- Pourquoi vend-on moins de voitures aujourd'hui qu'en 1990, avec un marché (le parc automobile) en croissance de plus du tiers ?
En 1990, parc de 23 millions de véhicules particuliers (76,5 % des ménages motorisés), avec des kilométrages moyens de 11 900 km en essence et 21 300 en Diesel (17.4 % de parc), avec, en moyenne, 69 500 km au compteur et un âge moyen de 5.9 ans
2,03 millions de voitures neuves vendues dont 37,5 % de Diesel, soit un taux Voitures Neuves/parc de 8,8 %
En 2012, parc de 31,55 millions de véhicules (83,5 % des ménages motorisés), avec des kilométrages moyens de 8 700 km en essence et 15 800 en Diesel (56.2 % de parc), avec, en moyenne, 107 730 km au compteur et un âge moyen de 8 ans
2,2 millions de voitures neuves vendues dont 72,7 % de Diesel, soit un taux VN/parc de 7 %
En 2013, 1,7 à 1,8 millions de voitures vendues, pour un parc de 31,6 millions de véhicules, soit un taux VN/Parc de moins de 6 %....
Sans oublier que les ventes à particuliers ne représentent qu'un peu plus de la moitié du volume total.
Dans l'Express, le 2.4.2013
La chute de ventes de voitures neuves s'accentue en France en mars
Les consommateurs se montrent frileux, expliquent les professionnels. Les ventes aux particuliers représentent 53% du total, contre 55,5% il y a un an, explique Bernard Cambier, directeur commercial France chez Renault.
- Progression du parc + 36%, pourcentage de ménages motorisés + 9%), progression des ventes -10% !
On appelle cela une faillite commerciale, et la réponse est d'une évidence telle qu'elle échappe aux analystes, aux commerciaux, aux journalistes mêmes : tout simplement parce qu'elles sont trop chères.
Et on cherche des solutions financières - augmenter la marge - à un problème avant tout commercial - baisse des ventes - car ce qui fait défaut aujourd'hui, ce sont bien les acheteurs, tout simplement.
Augmenter la productivité ou diminuer les salaires ne servira à rien si le prix des automobiles ne baisse pas, comme l'ont fait les prix de tous les produits technologiques qui envahissent notre quotidien aujourd'hui.
Effectivement, l'automobile est, à ce jour, le seul produit "technique" qui n'a fait aucun progrès quant à l'élargissement de sa diffusion, à comparer à la diffusion des produits informatiques et multimédia :
Quelques écrans LCD vendus en France en 1990, 7,6 millions vendus en 2012
100 000 connectés à Internet en 1996, 20 millions depuis 2010, pour 42.3 millions d'internautes.
200 000 téléphones portables en 1990, 58 millions de forfaits en 2013
et que dire des nouveaux produits, introuvables en 1990, comme l'abonnement au haut débit Internet (24,4 millions), les Smartphones (14 millions), les tablettes (3 millions), les lecteurs MP3 (2,7 millions), les GPS (1,9 millions), les liseuses, les TV connectées...
Mais, encore, 2,03 millions de voitures en 1990, 1,8 en 2013...
- A taux VN/parc constant (8%), une évolution "zéro" qui serait encore étrange pour un produit qui devrait être aussi grand public que l'automobile, c'est bien 2,8 millions de voitures qui devraient être immatriculées en France.
Il manque un millions de voitures, et oui, c'est aussi simple que cela...
On pourrait aller chercher plus loin, comme il y a 30 ans, en 1982, où 2 054 000 voitures ont été immatriculées pour un parc de 19 750 000 voitures (taux VN/parc de 10,4 %).
Les solutions proposées sont tout aussi inadaptées.
A quoi peut bien servir une augmentation continuelle de la marge sur un produit qui ne se vend pas, donc qui ne la génère pas, cette fameuse marge.
Mais pourquoi les automobiles sont-elles trop chères ?
Elles le sont parce qu'elles sont totalement inadaptées à leur marché : trop puissantes, suréquipées, mal motorisées.
Elles ne sont conçues que pour ceux, de moins en moins nombreux, qui les achètent encore et pour des journalistes auto, "pilotes" diésélistes indécrottables pour la plupart, totalement déconnectés de toute réalité routière.
Mais nos constructeurs savent-il encore concevoir des automobiles quand on voit les Citroën C-Crosser - Peugeot 4007 (Mitsubishi Outlander rebadgée), les Citroën C4 Aircross - Peugeot 4008 (Mitsubishi ASX) et les Citroën C-Zero - Peugeot Ion (Mitsubishi i-Miev) ?
Le constat :
Depuis 1990, le Code de la Route n'a pas changé quant aux vitesses maxi autorisées (ce qui définit les performances requises), la formation des conducteurs et leurs aptitudes physiques non plus, et ce, au mieux.
Alors, pourquoi, aujourd'hui, une entrée de gamme fait 50 ch (Citroën C1 et Peugeot 107 1.0i) voire 75 ch (Renault Twingo 1,2 LEV 16V) alors qu'en 1990, elle ne faisait que 45 ch (Citroën AX, Peugeot 106), voire 34 ch (Renault 4).
Et c'est bien la Toyota Yaris de 69 ch qui succède à la Toyota Starlet 54 ch.
Mais 80 ch pour la ville, est-ce suffisant ?
AutoPlus, 21.10.2013
Nissan Micra 1.2 Connect Edition
Hélas, le manque de punch en relances, le niveau sonore élevé et les suspensions pas assez douces limitent l'usage de cette voiture à la ville, où son excellent rayon de braquage facilite les manoeuvres.
- Sans parler de l'inculture automobile de ceux qui qualifient de "mini" une voiture de 95 ch pour 185 km/h, 3,70 m de longueur et 1130 kg alors que la "vraie" Mini se contentait de 56 ch pour 145 km/h, 3,05 m et 650 kg !
Et cet écart s'amplifie avec la montée en gamme où, par exemple, à une Peugeot 405 de 70 ch correspond aujourd'hui une Peugeot 407 de 116 ch.
Cela est corroboré par l'évolution de la voiture moyenne telle que publiée régulièrement par l'Argus : augmentation de la puissance, de la vitesse maxi, du poids...
1980 : puissance 75 ch, masse 977 kg, vitesse maxi 154 km/h, vendue l'équivalent de 15 SMIC
2000 : 88 ch, 1138 kg, 175 km/h, 14,8 SMIC
2010 : 99 ch, 1238 kg, 178 km/h, 14,8 SMIC
2012 : 110 ch, 1283 kg, 182 km/h, 15.8 SMIC
- Les prix, s'ils sont, en euros constant, sensiblement similaires, devraient être en baisse, mais avec un suréquipement généralisé (vitres électriques avant/arrière, climatisation, Bluetooth, etc.), une course technologique sans perspective (l'intérêt d'une voiture roulant sans conducteur ?), rien ne concourt à diminuer le prix des véhicules, à en faire un objet de consommation grand public.
A l'image d'une société de plus en plus tournée vers "l'élite", c'est donc bien l'objectif de faire de l'automobile une produit haut de gamme, les autres se contentant de l'occasion.
Lu dans AutoPlus, le 7.10.2013
... s'il n'y a plus d'achats en première main, il n'y aura plus d'occasions ! Et, pour cette clientèle, choisir la couleur, les options, humer l'odeur du neuf, ça n'a pas de prix.
- Tout bon technicien sait que la limite de puissance à "passer" sur une traction est de l'ordre de 150 chevaux, ce qui explique la multiplication des "aides" à la conduite pour maîtriser des véhicules devenus plus que limites.
D'ailleurs, ils ne font que décaler le problème du "trop vite", car sortir de la route à 100 km/h n'est pas plus sûr que de sortir à 80 km/h.
Quant à la fable de la "réserve de puissance"...
Et on ne peut passer sous silence l'emballement du coût de la maintenance de ces véhicules bourrées d'une technologie tellement mal maîtrisée que la fiabilité en devient plus que douteuse (pneus surdimensionnés, filtres à particules, trains auto-directionnels, lampes à décharge, stop&start, multiplexage, etc.).
Sans parler des "indispensables" Bluetooth, commandes au volant et écran multifonction.
Dans AutoPlus, le 21.10.2013 :
BMW 114d 5 portes Première
... l'équipement de série affiche des lacunes (Bluetooth, régulateur de vitesse et volant multifonction sont en option).
BMW X1 sDrive 16d Première
... on note également l'absence du Bluetooth, de commandes au volant et d'écran central.
Citroën DS3 Cabrio 1.2 VTI Chic
... on déplore l'absence de Bluetooth, de climatisation et de jantes alu.
Etc.
- Mal moderne, l'accessibilité réduite à la mécanique allonge les temps d'intervention, donc les coûts
Il n'est qu'à essayer de changer l'ampoule de phare d'un Citroën C4 en moins d'une heure.
On peut aussi s'étonner, en ces temps tournés vers l'écologie, de la généralisation de la climatisation, coûteuse en poids, en énergie, utilisant des gaz de plus en plus toxiques, et, là aussi, à l'entretien ruineux.
Quant aux progrès dans le domaine de la l'antipollution, souvent citée comme élément principal et "motivateur" de l'accroissement des coûts, il est bon de rappeler que 2 millions de voitures neuves impactent 6% du total des véhicules roulants chaque année.
Et il n'est pas certain que la voiture d'aujourd'hui, quant elle aura 8 ans (l'âge moyen du parc, et plus de 50% du volume de ce parc) garde autant de ses vertus environnementales.
Il n'est qu'à voir le sort réservé aux vannes EGR (recyclage des gaz d'échappement) ou au FAP (filtre à particules).
Une recherche sur Google, "neutraliser un FAP", donne 195 000 résultats.
- La raison en est, là aussi, simple : le coût d'entretien de nos voitures ne cesse de croître, dans des proportions hors du commun (+3.5% en 2013, pour une inflation de +0,7%), en rendant la maintenance inaccessible aux budgets des détenteurs de voitures d'occasion de plus de cinq ans, entretien qui, s'il n'affecte pas les performances habituelles du véhicule, ne rentre plus dans les priorités en ces temps de crise.
Dans Le Figaro, 17.5.2013
Forte augmentation du coût de l'entretien
En un an, les tarifs ont augmenté de 3,5%, selon des chiffres de l'Insee rapporté ce vendredi matin par le site spécialisé dans l'entretien automobile Drivepad.fr.
Soit plus que l'inflation, qui n'a progressé que de 0,7% sur la même période.
- Que deviendront les 16 millions d'automobilistes qui rouleront dans ces véhicules, dans huit ans donc, quand simplement maintenir une voiture en bon état sera devenu trop cher ?
La lourdeur technique du Diesel (un contre sens environnemental), imposé par un puissant lobbying (37.5 % des voitures neuves en 1990, 72.4 % en 2012) engendre elle aussi des coûts d'achat et de fonctionnement incompressibles.
Il s'agit pourtant de la technologie la plus chère à mettre en oeuvre, la plus polluante et la plus coûteuse en termes d'importation de ce carburant, nos raffineries datant des années 70 où le Diesel ne représentait que 5% des ventes !
Car, enfin, quand on parle de pollution due aux émissions de particules fines, quel est le seul moteur concerné ?
Evidemment, cela échappe aux inconditionnels du Diesel que sont les journalistes d'AutoPlus, promoteurs qui plus est de l'utilisation d'un fioul domestique qui contient, tout de même, 100 plus de soufre que dans le gazole (5 pages dans le numéro du 28 10 2013).
Quant à associer cette technologie à un moteur électrique pour en faire des hybrides, cela relève davantage du gag (enfin, je l'espère) que d'une quelconque démonstration technique.
C'est à cet entêtement insensé que l'on doit aux seuls japonais de proposer des hybrides à tarif raisonnable.
Enfin, le véhicule électrique....
Que dire de la ridicule Renault Zoe de 86 ch ?
Il suffirait de prendre une page blanche, d'établir le cahier des charges d'un véhicule électrique normal, ou de reprendre les études des années 90 (les besoins n'ont pas changé).
La voiture électrique est et restera une deuxième voiture, et réservée à la ville du fait de son autonomie, et devrait afficher des tarifs raisonnables répondant à cette définition sommaire, tarifs auxquels il faut ajouter la location d'une berline pour les vacances ou les longs trajets.
Et un tarif raisonnable n'est pas celui à deux Dacia Sandero, par exemple (2 fois 8 000 euros)).
Au lieu de cela :
AutoPlus, 21.10.2013
Abordable, mais...
Avec un prix de 14 560 euros, bonus écologique de 30%, déduit, la Renault Zoe est la première voiture électrique abordable. Mais il y a un truc : les batteries sont louées en sus, à partir de 79 euros/mois.
...
Il faut installer une Wallbox à 860 euros pour recharger la Zoe à la maison (le kit pour prise domestique n'arrivera qu'en 2014)!
- Une Microcar Lyra, rendant strictement les mêmes services sur son terrain de prédilection, la ville, développait 10 fois moins de puissance !
Ce que l'on nous propose aujourd'hui n'est rien moins qu'insensé en termes de puissance embarquée, de poids et de performances maxi.
Le summum est atteint avec la BMW i3, ses 170 ch !! et ses 1195 kg.
La première citadine ultralégère, selon Science & Vie de novembre 2013
- C'est d'ailleurs pour cela que les ruineuses batteries lithium sont bien en peine d'assurer l'autonomie d'une Rocaboy de 1980, roulant tout simplement "au plomb", par exemple.
Batteries lithium dont la fiabilité reste à prouver après les déboires connus sur les Boeing Dreamliner.
Science et Avenir, mars et juin 2013
D'autant qu'Airbus bénéficie des déboires du Dreamliner, qui fut cloué au sol pendant plus de trois mois à la suite d'incidents sur ses batteries lithium-ion...
Un problème qui a conduit l'avionneur français à renoncer à ce type de batteries pour revenir aux anciennes nickel-cadmium, deux fois plus lourdes pour une même quantité d'énergie. mais fiables.
- Cela sans parler des marges grotesques prises sur les dits véhicules (voir les récentes et très importantes baisses de tarifs sur ces véhicules), marges payées par tous, non automobilistes compris, via les aides dites écologiques qui tombent directement dans la poche des constructeurs.
En avril 2013, -25% sur les Citroën C-Zéro.
En septembre-octobre 2013, -17% sur l'Opel Ampera, -13% sur la Chevrolet Volt, -8% sur la Nissan Leaf.
C'est dire l'ampleur des marges réalisées.
- Donc, des constructeurs incapables commercialement, incompétents techniquement, soutenus par des analystes financiers (économistes ?) ignorants des bases mêmes de l'économie.
La relecture d'Henri Ford ou d'André Citroën leur apporterait sans doute quelques réponses pertinentes.
L'objectif n'est-il pas de reconquérir un pays émergeant, en parlant d'automobile, c'est-à-dire la France telle qu'elle est aujourd'hui, tels que sont aujourd'hui ses consommateurs ?
Pour vendre, il faut un produit, adapté à son environnement et à son utilisation, d'abord, et, surtout, adapté aux moyens financiers des acheteurs potentiels.
A moins qu'il s'agisse moins de vendre des voitures que de réaliser les marges les plus confortables possibles, même si elles sont les plus artificielles possibles, et soutenues le plus artificiellement possible.
Quelles que soient les aides versées aux constructeurs, elles ne serviront à personne, sinon aux actionnaires, s'ils ne réalisent pas une vraie étude du marché tel qu'il est aujourd'hui.
Il est grand temps de réveiller tout ce petit monde benoîtement endormi sur des lauriers qu'ils se sont tressés bien à tort !
Tout cela manque singulièrement de simple bon sens, non ?
Analyse réalisée par Philippe Boursin (pboursin.com), au Blanc Mesnil,
- technicien de l'automobile depuis près de 40 ans,
professeur de Maintenance Automobile depuis plus de 25 ans.
- Texte adressé à
- Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement Productif,
Ségolène Royal, Présidente de la Région Poitou-Charente,
Marie-George Buffet, Députée de Seine-Saint-Denis,
Jacques Attali, économiste, écrivain, conseiller d'état honoraire.
CCFA - Comité des Constructeurs Français d'Automobiles,
Eric Bureau, journaliste au Parisien.
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