Le mécanicien
huile sur toile de Fernand Léger, 1920
Musée des Beaux Arts du Canada, Ottawa
le mécanicien
l'après-vente automobile en 2001

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Le mécanicien

Il me paraît nécessaire de faire découvrir ici ce métier tant il paraît méconnu de la part de trop de gens, semble-t-il.
Pour plus d'informations sur ce métiers, et les métiers connexes, consultez mes ressources documentaires
Je parle ici non d'injustice mais de faute grave, tant la valorisation du travail manuel n'a jamais été affaire que de mots et non de faits concrets dans notre société (voir Le secteur automobile à la recherche de main-d'oeuvre).
Et là je pense à tous ceux qui, par méconnaissance, affichent trop souvent cette condescendance tranquille de "ceux qui savent" sans jamais rien connaître de ce qu'ils méprisent par facilité.
Je parle de mon métier, celui que j'ai choisi et que je revendique encore, et qui m'a conduit, par choix, parce que j'ai toujours envie de mieux de faire connaître, mieux le transmettre, vers le métier (c'est en un) de professeur.
Je l'affirme haut et fort, tant ceux qui répètent à l'envi que l'on devient enseignant par facilité méritent juste d'être ignorés (et ce quelque soit leur inestimable "statut") tant ils sont ridiculement "à côté de la plaque".

Il est tout aussi dommage de remarquer que l'on confond trop souvent maintenance et production (voire la ridicule "cartérisation" des moteurs qui ne protège que les ouvreurs de parapluie qui prolifèrent, comme toute espèce nuisible, de nos jours)
Par exemple, alors que si la production peut se caractériser par son cadre très rigide, très défini (ceci dit sans intention d'en minimiser la difficulté d'apprentissage), la maintenance, parce qu'elle vient "après" sera toujours plus affaire d'hommes que de machines.
Il est tout à fait certain qu'il n'y aura jamais de robot capable de réparer une automobile, comme ils serait bien incapable de réparer une tuyauterie qui fuit sous un évier ou une tuile manquante sur un toit centenaire.
Un véhicule routier, système déjà très difficile à modéliser quand il est neuf (il n'est qu'à voir les difficultés de mise au point d'une Formule 1, par exemple, et ce malgré des moyens mis en oeuvre sans commune mesure avec ceux mis en oeuvre pour un simple véhicule particulier), devient encore moins nettement "maîtrisable" quand il aura accumulé les kilomètres, voire les mauvais traitement, soit, en un mot, quand il aura "vécu".
Alors, tant que des véhicules rouleront, ou voleront, il y aura des mécaniciens pour les entretenir.

Car, au fond, qu'est-ce qu'un mécanicien automobile ?
Est-ce ce personnage un peu bougon aux ongles noirs, plongé dans le cambouis, sentant l'essence ou le gazole, en bref un être frustre, hermétique à la culture parce que, horreur !, il travaille avec ses mains ?

Pourtant comment ne pas parler d'art en contemplant une Silver Ghost du mécanicien Henry Royce, un type 35 du mécanicien Ettore Bugatti (sur et sous le capot), lui qui déclara "qu'une oeuvre ne peut être techniquement parfaite que si elle est esthétiquement parfaite", une GTO ou autre Testarossa du mécanicien Enzo Ferrari, voire un prototype du mécanicien Franco Sbarro...
Et puis, la lecture de l'Auto Journal est moins valorisante que celle de la NRF, bien que l'une n'empêche pas l'autre...

Alors, qu'est-ce qu'un mécanicien automobile ?
Je vais essayer d'en donner ma définition (ce n'est que ma définition, je n'ai pas la certitude arrogante de "ceux qui savent") par le biais de ses qualités, qui sont aussi, heureusement, ses travers les plus marquants.

Un mécanicien, c'est, d'abord, quelqu'un de curieux, par goût et par obligation, étant donné l'évolution constante de la technique automobile et, par voie de conséquence, des techniques de la réparation automobile.
Il ne s'agit pas là d'acquérir un savoir encyclopédique mais de comprendre les bases de ce qui compose tout système mécanique ou électronique appliqué à l'automobile, en une phrase, "ne pas chercher ce que c'est, mais trouver à quoi cela ressemble que je connais déjà" (je sais, ce n'est pas très à la mode, aujourd'hui, en ces temps où la connaissance prime sur le bon sens, l'érudition sur l'intelligence).
Alors, s'il connaît la mécanique, la chimie, l'électricité, etc. (on appelle cela la pluridisciplinarité), il aura toujours à l'esprit qu'il répare les voitures mais qu'il ne les fabrique pas...

C'est aussi un entêté, forcément, car comment justifier cet acharnement à trouver la solution du problème "insoluble" que peut être une panne automobile.
La maintenance automobile, par son évolution technique exponentielle, est de moins en moins réparation, échange mécanique de pièces, et de plus en plus diagnostic, recherche, compréhension.
Quoique il ne faille pas, au grand jamais, mépriser l'indispensable savoir-faire qui constitue la "culture" de base du mécanicien, son "alphabet" vital.
Et puis, de cet acharnement à réussir naît la récompense que peut être le ronronnement régulier d'un moteur qui, quelque temps auparavant, était en pièces détachés sur l'établi ou en proie aux plus épouvantables quintes de toux, la satisfaction d'un contrôle technique sans tâche, la perfection d'une tenue de route retrouvée, etc.
On aborde là un sens du merveilleux que notre monde si impitoyablement matérialiste tente, vainement je l'espère, d'étouffer.

C'est pourtant un pragmatique aussi car, il faut ne pas l'oublier, il y a toujours présent le sous-estimé client, celui pour qui l'on travaille (de la notion de service...), même si l'on rentre là, horreur !, dans des considérations bassement commerciales.
En mécanique, bien souvent, seul le mécanicien pense encore au client, comme dans notre belle Education Nationale, où seul le professeur pense encore aux élèves... (à l'opposé de nos remarquables "gestionnaires-comptables", "purs et durs"...).

Enfin, c'est, il faut l'espérer, un altruiste (le dernier ?), capable du geste gratuit qui fera plaisir même si cela ne rapporte rien.
Je pense à ce coup de chiffon donné, à ce petit réglage effectué qui sera la touche finale d'un travail "bien fait" (le goût du travail bien fait, encore une notion que nos remarquables "gestionnaires-comptables" semblent avoir oublié et qui nous ramène aux bases de l'idée de service).

Alors, former un mécanicien, est-ce l'assommer de contenus abstraits qui flattent l'ego de l'enseignant qui à trop à prouver mais qui sont propres à dégoûter le plus patient des élèves.
Est-ce, au contraire, en faire une machine à démonter, prince du pistolet pneumatique et autres marteau et burin, à qui l'on montre l'outil et l'endroit où le mettre, parce que c'est plus facile à enseigner (mais enseigner, est-ce la recherche de la facilité ?) parce que montrer est plus confortable qu'expliquer, quitte à transformer le mécanicien en un "ferrailleur" rentable à très court terme mais désespérément sans avenir.
Il me semble que la vérité se situe quelque part entre les deux, entre la nécessaire connaissance des bases techniques qui lui permettront d'envisager l'avenir de sa profession avec sérénité et la connaissance des gestes techniques de base qui assureront la sécurité des tâches professionnelles à accomplir, sans négliger la culture, indispensable, qui en feront un citoyen responsable.

Il me semble aussi qu'apprendre la réparation automobile consiste à apprendre comment on doit réparer une automobile (dans les trop oubliées "règles de l'art") et non comment on la répare effectivement, ce qui, parfois, est plus qu'édifiant quant au bien fondé du modèle de société que l'on tente de nous imposer.
On revient ici à cette idée, ancienne, de "travail bien fait" qui permet au mécanicien, la voiture livrée, de n'avoir pas à rougir de son intervention (voire les notions de fiabilité, par exemple).

A ce propos, je vous renvoi vers ma page qui traite la notion de service.

Alors, voyez-vous toujours le mécanicien réparateur d'automobile comme une "serre-boulons" ou comme un technicien moderne qui mérite le respect de ses pairs ?


L'après-vente automobile en 2001

Contrairement à une opinion répandue, erronée, volontairement erronée, on peut être professeur de l'enseignement public et être averti du domaine professionnel pour lequel on enseigne.
Il suffit de s'informer, simplement, et pas auprès de ceux qui ont grand bénéfice à véhiculer des contrevérités (les grands constructeurs, pour ne pas les nommer), et de réfléchir au devenir futur de nos élèves, dans la seule optique de leur propre parcours professionnel.
La notion d'élèves au sein de notre institution, publique, je le rappelle, ne s'applique pas uniquement à une "élite" restreinte mais à tous ceux qui nous sont confiés, sans mépris pour celui qui sera le mécanicien de base, celui qui réparera votre voiture demain et encore très longtemps...

Voilà donc quelques chiffres, bruts, qui permettront d'étayer cette réflexion, si tant est qu'elle saura rester objective...

Une étude du CEASACM (portant sur un échantillon de 2000 sociétés) situe la part des OP1 à 24.23 %, des OP2 à 18.96 % et des OP3 à 23.88 %

Pour mémoire, OP1 (niveau II échelon 1, coef 170) correspond à un diplôme de type BEP, OP2 (niveau II échelon 3, coef 190) à la mention Mention Complémentaire, OP3 (niveau III échelon 1, coef 215) au Bac Professionnel
Dans l'Argus de l'Automobile du 11 octobre 2001, on peut relever 12 annonces concernant un mécanicien OP1, 14 un mécanicien OP2/OP3, 8 un mécanicien OP3, 3 spécialistes en électricité automobile, etc.
Ce qui tend à démontrer que les élèves titulaires d'un BEP gardent leur place dans le monde du travail.
Il est "remarquable" de noter que seulement 2 établissements (dont 1 sous statut scolaire) préparent au CAP Equipements électriques et électroniques de l'automobile (voir les métiers de l'automobile et les filiéres de formation en Ile-de-France).

Lors de son Congrès de mai 2001, le CNPA représente 67 000 entreprises de la distribution et des services de l'automobile, employant 437 000 salariés, dont :
53 873 entreprises de la maintenance des véhicules automobiles
27 000 (50%) mécaniciens réparateurs d'automobiles (MRA)
15 765 (29%) agents de marque en voitures automobiles
5 907 (11%) concessions en voitures particulières (4 509, possédant 1 398 établissements secondaires)
4 601 (9%) centres de contrôle technique
600 (1%) négociants en voitures d'occasion
290 (1%) succursales ou filiales commerciales en voitures particulières (205, animant 85 établissements secondaires)
(cf distribution : congrès du CNPA - les professions de l'automobile à un tournant)



Est-il donc si urgent de négliger les débouchés des élèves en privilégiant l'option "constructeur" qui représente 1 % des entreprises concernées (succursales et filiales) ?

Le parc automobile français représente 33 813 000 véhicules au 31.12.2000,
dont 28 060 000 voitures particulières (83 %) et 5 122 000 véhicules utilitaires légers (15 %).
dont 2 026 000 véhicules de moins 1 an (7.2 %),
7 528 000 de 1 à 4 ans (26.8 %),
12 290 000 de 5 à 10 ans (43.8 %),
4 916 000 de 10 à 15 ans (17.5 %)
et 1 302 000 de plus de 15 ans (4.6 %).
Les véhicules Diesel représentent aujourd'hui 34 % du total des véhicules roulants.



Le taux de renouvellement du parc (ratio immatriculations de voitures neuves / parc) est de 7.8 % pour l'année 2000, très loin des 10 % des années 1990.
Avec un parc de 28 millions de véhicules particuliers et des immatriculations annuelles de l'ordre de 2 millions de véhicules, le renouvellement total du parc prendrait 14 ans !
L'âge moyen du parc s'établit à 7.5 ans, en constante évolution (7.2 en 1999, 7.0 en 1998).
Ceci s'explique par le coût en constante augmentation des véhicules et de leur maintenance (A ce sujet, je vous recommande la lecture du dossier paru dans Auto Plus le 19.6.2001).
D'autre part, il est bon de rappeler que l'injection d'essence à été généralisée en... 1993 (soit il y a 8 ans déjà).

Pour terminer, l'immatriculation du segment H (voitures haut de gamme) représentait 116 876 véhicules, soit... 0.4 % du parc.
Est-il donc plus urgent d'équiper les ateliers auto de matériel de diagnostic pour les Peugeot 607 que de simples véhicules à injection pour les BEP, BEP qui en reste scandaleusement non équipés...
Mais il est vrai que la vitrine "High Tech" est bien valorisante...

Quant au "contenu technique" de nos véhicules, tant qu'il restera 93 % de véhicules de plus de 4 ans, il sera toujours opportun de réparer des freins, de changer des joints de culasse, des courroies de distribution, etc.
Mais il est non moins évident que le "contenu technique" additionnel (additionnel, le mot est importun) est en constante progression.
Nombre d'accessoires montés en option sont désormais proposés en équipement standard sur nos véhicules (ce qui en explique à la fois le prix de vente et le coût d'entretien).
Je vous conseille de vous reporter à l'étude du tout-option vers le tout-compris parue dans l'Argus, et au dossier nouvelle voitures, pourquoi elles vont vous ruiner paru dans Auto Plus, forts instructifs...

Il nous faut des véhicules récents (moins de 7 ans), essence et Diesel, du matériel de diagnostic (matériel toutes marques, comme en disposent les mécaniciens réparateurs automobiles).
Il nous faut un peu de considération aussi, juste un peu.
Je peux vous assurer que les élèves de BEP ne "massacreront" pas le matériel confié (comment peut-on encore penser cela ? Il y a là tellement de mépris pour les professeurs de BEP... dont je suis, définitivement).
Savez-vous que ce qui sépare un élève de BEP de celui de Bac pro ne tient que dans deux mois de vacances d'été ?

Il faut aussi s'intéresser un peu à la pédagogie développée en atelier, à l'application des référentiels, à l'utilisation des documents fournis...
Sommes-nous là pour réparer des voitures (trop souvent dans les mêmes conditions que le pire des ateliers de mécanique auto) ou pour former des élèves ?
La mécanique automobile a évolué, depuis plus de vingt ans, et il serait urgent de s'en apercevoir...
Pourquoi rénover un référentiel qui est déjà si peu appliqué, même dans le cadre de l'examen dont le contenu technologique frise le ridicule (4.5 points sur 560 pour le génie électrique/génie automatique) ?

Enfin, je suis et reste un professeur du public, et j'ai eu charge d'apprenti chez Peugeot, il y a certes quelques années.
Les apprentis recrutés l'étaient sur sélection, comme continuent de le faire la plupart des grands constructeurs actuels.
Cela signifie que les élèves que nous accueillons, les élèves que nous formons, sans souci de rentabilité immédiate, sans sélection de quelque sorte que ce soit, n'aurons plus leur place dans un système entièrement tourné vers l'apprentissage.
Il y va là de la notion même du service public, de l'école libre et ouverte à tous qui est le fondement même de notre société civile.
C'est une notion sur laquelle je ne veux en aucun cas transiger.

L'apport des techniques nouvelles est maîtrisé dans nos écoles, malgré les freins mis en place (absence de matériel, de moyens), parce qu'un professeur est, d'abord, au service de ses élèves, parce qu'un professeur est, d'abord, motivé par la réussite professionnelle de ses élèves, sans exclusive.
Si il est évident qu'il faut créer des sections "de pointe", il ne faut en aucun cas négliger la formation de ceux qui seront les mécaniciens de base, de ceux qui changeront vos plaquettes de frein, de ceux qui remplaceront vos embrayages, de ceux qui vous permettront de rouler sans avoir à recourir à l'achat systématique de véhicules neufs, inaccessible au plus grand nombre.
Il n'y a pas d'exemple connu d'une pyramide reposant en équilibre sur sa seule pointe...
en effet, comment "faire" de bons Bac Pro sans faire porter l'effort d'abord, en priorité sur les BEP et, par extension, quid de la validité d'une licence délivrée à quelqu'un qui n'aurait aucune "culture" automobile, sans oublier que tous nos élèves ne peuvent entrer en Bac Pro (et il n'y a aucun déshonneur à n'être "que" mécanicien...), sans oublier ceux qui pourraient s'insérer dans la vie professionnelle avec un CAP, diplôme inexistant aujourd'hui dans notre système de formation, mais dont le débouché est encore assuré (sans parler des formations purement et simplement abandonnées comme celle d'électricien auto...).
Il suffirait pourtant d'un peu de bon sens, seulement d'un peu de bon sens...