Construction d'une automobile

Les chaîne de montage : en 1924 - le montage à la chaîne - Peugeot 104 - Citroën AX

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- Temps d'assemblage d'un véhicule (l'Argus, 2.5.2003)

temps moyen pour assembler un véhicule établi à partir des différents sites industriels de Renault

199519961997199819992000200120022003
25,7 h23,3 h21 h18,2 h15,7 h15 h14,6 h14,8 h13,7 h



Première voiture de Louis Renault (1898)

Le montage à la chaîne
(source l'Illustration, 4.10.1924)


Le montage à la chaîne, dont les journaux ont souvent parlé cette année, a pour but de supprimer, dans la fabrication de l'automobile en grandes séries, à la fois le plus possible de la main d'oeuvre et le plus possible des erreurs dont elle est fatalement cause. Ce procédé tend donc à produire des voitures qui soient à la fois de prix beaucoup plus petit et de valeur usuelle beaucoup plus grande.
Ce terme de montage à la chaîne a été appliqué à la succession des opérations que nous allons analyser, par analogie avec la manoeuvre qu'exécutent devant un incendie les sauveteurs qui "font la chaîne" en se passant les seaux d'eau. Car il n'y a pas ici de chaîne, mais un rail sur lequel les châssis, non encore munis de pneumatiques, roulent dès qu'ils sont montés sur leurs deux trains.
Chez Ford, qui débite, jusqu'à 7,000 voitures par jour, la chaîne est constituée par un tapis roulant qui chemine lentement devant les équipes d'ouvriers. Chez Renault, dont nos gravures représentent un montage à la chaîne appliqué à sa 6 chevaux, le procédé a été fort heureusement amendé, élevé à la hauteur de l'ouvrier français, très supérieur à l'ouvrier américain. Il n'y a là nulle copie, mais identité de principe de fabrication. Ce principe émane du simple bon sens, d'ailleurs.
En effet, il est de bon sens que, si l'on décompose le montage des organes sur un châssis en une suite d'opérations simples que puisse exécuter le premier homme venu, à moins qu'il n'ait une maladresse incurable, l'exécution de ces opérations pourra être réalisée par une main-d'oeuvre de prix relativement bas, puisqu'elle n'a bénéficié d'aucun apprentissage et n'est pas spécialiste. Un homme qui serre des écrous du matin au soir touche, comme il est juste, moitié du prix payé à un bon ajusteur qui a mis trois ans à apprendre son métier.
Cependant, il est évident qu'à serrer des écrous pendant des jours et des mois, cet homme acquiert une habileté et, par conséquent, une rapidité à serrer des écrous, que l'ajusteur ne possède pas. Par lui, ce détail de montage est donc à la fois très bien fait et très rapidement fait. Si l'on imagine qu'ainsi un homme sans métier peut se créer, par répétition d'une même besogne, une adresse particulière à donner tels coups de marteau qui forment une rivure ou font entrer une pièce dans son logement, ou à faire à la chignole tel trou dans un bois, ou à limer un filet, ou à monter un câble, ou à placer et rabattre des goupilles, etc., on comprend que toutes opérations élémentaires de ce genre puissent être exécutées ainsi au plus vite et au mieux, de par la maîtrise particulière qui naît de l'habitude.
D'autre part, pour que cette main-d'oeuvre adaptée, familiarisée, agissant le plus souvent par réflexes, ne s'arrête pas dans la cadence de sa production, il est indispensable que toutes les pièces qu'elle doit manier ou placer soient rigoureusement identiques entre elles : un boulon plus gros ou plus court que les autres arrêterait net le débit, comme une pierre tombée soudain entre deux engrenages les calerait brusquement... Par conséquent, le montage à la chaîne rend indispensable l'interchangeabilité rigoureuse des pièces : tel boulon de la voiture 2.421 est absolument identique à celui de la voiture 31.407 ; vous pourrez mettre à la place de l'autre sans que personne, même le chef d'atelier, puisse s'en apercevoir. On voit l'avantage considérable qu'y trouve le client, puisque si, un jour, il reste en détresse par suite de la perte de ce boulon qu'il n'a pas surveillé, il le retrouve, exactement le même, chez le stockiste régional du constructeur.
Le montage à la chaîne n'est donc concevable que pour de très grandes séries de véhicules identiques, et je ne saurais trop redire que la remarquable qualité de nos petites voitures françaises à grand tirage provient précisément de ce qu'elles sont faites identiques et en très grandes séries.
Revenons à notre chaîne. Pour que l'homme, un peu fruste, qui a acquis dans telle opération simple une rapidité et une sûreté d'exécution si précieuses, ne gaspille pas son temps à s'approvisionner des écrous, goupilles, rivets, câbles, etc., qu'il doit monter, et qu'il ne se rende pas successivement aux différents châssis qu'il a charge de traiter, ce sont les châssis qui viennent à lui, l'un après l'autre, en un point où il trouve à ses côtés toutes les pièces dont il a besoin et tout l'outillage qu'il lui faut, et rien d'autre. Il suffit donc que les hommes soient postés le long d'une voie ferrée sur laquelle arrivent les châssis, et postés dans l'ordre où se succèdent logiquement leurs opérations, pour que le montage se fasse vite et bien. Par exemple, il est bien clair que l'homme qui installera le moteur sur le châssis et serrera les quatre boulons qui l'y attachent doit être posté le long du rail en avant de l'homme qui posera le radiateur, et ce dernier en avant encore du compagnon qui montera les raccords d'eau à la fois sur le moteur et sur le radiateur.
Dans l'exemple que j'ai pris de la chaîne, appliquée à la 6 chevaux Renault, le montage total d'un châssis comporte 72 opérations, qui sont réparties en 14 phases principales, celles que représentent nos dessins. Car il est indispensable que toutes les phases soient exécutées dans le même temps rigoureux, en l'espèce 7 minutes et demie. Ce temps écoulé, chaque équipe pousse sur le rail le châssis qu'elle a traité, et le passe à sa voisine, en progression vers l'achèvement. Or, les opérations n'exigent nécessairement pas toutes le même temps : il est plus vite fait de frapper une rivure que de percer un trou, par exemple. Il a donc été nécessaire de grouper ensemble quelquefois jusqu'à cinq ou six opérations successives pour emplir exactement cet espace de temps.
Toute la chaîne obéit à un coup de timbre qui retentit à intervalles réguliers. Si un ouvrier est malade, il est immédiatement remplacé par un camarade de rang professionnellement plus élevé, qui connaît tous les détails du montage complet et peut prêter secours sur quelque point que ce soit. On pensera avec raison que la débrouillardise française sait intervenir au moment propice et que, si une équipe (fait extrêmement rare) n'a pas achevé complètement son travail à l'instant où le timbre sonne, sa voisine donnera les coups de pouce et de clé qu'il faut pour que le châssis tout de même arrive irréprochable au poteau !
La chaîne, en ce qui concerne le modèle en question, parvient à un débit quotidien de 70 châssis.


1. Le pont arrière arrive sur chariot au début de la chaîne.
Deux hommes lui présentent le châssis garni de ses pédales et de son train avant.
2. Tandis qu'un homme réunit par des brides le ressort arrière et la traverse arrière du châssis,
un second monte la direction, et un troisième pose les câbles électriques.
3. Le moteur complet (sauf la magnéto et l'avertisseur) est descendu sur le châssis et fixé par quatre boulons.
Un compagnon installe l'arbre d'embrayage.

4. Deux ouvriers mettent en place la planche-support des appareils électriques,
à laquelle par des brides est fixé le réservoir d'essence.
5. Le support de direction est fixé à cette planche par un compagnon,
tandis qu'un autre pose le chapeau de la traverse à laquelle aboutit le pont-boîte.
6. Le tuyau d'échappement, puis le silencieux sont fixés au châssis par des attaches et colliers appropriés.
Cette opération exige à elle seule 7 minutes et demie.

7. Le radiateur, composé de deux éléments de tubes verticaux avec collecteur central,
est installé sur les longerons du châssis et fixé au tablier.
8. Le capot et la calandre (couverture du radiateur garnie de fentes pour le passage de l'air) sont montés.
Le capot est maintenu ouvert par une tringle.

9. L'ouvrier ajuste avec soin l'avant-bois (planche sur laquelle vient reposer le capot une fois fermé),
et il le fixe solidement sur le châssis en l'y vissant.
10. Un ouvrier pose et règle les tiges des freins à main et au pied, tandis qu'un autre Installe les ferrures des marchepieds
11. Un ouvrier pose les raccords d'eau et leurs colliers de serrage,
pendant qu'un autre installe les attaches mobiles qui fixent le capot à l'avant-bois.

12. Sur les longerons de droite et de gauche, on fixe un coffre en tôle, qui fait corps avec le châssis et reçoit l'outillage et la batterie
13. Les pièces en métal sont immédiatement recouvertes d'un vernis noir qui les protège contre l'oxydation,
précaution importante pour leur conservation.
14. Le vérificateur procède à une inspection minutieuse de tous les organes.
Puis le châssis passe aux essais, soit sur rouleaux à poste fixe, soit sur la route. La chaîne est finie.


Le montage à la chaîne
(sources Alpha Auto et Citroën, 1974)

L'expression "chaîne de montage" évoque, inévitablement, les entraves (matérielles et psychologiques) qui lient l'ouvrier qui y est affecté. Il est plus correct de l'appeler "Ligne de montage" utilisant ainsi une expression plus ancienne, mais plus heureuse. Mais qu'est-ce exactement qu'une ligne, ou chaîne de montage, et quelles en ont été les origines ?


La chaîne : seconde étape de la révolution industrielle

La "ligne mobile de production" (c'est ainsi qu'on appelait la chaîne de montage a son apparition) a eu son origine dans la seconde moitié du XlXe siècle. Certains pionniers de la construction de moteurs et de machines agricoles subdivisèrent le travail de montage en un grand nombre de petites opérations à faire effectuer successivement par divers ouvriers à poste fixe, placés sur les côtés d'une voie sur laquelle la machine, poussée ou traînée mécaniquement, avançait à faible vitesse. Antérieurement, à Chicago et, 1850, la viande de porc était "travaillée", avec le système de la division du travail, dans une entreprise qui préparait des charcuteries "en série".
Toujours en Amérique, eu 1856, naquit Frederick Winslow Taylor, qui sera le plus grand théoricien du principe de la division du travail. Après avoir longuement examiné les processus des machines, aussi bien que le comportement de l'homme, Taylor conclut qu'en éliminant de l'action de l'homme tous les mouvements inutiles et désordonnés, on obtiendrait une productivité élevée. Cependant, la première application des principes du "taylorisme" dans l'industrie automobile a été due à Henry Ford, en 1913 : l'organisation précise du travail permit aux usines Ford de produire plus de 10 000 voitures en 1909.
L'idée de Ford fut révolutionnaire. Elle appliquait intégralement et radicalement les théories de Taylor pour la production et, masse, fondées non seulement sur la chaîne de montage, mais également sur l'augmentation des salaires proportionnellement au rendement du travail. L'organisation scientifique du travail marqua une étape dans l'histoire de celui-ci. Elle caractérisa le passage de la première révolution industrielle (née dans la seconde moitié du XVIIIe siècle) à la deuxième.
Le principe d'apporter le travail à l'homme au lieu d'amener l'homme au travail tel que Ford voulait l'appliquer à l'origine commença toutefois à poser des problèmes nouveaux et imprévus. Bien que Taylor eut, au début, conçu son système comme une juste satisfaction donnée aux revendications ouvrières. l'organisation scientifique du travail se révéla bientôt comme un instrument d'avilissement et d'épuisement rapide de l'individu. En effet, la spécialisation à outrance, la parcellisation poussée au maximum, le manque d'initiatives et le rythme élevé des cadences créèrent de nouveaux problèmes.


L'automatisme ne remplace pas l'homme

Avec l'introduction d'améliorations et d'innovations, visant surtout à réduire la fatigue physique, la chaîne de montage est encore aujourd'hui l'instrument fondamental de la construction des automobiles modernes, flans une entreprise de construction automobile, les chaînes de montage n'occupent en moyenne qu'environ 10 % de la main-d'oeuvre totale. Mais, tandis que dans d'autres départements, et avec les équipements adéquats, il a été possible de réduire la main-d'oeuvre employée ou de diminuer Sa fatigue par l'automation, dans la chaîne de montage, le nombre des ouvriers qui y sont affectés a crû progressivement dans une mesure proportionnelle à l'augmentation de la production. Par ailleurs, on n'a pratiquement pas bénéficié des progrès techniques.
Le travail la chaîne, en effet, même si on le considère comme le travail manuel classique répété mécaniquement et sans intervention du raisonnement, est un travail qui peut difficilement être imité par les machines.
A première vue, cette affirmation semble absurde. Si nous examinons l'opération simple, qui consiste à prendre un boulon dans une boîte et à le monter sur La culasse d'un moteur, et si nous la décomposons en ses phases successives, nous obtiendrons :
- Une phase dans laquelle l'ouvrier prend au hasard un des boulons et s'assure, à l'oeil, qu'il n'est pas trop court ni trop long, ou déformé : il effectue cet examen critique, bien que très rapide, sur la base de la mémoire visuelle d'autres milliers de boulons parfaits qu'il a utilisés précédemment ;
- Une phase d'examen du trou dans lequel il vissera le boulon (obturations éventuelles, obstacles ou défauts) ;
- Une phase manuelle de transport du boulon, de positionnement et de vissage, avec une troisième évaluation (cette dernière opération pouvant mettre en évidence des défauts cachés).
Donc, une opération aussi simple que celle décrite ci-dessus comporte des jugements et des choix et deviendrait terriblement compliquée si elle devait être exécutée par une machine. Déjà, pour établir quel est le côté du boulon qui doit être introduit dans le trou, il faudrait un mécanisme très élaboré. Mais, même en admettant que l'on veuille consentir les dépenses de temps et d'argent nécessaires pour réaliser un robot de ce type (on a déjà construit des machines capables d'engager et de visser des boulons au moyen de bras vibrants), celui ci ne serait certainement pas en mesure d'effectuer les évaluations et d'émettre les jugements que comporte cette opération pourtant très simple. Enfin, ce robot ne saurait faire ce travail que sur un type de moteur déterminé et il "n'apprendrait jamais à le répéter sur un moteur différent. L'homme jouit essentiellement d'une souplesse d'esprit et d'une faculté de jugement et d'adaptation tellement rapide, qu'aucune machine ne peut l'imiter.
La chaîne de montage, contrairement a ce que l'on croit, prévoit une série, d'opérations pour lesquelles l'apport de l'homme, surtout dans les évaluations, les choix et les jugements, est irremplaçable, Il est certain que les opérations de transport de pièces, de vissage et de mensuration comporteront l'utilisation de moyens mécaniques et électroniques de plus on plus nombreux, mais ceux-ci seront toujours commandés, réglés et analysés par l'homme.



Comment naît une chaîne ?

La chaîne de montage la plus connue est celle sur laquelle la carrosserie de la voiture se trouve peu à peu complétée et habillée jusqu'à l'assemblage des groupes mécaniques pour devenir véritablement une automobile. Cependant, dans l'industrie automobile, il existe un grand nombre d'autres lignes de productions qui assurent l'usinage ou le montage des divers sous-ensembles. En général. on prévoit une chaîne toutes es fois qu'il est possible d'ajouter à une pièce initiale d'autres pièces déjà usinées et prêtes pour le montage. Ainsi, il y aura une chaîne de montage pour la boite de vitesses, une pour le pont arrière, une pour le moteur et ainsi de suite.
Le montage en chaîne offre de nombreux avantages tels que
- la réduction des stocks, du fait que les pièces se trouvent prélevées une à une ;
- la réduction du parcours effectué par chacune des pièces avant d'être utilisée ;
- la simplification des contrôles, tant quantitatifs que qualitatifs, parce que les groupes passent par des postes déterminés ;
- la cadence de montage élevée due à la spécialisation poussée réalisée par le travail sur chaîne.
Pour ce dernier point, la cadence à laquelle peut être effectuée une opération représente le fait le plus caractéristique de la ligne de montage et cela en est aussi la raison d'être.
Depuis longtemps on a constaté que, quel que soit l'ouvrier et en quel que partie du monde qu'il se trouve, l'exécution d'une opération élémentaire de montage nécessite toujours le même temps. Naturellement, l'ouvrier devra avoir été soumis a une période d'instruction convenable.
N'importe quelle opération peut être décomposée en mouvements élémentaires, dont les temps sont maintenant donnés par des tables qu'on considère comme universellement valables. Sur la base de ces tables, il apparaît que l'entraînement d'une personne quelle qu'elle soit est tel que si cette personne met cent trente trois secondes à effectuer une opération pour la première fois, au fur et à mesure qu'elle répétera cette opération le temps passé diminuera jusqu'à atteindre la valeur de cent secondes, et ceci indépendamment de son degré d'intelligence. Bien entendu, l'ouvrier doit satisfaire à certaines conditions, c'est-à-dire ne pas avoir d'empêchements de nature physique pour ce travail ou pour Le travail en général. Mais, puisqu'il s'agit de manoeuvres élémentaires, on considère que tous les êtres humains sont et mesure d'arriver à une mécanisation des mouvements comparable une opération automatique, sans l'intervention directe de l'intelligence ou de la volonté.
Il est évident que le niveau d'intelligence et les qualités de l'homme peuvent rendre plus long ou plus court le temps nécessaire à l'adaptation. Ainsi, Ces dons mêmes auront une énorme importance dans les décisions que ouvrier saura prendre en face d'une situation imprévue pendant son travail.
Sur la base de ces tables, il est par conséquent possible de décomposer tout le montage d'un moteur ci un certain nombre d'opérations élémentaires dont on connaît Le temps d'exécution. On obtient ainsi le temps total que mettra le moteur à parcourir toute la chaîne du début à la fin. En pratique, on augmente ce temps d'un certain pourcentage, variable d'une entreprise l'autre (en moyenne de 15 à 20 %), pour que l'ouvrier n'ait pas à travailler continuellement, et pour ménager un certain intervalle entre une opération et une autre.
Supposons, par exemple, que le temps strictement nécessaire au montage complet d'un moteur soit de 84 mn (temps qui, augmenté de 20 % donne 100 mn, ou 1 h 40 mn), si l'on doit monter sur la chaîne mille moteurs par jour, cela nécessitera 100 000 mn, ou environ 1 660 heures ; avec une durée de travail de 8 heures, il faut disposer le long de la chaîne de deux cent huit ouvriers. A chacun de ces ouvriers on assignera une ou plusieurs opérations élémentaires, de façon que la somme des temps partiels soit la même. La chaîne est ainsi subdivisée en postes successifs devant lesquels le moteur passe toujours à la même vitesse. Il peut y avoir un ou plusieurs ouvriers travaillant chaque poste, compte tenu de ce que la chaîne peut être alimentée par des containers tant à droite qu'à gauche, mais on doit éviter que le travail d'un ouvrier ne perturbe celui de son collègue.
Connaissant le nombre des pistes, l'encombrement des moteurs et des caisses de pièces, on obtient la longueur de la chaîne. Dans le cas du montage d'une carrosserie, un poste a la longueur de la voiture (4 à 5 mn), plus 1 m devant et 1 m derrière pour les travaux sur l'avant et sur le coffre à bagages.
La productivité d'une chaîne de montage de grande série est, en général, d'une unité à la minute (500 ou 1 000 unités par jour, suivant qu'on travaille à une ou deux équipes) ; il ne manque cependant pas d'exemples de chaînes, comme chez Ford, à Lima (Etats-Unis), qui sont capables de produire deux mille moteurs par jour.
Si l'on veut augmenter le rythme de production, il faut allonger la chaîne en y affectant un plus
grand nombre d'ouvriers et fractionner les opérations assignées à chacun d'eux en opérations plus
brèves. Il s'agit, en fait, de faire répéter au même ouvrier le plus grand nombre de fois possible un mouvement le plus bref possible. Mais ceci est contraire à une utilisation rationnelle du travail et, en pratique, quand il faut augmenter la production, il est nécessaire d'installer une seconde chaîne de montage.
On calcule que la souplesse d'une chaîne. c'est-à-dire La possibilité d'augmenter ou de diminuer La production sur cette chaîne, est très réduite. En réalité, on ne peut augmenter la production, par rapport à celle pour laquelle elle est prévue initialement, que de 5 à 10 % sans créer des perturbations ou un sur-encombrement. Par contre on peut réduire cette même production de 20 à 25 % dans ce dernier cas, la diminution du nombre des ouvriers ne sera que de 15 à 20 % et une partie des équipements ne sera plus utilisée à plein. Pour cette raison, la vitesse d'avancement de la chaîne de montage est en réalité toujours constante et rigoureusement égale à celle prévue.
Quand des difficultés se présentent pour le montage d'une pièce ou d'une série de pièces, quand les approvisionnements viennent à manquer ou, encore, quand un ouvrier ne réussit pas effectuer dans le temps prévu l'opération qui lui est assignée, on arrête la chaîne et, éventuellement, la voiture (à laquelle manquent quelques pièces) est terminée séparément.



La parcellisation

Le travail à la chaîne de montage est comparable à celui d'un "instrumentiste" (non pas un artiste), qui joue mécaniquement d'un instrument et qui a mis des années à atteindre l'autonomie des mouvements.
La période d'instruction, qui exige de l'application et de l'intelligence, s'avère très fatigante, tandis que la période qui suit ne fatigue pas mentalement l'ouvrier puisque l'intervention de la volonté est plutôt limitée. Cependant, pour en revenir à l'exemple musical, alors qu'il s'agit d'un petit nombre de mouvements élémentaires, c'est comme si l'instrumentiste devait répéter des centaines de fois par jour quatre ou cinq notes, toujours dans le même ordre. Il apparaît donc évident que l'ouvrier n'a guère de possibilités de se perfectionner ou d'améliorer son travail, qu'il manque de pouvoir de décision et que, de ce fait, il subit une tension psychologique. Indubitablement, ce fractionnement de travail (qu'on appelle en termes techniques parcellisation). la répétition et la courte durée des opérations constituent pour l'homme un tout devant lequel sa bonne volonté, ses aptitudes et ses capacités professionnelles sont complètement désarmées et inertes. Il est certain que si l'ouvrier avait à sa disposition plus de "notes" à exécuter, dans un ordre et avec une durée choisie par lui, le travail à la cabine de montage pourrait devenir plus intéressant et plus stimulant. Dans le passé, on avait cru qu'il serait suffisant de changer périodiquement les tâches dévolues à un ouvrier afin d'éveiller son intérêt et d'alléger sa fatigue.. En réalité, tout changement de ce type se traduit, au contraire, par un effort initial pour atteindre la vitesse propre de la chaîne, après quoi des mouvements, qui sont désormais devenus automatiques, sont aussi contraignants que ceux des tâches effectuées précédemment. En conséquence, la rotation des postes n'est plus considérée comme une solution positive pour l'ouvrier et elle ne l'est pas davantage pour l'entreprise.


Le montage en unités

Les expériences les plus récentes ont démontré que la personnalité de l'ouvrier et ses capacités de réalisation ne sont vises en valeur que s'il est libéré du rythme collectif de travail. si les tâches qui s'offrent à lui sont plus nombreuses et si certaines opérations exigent l'intervention de son pouvoir de décision. Il est difficile d'imaginer un travail en série ou une chaîne de montage traditionnelle fonctionnant avec ces caractéristiques, mais déjà Volvo, en Suède, et Renault, en France, ont mené à bonne fin des essais en ce sens. Il s'agit de ce qu'on appelle le montage un unités.
Toutes les opérations de montage du moteur ou de la carrosserie sont faites, non plus en ligne, mais à des postes de travail fixes. Le cycle complet est réparti dans des unités de travail dans chacune desquelles est effectué un ensemble différent d'opérations. A chaque poste de travail, chaque ouvrier réalise l'ensemble des opérations qui doivent être exécutées dans cette suite. Chaque lot comprend à son tour un nombre - qui varie entre dix et vingt - de postes fixes tenus chacun par un ouvrier. Entre un îlot et un autre, il est prévu des temps morts pour permettre une plus grande élasticité dans le travail.
Les avantages peuvent se résumer de la façon suivante :
- Travail sur un ensemble mécanique fixe ;
- Travail sans être lié à une cadence ;
- Elargissement des opérations confiées aux divers travailleurs et, par suite, moindre parcellisation (jusqu'à vingt fois par rapport à la cadence de la chaîne traditionnelle) ;
- Réduction des bruits
- Amélioration de la visibilité.
A côté de ces avantages directs, on peut reconnaître d'autres bénéfices tant pour l'ouvrier que pour La production. En effet, comme il doit effectuer une série d'opérations assez complexes et s'enchaînant les unes aux autres (comme, par exemple, le montage d'une culasse), il sera en mesure d'émettre à la lin du travail un jugement critique sur la pièce et d'en effectuer, en en prenant la responsabilité, la réception complète. Autrement dit, en plus d'une stimulation pour l'ouvrier, cette méthode a pour résultat une amélioration de la qualité. En conséquence, l'ouvrier n'est plus obligé de réaliser une même opération à des intervalles fixés l'avance (asservissement à une cadence) et il peut consacrer davantage de temps et d'attention aux opérations ou aux pièces dont le montage présente quelques difficultés ; ceci se traduit aussi par une réduction des rebuts,
En pratique, ce système présente des inconvénients d'ordre technique en raison de l'encombrement des pièces en cours de travail et du coût élevé des investissements nécessaires. Il faudrait pourtant qu'il y ait, de la part des entreprises, un effort pour étendre ce système de travail, afin de faire disparaître la chaîne de montage traditionnelle.
Il est significatif que les unités de montage marquent, au bout de soixante ans, le déclin du taylorisme et le retour, sous une forme moderne, à une certaine forme de production artisanale.

Chaîne de montage des Peugeot 104
à Mulhouse
(1977)



Citroën AX



Assemblage carrosserie à Aulnay


Assemblage des moteurs
à Douvrain


Assemblage boîte de vitesses
à Metz-Borny


Assemblage des liaisons au sol
à Caen


L'atelier de montage à Aulnay




Pose planche de bord et pare-brise à Aulnay


Coiffage caisse-moteur à Aulnay