L'enseignement professionnel intégréIl constitue désormais un élément essentiel du système de formation et d'éducation français. A l'orée du XXIe siècle, il doit lui aussi s'adapter sans renier ses principes fondateurs. C'est pourquoi ce document a vocation à trouver toute sa place dans la charte pour la réforme des lycées. Ce texte se propose de rassembler les principes qui doivent guider cette rénovation. Elle se fera progressivement et en concertation avec tous les partenaires du système éducatif et du secteur des professions. | |
Claude Allègre |
La logique pédagogique de l'enseignement professionnel résulte d'un équilibre entre la formation générale, la formation professionnelle et l'environnement économique. Elle permet ainsi aux élèves de recevoir une formation professionnelle tout en accédant à la culture que doit recevoir tout lycéen. Cette logique pédagogique fonde la spécificité et l'identité de l'enseignement professionnel. Les stagiaires de la formation continue et, lorsque les formations correspondantes y sont représentées, les apprentis doivent y trouver naturellement leur place : la formation qu'ils reçoivent est, comme celle des élèves, adaptée à leurs acquis et à leurs besoins.
C'est aussi un espace dans lequel tous les publics, élèves de l'enseignement professionnel, apprentis ou stagiaires de la formation professionnelle, font l'apprentissage de la citoyenneté en même temps qu'ils acquièrent les aptitudes nécessaires à l'exercice de leur vie professionnelle. L'éducation civique, juridique et sociale, l'éducation physique, les enseignements artistiques et les activités sportives et culturelles font l'objet de nombreuses actions dans les lycées professionnels, soit dans le cadre, soit en complément des programmes. Un bilan en sera effectué afin de développer l'existant et de l'étendre à de nouveaux établissements. Des expériences d'enseignement de la philosophie seront poursuivies avant d'en tirer un bilan. L'organisation des études est conçue pour permettre la construction, à certains moments du parcours de l'élève, d'une réversibilité de l'orientation entre l'enseignement professionnel d'une part, et l'enseignement général et technologique de l'autre. |
L'enseignement professionnel intégré représente une triple intégration : institutionnelle, celle du lycée professionnel à l'éducation nationale ; pédagogique, celle de la formation générale à la formation professionnelle, celle des périodes en entreprise au sein de la formation professionnelle.
L'identité du lycée professionnel ne peut désormais se concevoir qu'en partenariat avec les professions autour de spécialités identifiées, en prenant en compte la réalité de l'environnement économique de l'établissement et la demande sociale et celle des familles. Toute la formation est donnée au lycée et en entreprise en s'assurant que quel qu'en soit le lieu la démarche pédagogique est toujours présente dans une continuité à construire au cas par cas. Cet enseignement s'appuie sur une démarche pédagogique qui doit bénéficier à tous les élèves et s'adapter aux rythmes et aux spécificités des différents métiers ainsi qu'au niveau de la formation suivie. En début de cursus, les périodes de formation en entreprise étant plus profitables quand un minimum de compétences est déjà acquis, elles auront pour vocation de faire prendre conscience des exigences de la vie professionnelle, y compris de celles qui concernent la formation générale. Les périodes en entreprise, leurs modalités , leurs durée seront négociées au cas par cas avec les branches professionnelles en liaison avec les commissions professionnelles consultatives (CPC) ou les commissions paritaires nationales de l'emploi (CPNE) en tenant compte des contraintes de chacun des partenaires. L'éducation nationale affirmera dans cette concertation la nécessité de garantir la qualité pédagogique. Un véritable contrat de formation, dont la dimension pédagogique doit être affirmée, liera l'entreprise, l'établissement et l'élève qui en est l'acteur principal. Afin de garantir la cohérence pédagogique de la formation, ce contrat indiquera notamment les activités professionnelles correspondant au référentiel d'activités du diplôme qui seront confiées à l'élève, les modalités de son encadrement par un tuteur désigné par l'entreprise et par l'équipe pédagogique de l'établissement, les objectifs qui devront être atteints et évalués á l'issue de la période en entreprise. Un cadre général sera proposé aux partenaires de l'éducation nationale pour garantir les droits et obligations des élèves, des établissements et des entreprises Un coordonnateur sera désigné au sein de chaque établissement, en fonction des moyens disponibles. Quand il ne s'agira pas du chef de travaux, cette fonction d'animation d'équipe devra s'articuler avec celle de ce dernier et celle des professeurs principaux. Ce coordonnateur fera le lien avec les milieux économiques. Il identifiera avec eux leurs préoccupations en termes de recrutement ou de formation de leurs personnels ainsi que leurs projets techniques susceptibles d'utiliser des potentialités qu'offre l'équipement des lycées. Les plates-formes techniques des établissements doivent pouvoir bénéficier à leur environnement économique, notamment aux PME/PMI sous formes contractuelles. Des modalités juridiques (Groupement d'intérêt public) sont prévues dans la loi sur l'innovation et des contrats types seront proposés aux enseignants volontaires souhaitant s'associer à ces coopérations technologiques. Elles devront être bénéfiques pour chaque partie. Un décret fixera les modalités de constitution des groupements et de leur approbation par les pouvoirs publics. Au niveau académique, un coordonnateur placé auprès du recteur sera également nommé lorsque cette fonction n'existe pas déjà. Il aura pour missions d'analyser les relations régionales existant entre formation et emploi (notamment dans le cadre des observatoires régionaux emploi-formation), de coordonner l'action académique vis-à-vis des instances régionales (en particulier l'instruction et le suivi du plan régional de développement des formations professionnelles des jeunes) et des organisations économiques et sociales (contrats d'objectifs entre autres) et de les mettre en relation avec les établissements concernés. Le coordonnateur académique sera aussi le correspondant de la Mission nationale +ducation-+conomie-Emploi, qui aura pour fonction d'être à la fois un observatoire des professions et une instance de prévisions des évolutions de l'économie et des besoins du système éducatif. Dans un souci de clarification, il est proposé de redessiner progressivement la carte régionale des formations en favorisant, chaque fois qu'il est possible, l'émergence de pôles d'enseignement professionnel (lycée de l'automobile, de la mode, de l'hôtellerie, etc.) en relation avec l'emploi, tout en tenant compte des capacités d'hébergement existantes et à prévoir pour les élèves (internats, foyers..). |
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Dans le déroulement de la formation de chacun de ces diplômes sera privilégié un volume horaire important (de l'ordre de 250 heures) destiné à la réalisation de projets pluridisciplinaires à caractère professionnel (2) auxquels l'enseignement général et l'enseignement professionnel participent. Au cours de ces projets, placés sous la responsabilité de l'équipe pédagogique, sera apportée une aide individualisée aux élèves en difficulté. De plus, les élèves dont les difficultés les plus fréquentes sont ressenties dans le domaine de l'enseignement général pourront bénéficier d'une aide particulière. La nouvelle organisation de l'aide aux élèves qui résultera de cette évolution des pratiques pédagogiques sera inscrite dans le projet d'établissement. Les professeurs de l'enseignement général comme de l'enseignement professionnel concernés pourront consacrer à ces activités certaines heures de leur service statutaire dans le cadre de petits groupes qui ne pourront être supérieurs à huit élèves à l'intérieur des projets ou, éventuellement, à part. Le projet d'établissement pourra prévoir cette possibilité.
(1) Cependant, dans certaines branches, le BEP est aussi un diplôme reconnu en termes d'insertion dans l'emploi. Une discussion avec les branches déterminera alors la formation nécessaire pour compléter utilement la qualification reçue en BEP. Le déroulement de cette formation recourra essentiellement à la pratique professionnelle en entreprise. Afin de ne pas allonger inutilement les études, ce complément sera limité au strict nécessaire (pas plus de six mois en général). Cette qualification devra être sanctionnée par un diplôme reconnu, et notamment pourra l'être par le CAP ou éventuellement par une mention complémentaire (MC) reconnue par la profession. Cette formule de préparation directe à un métier pourra, dans la mesure ou elle débouche sur un diplôme, être préférée dans bien des cas au suivi d'une formation complémentaire d'initiative locale (FCIL). Les élèves auront ainsi le BEP et le CAP et/ou une MC. (2) Les projets peuvent s'Inscrire sur la durée complète de la formation, leur volume horaire est indicatif. La typologie des réalisations (une ou plusieurs suivant la branche et le niveau) qu'ils proposent aux élèves sera évoquée en CPC. Ils reprendront les volumes horaires antérieurement consacrés aux modules, à l'exception de ceux de 1ère année de BEP qui seront préservés, et leur mise en place ne pourra se traduire par une réduction d'horaires des disciplines ou par une augmentation des obligations de service des enseignants. |
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Les professeurs de lycées professionnels seront formés aux spécificités de l'enseignement professionnel intégré. Les modalités d'exercice des enseignants tiendront compte de la diversité des activités pédagogiques qui leur incombent : enseignement proprement dit (cours, travaux pratiques, travaux en ateliers), aide aux élèves, pilotage de projets. En particulier, les activités pédagogiques confiées aux enseignants et correspondant aux périodes pendant lesquelles tout ou partie de leurs élèves sont en entreprise feront l'objet d'un examen et d'une concertation spécifiques (1).
Pour les disciplines techniques d'enseignement professionnel, on recherchera les modalités permettant aux candidats de valoriser dans les épreuves des concours de recrutement leur expérience professionnelle dans la discipline qu'ils souhaitent enseigner. Dans les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), les futurs enseignants de lycées professionnels seront formés à la démarche pédagogique de l'enseignement professionnel intégré. Pour leur permettre de mettre en oeuvre, non seulement les activités de leur champ disciplinaire, mais également les pratiques professionnelles qui seront exigées de leurs élèves, un ensemble de stages professionnels en entreprise leur sera systématiquement proposé. De tels stages devront être renouvelés au début de leur carrière puis ériodiquement à leur initiative ou à celle de l'administration. Par exemple, on pourra organiser des stages d'été. Ces stages devront pouvoir être valorisés au cours de la carrière des enseignants. C'est dans ce cadre que la question du dépassement de la distinction entre enseignement théorique et enseignement pratique sera discutée. |
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