Depuis quelques années, elle a fait un effort vraiment sérieux pour le développement des oeuvres d'apprentissage, se rendant compte qu'une formation organisée valait mieux que le développement à la diable, règle malheureusement encore trop observée.
Mais où en sommes-nous ? Sous le rapport des nombres de jeunes gens accueillis dans les entreprises, sous toutes formes et titres, il y a un développement satisfaisant favorisé par un désir général de développèrent de la production, d'une part, par les besoins généraux de main-d'oeuvre d'autre part. Mais sous le rapport de la qualité, il reste tout à faire. Il existe bien dans l'industrie privée un grand nombre d'écoles d'apprentissage d'excellente qualité, recherchées même, et le nombre de ces écoles tend à croître en raison des besoins sans cesse accrus de professionnels qualifiés. Ces écoles forment des apprentis en deux, trois et même quatre ans ; le pourcentage des présentés aux C.A.P., les reçus, la moyenne des notes, sont satisfaisants.
Un certain nombre d'entreprises, et notamment des entreprises petites ou moyennes, désireuses de perfectionner la valeur des Jeunes, font suivre régulièrement les cours organisés à Paris et en banlieue par le Syndicat Général des Industries Mécaniques et Transformatrices des Métaux, cours qui accueillent toute l'année près de 4 000 jeunes gens relativement assidus et dont un nombre intéressant se présentent aux divers C.A.P. Parmi ces derniers, du fait même de l'origine du recrutement, le pourcentage des reçus est assez moyen. Ce pourcentage est toutefois en augmentation très nette, grâce à l'impulsion vigoureuse donnée à ces cours par la Direction de la Formation Professionnelle du Syndicat Général. Cette organisation qui ne peut évidemment, par nature, prétendre, comme les écoles d'entreprises, à la perfection, mais qui existe depuis de longues années rend de très réels services et doit donc être poursuivie puisqu'elle donne des résultats de plus en plus satisfaisants.
Un troisième compartiment d'entreprises collabore avec les Centres de Formation de l'Enseignement Technique. Cette collaboration fût, au début, assez timide. Cette "timidité" fût, peut-être à l'origine d'un certain nombre de craintes exprimées ou de critiques formulées à l'encontre des Centres. Il serait sans intérêt de nous arrêter à ces critiques puisque ces Centres ont gagné leur cause par les progrès accomplis, progrès qui ont rendu cette première collaboration beaucoup plus sérieuse. Les entreprises tendent en effet à tirer maintenant parti des Centres mis à disposition, malgré les critiques qui subsistent et que nous avons faites nous-mêmes sur les moyens dont ils disposent. Et c'est bien dans ce sens que doivent s'orienter les entreprises - et elles sont le plus grand nombre - qui n'ont pas le moyen de s'offrir le luxe d'Ecoles particulières, afin d'aboutir à ce que tous les professionnels possèdent leur C.A.P.
En dépit de cet indéniable progrès, les besoins en main-d'oeuvre de qualité, disons en professionnels vraiment qualifiés, restent considérables. Cette déficience est augmentée encore par l'effort général pour un développement de la production. Il nous paraît donc nécessaire de faire un gros effort : pour doter l'apprentissage de moyens nouveaux et sérieux, pour améliorer la cohésion et la collaboration des efforts de ces organisations.
Pour le surplus, il faut que ces organisations syndicales et patronales continuent elles-mêmes leur action dans ce sens, afin de limiter le nombre toujours trop grand des entreprises égoïstes ou indifférentes qui profitent de l'action générale pour le recrutement de leur main-d'oeuvre sans accepter de contribuer pour leur part au tribut général de travail et de sacrifices.

L'aide de la Profession

Dans le sens de la collaboration avec les Centres, quelle aide peut ou devrait apporter la Profession ?

- Délaisser l'esprit de prévention contre les Centres. S'ils ne sont pas tels que nous le souhaitons, nous devons néanmoins accepter de les aider à se perfectionner par une collaboration soutenue et agissante,
- Accepter de prendre en charge sous Contrat d'Apprentissage le plus grand nombre possible de jeunes gens recrutés par ces Centres,
- Accepter de supporter, pour les jeunes gens ainsi adoptés par contrat, la charge d'une certaine forme de rémunération quel qu'en soit le mode, niais telle cependant qu'elle maintienne les jeunes dans l'Apprentissage et permettre ainsi de recueillir le bénéfice des dépenses considérables que représente la formation.
- Réserver des places, le plus possible, aux jeunes gens adoptés d'abord, mais aussi à ceux qui n'ont pas eu cette chance.
- Participer moralement et matériellement à la gestion des Centres ; éclairer les Moniteurs et Directeurs, accepter de siéger parmi les Comités de gestion, afin de guider ces derniers dans la solution des problèmes de la formation et des besoins à pourvoir.

Nous pouvons certifier que les organisations syndicales et patronales sont toutes désireuses de favoriser un tel mouvement de progrès dans la collaboration et la formation des Jeunes, et surtout de recueillir les résultats bienfaisants d'une telle politique de prévoyance et de collaboration généreuse et active.

Les désirs de la Profession

La preuve est faite que la grande majorité des entreprises de la Profession des Métaux peut vivre et même prospérer sans s'intéresser directement aux problèmes de l'apprentissage, en persévérant dans les méthodes surannées de formation de la main-d'oeuvre. Nous ne devons pas en conclure que cette absence d'intérêt soit voulue ou qu'elle soit totale. 10 un 15 % des entreprises font de l'apprentissage de bonne qualité. Le reste se partage entre des formes multiples de formation : Promotion ouvrière, sur le tas, etc... ou sa désintéresse complètement de la question. Cet état de choses résulte du défaut, français, d'individualisme - d'où égoïsme et indifférence - ainsi que de la méconnaissance des nécessités des problèmes de main-d'oeuvre; mais souvent aussi d'impuissance à résoudre le problème de la formation puisqu'il s'agit d'entreprises trop peu importantes qui n'ont aucune facilité ou moyen pour faire personnellement quelque chose d'utile.
Le développement des Centres de Formation Professionnelle, la mise au point du futur statut de l'Apprentissage, sont des novations de très grand intérêt. Elles doivent permettre de surmonter bon nombre de difficultés si l'on parvient ainsi à intéresser les industriels et à les amener à cette collaboration si nécessaire.
Mais ne nous méprenons pas ; la Profession ne souffre pas sérieusement d'un manque de main-d'oeuvre en tant que nombre, nous l'avons vu plus haut. Elle souffre d'un manque de main-d'oeuvre qualifiée, de plus en plus sérieusement qualifiée. Là est tout le problème. Si nous avons développé et détaillé cette thèse dans la présente note, c'est bien parce que, l'atteinte de ce but ; former des apprentis de haute qualité, est rigoureusement indispensable. Le progrès constaté ces dernières années, la collaboration désirée de la Profession dans tous les domaines, le développement de l'intérêt chez les négligents, etc... ne s'accroîtront que si les résultats acquis apportent les satisfactions attendues dans le domaine de la qualité.
Le second problème, également fort important et qui ne peut être dissocié du premier, c'est celui du placement des apprentis, non seulement de ceux qui ont obtenu leur C.A.P., problème relativement facile, mais de la masse très importante de ceux qui n'ont pas réussi, de ceux qui ont été lancés dans la profession sans idée de les présenter an C.A.P. L'aspect social de ce problème ne saurait être sous-estimé. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur ce sujet.

LE FUTUR STATUT DE L'APPRENTISSAGE

Ce Statut verra le jour, nous l'espérons ; le projet soumis aux délibérations de l'Assemblée Nationale sera discuté et modifié et nous ignorons sa forme définitive. Disons cependant qu'il tendra à favoriser le passage de tous les Jeunes, ou d'un grand nombre, vers des organisations de formation publiques, privées ou mixtes. Nous approuvons, pour notre part, cette tendance utile sous ses divers aspects : social, intellectuel, économique. Mais il faut reconnaître qu'elle aura certainement pour conséquence le développement du nombre des écoles et des élèves ou apprentis.
Ce développement, quelle que soit son importance, ne résout pas pour autant notre problème de la qualité, bien au contraire, pour les raisons évoquées ci-dessus. Ce problème de la qualité implique des mesures spéciales et appropriées, non prévues pour le moment par le projet de Statut.
>Enfin, nous ne perdrons pas non plus de vue que notre défense de ce problème de la qualité n'est pas que l'expression des besoins ou de certaines difficultés particulières de la Profession. Non : ce problème de la qualité doit être envisagé sur le plan supérieur de l'Economie Générale. En effet, les Industries des Métaux tiennent une place considérable dans l'économie du Pays. Le développement de ses productions, la possibilité de faire mieux, en tout cas, aussi bien que les pays concurrents, plus précis, de construire plus grand et plus lourd, d'aborder des fabrications sans cesse plus perfectionnées, partant plus difficiles, tout cela ne peut manquer d'avoir des répercussions heureuses et importantes dans toutes les catégories d'industries auxquelles les Industries de la Mécanique ou de la Transformation des Métaux apportent un concours précieux sans cesse pins marqué, plus efficace, plus indispensable.

F. NIEL
Conseiller de l'Enseignement Technique
Officier de l'Instruction Publique
Président du jury pour les C.A.P. des Mécaniciens de la Région Parisienne
Président de la Commission d'Apprentissage du Syndicat général des Industries Métallurgiques et Transformatrices des Métaux.