La suspension Mc Pherson

(source RTA)


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26 Septembre 1949 : Un ingénieur de la Ford Motor Company dépose un brevet, sous le numéro 658 387, pour une suspension d'un type nouveau.

Sans le savoir, Earle S. Mc Pherson vient de donner naissance à l'une des (r) évolutions techniques essentielles de l'histoire de l'automobile.

Par quel caprice, l'Histoire associe-t-elle le nom de tel inventeur à sa "trouvaille" quand dans le même temps elle occulte celui de tel autre au profit de sa seule invention, il y a là un beau sujet de thèse...

En tout cas, aux côtés des Diesel, De Dion, Jeantaud, Panhard et autres Giacosa, Mc Pherson n'a pas volé sa place au panthéon de l'Automobile.

Pourtant, l'idée que l'ingénieur de chez Ford fit breveter en 1949 s'inscrit somme toute dans la logique de rationalisation de la fabrication et de simplification des organes qui caractérise l'évolution automobile de la deuxième moitié du vingtième siècle.

Ce qui n'empêche pas ladite idée d'être géniale...

Les schémas originaux du brevet déposé par Ford et Mc Pherson en 1949.
Le principe reste inchangé


Mariage de raison

Dans le domaine de la suspension, deux découvertes ont été décisives : le ressort hélicoïdal et l'amortisseur télescopique.
En reléguant au musée respectivement les bonnes vieilles la, mes flexibles (inventées il y a un demi millénaire) et les systèmes d'amortissement par friction ou hydraulique à came et levier, ces deux "nouveautés" faisaient la preuve que simplicité rime souvent avec efficacité.

L'idée de marier le ressort hélicoïdal et l'amortisseur télescopique vint, semble-t-il, à Earle S. Mc Pherson en 1947, alors qu'il travaillait chez... General Motors.

Mais c'est Ford, l'autre géant américain, le chantre de la productivité, qui la mit le premier en pratique, après avoir débauché l'ingénieur génial chez son concurrent dès 1949.
Réalisé dans un but de simplification technique de la suspension mais aussi de recherche de points d'ancrage, donc d'efforts, mieux répartis sur la structure, ce mariage "de raison" était audacieux.
Car du stade de simples éléments de comportement, le ressort et l'amortisseur passaient à celui de pièces de structure.
En effet, en plus de leur fonction initiale de suspension, elles assurent, dans l'architecture Mc Pherson, la liaison entre la roue et le châssis.

Si l'histoire n'a pas retenu le "pourquoi" de l'affaire, le "comment", lui est immortalisé sous le numéro de brevet 658 387 du 26 septembre 1949.
Celui-ci donne une définition sans équivoque de la "vraie" suspension Mc Pherson, dont on s'aperçoit au vu des schémas initiaux que le principe demeure, 35 ans après, inchangé.

La Ford Consul fut la premièrte au monde dotée d'une suspension Mc Pherson (à l'avant)

Adieu triangles...

L'innovation la plus marquante du système est la fameuse "jambe de force" ou "jambe élastique".
Le ressort hélicoïdal et l'amortisseur télescopique ne se contentent plus de travailler côte-à-côte ou même l'un dans l'autre, tempérant les mouvements désordonnés du "parallélogramme déformable" que concrétisent les triangles superposés.
Les deux organes sont désormais solidaires, chacun prenant appui sur l'autre.
Ouant aux points d'ancrage, finis les intermédiaires !
A la partie supérieure, la tige coulissante de l'amortisseur et le haut du ressort viennent se fixer directement au châssis, tandis qu'en bas le corps de l'amortisseur s'accroche de façon rigide à la fusée, quand il n'en est pas partie intégrante.
Le triangle supérieur a vécu... ainsi que les pivots de fusée puisque le tube d'amortisseur les remplace en tournant autour du piston et de la tige.

On devine aisément les efforts engendrés par cette implantation, en particulier pour l'amortisseur, du fait des contraintes inédites de flexion, de torsion, de frottement et d'échauffement qu'il subit.
Le vocable de "jambe de force" n'est pas usurpé...
D'autant que le triangle inférieur disparaît lui aussi pour céder la place à un simple bras transversal, combiné à la barre anti-dévers pour conserver la triangulation.
C'est cette deuxième innovation technique, très controversée en raison de son "approximation" dans la géométrie et le mouvement de la suspension qui permet aujourd'hui de faire la différence entre "vrais" et "faux" - d'aucuns préfèrent dire "pseudo" - Mc Pherson.
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La première suspension AV type Mc Pherson apparue en France fut celle de la Simca Vedette
(voir image plus bas)


Pour une poignée de dollars...

La cause est entendue : la grande révolution du Mc Pherson, c'est la jambe de force.
Un facteur d'amplification du succès de ce concept (que n'avait sûrement pas prévu l'ingénieur de Détroit) fut l'apparition de l'implantation transversale des moteurs sur les tractions avant, et plus encore, depuis quelques années, la disposition avec boîte en bout (dite "Giacosa" du nom de son inventeur italien, ingénieur chez Fiat).

La suppression des triangles supérieurs dégage en effet un espace considérable dans le compartiment moteur.

Quant à la triangulation inférieure par tirant transversal et barre anti-dévers, ne nous leurrons pas : l'adoption d'autres solutions géométriquement plus "satisfaisantes", par ceriains constructeurs (véritable triangle conservé; adjonction de tirants de chasse, etc...) ne relève pas que d'une simple querelle de techniciens.

En effet, qui dit brevet dit royalties, et c'est bien souvent pour ne pas payer ceux-ci que l'on a cherché à "contourner" celui.là.
ll est vrai qu'au prix où est le dollar...

Mais il n'est pas de notre ressort (si l'on peut dire !) d'entrer, dans une polémique d'autant plus stérile qu'aujourd'hui le brevet Mc Pherson est entré dans le domaine public.
De plus, cet article s'intéresse essentiellement à la jambe de force, et plus particulièrement à sa fonction amortisseur.


Aprés la révolution, l'évolution

Nous l'avons dit, l'avènement du Mc Pherson a consacré le tandem ressort hélicoïdal - amortisseur télescopique comme "pièce de structure".
Une jambe de force doit assurer de multiples fonctions :
- Guidage de la suspension par coulissement axial ;
- Mouvement angulaire de la roue dans le cas où celle-ci est directrice ;
- Résistance aux couples de freinage, de ripage, et d'accélération dans le cas d'une roue motrice ;
- Fournir l'effet ressort (emmagasinage d'énergie cinétique) ;
-Assurer l'amortissement (dissipation de l'énergie cinétique en chaleur) ;
- Incorporer les butées de suspension en compression et en détente.

Le tout bien sûr, en tenant compte des contraintes de fiabilité, de poids, d'encombrement et... de coùt, imposées par les constructeurs.

Depuis 1949, la jambe de force a donc bénéficié de nombreuses évolutions.

D'abord dans le domaine de l'amortissement qui a beaucoup progressé ces dernières décennies.
Toutes les innovations (double effet, monotube à gaz...) ont été systématiquement appliquées avec plus ou moins de bonheur, aux jambes de force.

Mais c'est surtout la compensation des contraintes "annexes", dues au mouvement complexe de l'ensemble, qui a fait "gamberger" les techniciens, tant chez les constructeurs que chez les équipementiers.
Contrairement aux amortisseurs classiques, la tige, ici, ne travaille pas seulement en translation longitudinale.
Elle subit, lorsque les roues sont directrices (95 % des cas Mc Pherson), un mouvement de rotation par rapport au corps de la jambe ; elle est soumise à des moments de flexion lors des débattements de la roue ; la corrosion, également, la guette.
Ce qui induit, outre la détérioration de la tige elle-même, des problèmes d'étanchéité et de friction (bruit, échauffement...) Filetage roulé au lieu d'usiné, chromage de la tige, joints à plusieurs lèvres, guides de tige recouverts de téflon sont quelques unes des solutions adoptées.
La plus spectaculaire est le "désaxement" du ressort par rapport à la jambe dans le but de compenser les mouvements de flexion, donc de soulager la tige et les guides.

Cette inclinaison est d'autant plus importante que la longueur de guidage est courte (paliers peu espacés).
C'est de plus en plus le cas aujourd'hui, la place pour loger les Mc Pherson à l'avant se réduisant - capot "plongeant" oblige...

On remarque d'ailleurs, l'asymétrie de plus en plus exagérée des coupelles d'appui.
De ce fait, la butée à billes (ou à rouleaux) sur laquelle s'appuie et pivote le ressort (cas des roues directrices) se trouve désormais impérativement au fond du "puits" d'ancrage.

La rechange

Conçue, nous l'avons dit, comme une pièce de structure, la jambe de force était quasi-inamovible.
La fusée ou le porte-moyeu était soudé au bas du corps, et lorsque l'amortissement était devenu trop mauvais, on changeait le piston, voire la tige, les clapets et on procédait à une véritable "vidange", puis au remplissage de la jambe avec de l'huile neuve.
Le temps n'est pas si loin, où Peugeot fournissait à ses réparateurs le sachet de "tripaille" et le bidon d'huile nécessaire à la rénovation de "ses" Mc Pherson (404 et 504).

Cette époque est heureusement révolue, même chez Peugeot.

note: ces pièces existent toujours, en 2000, pour la 104 et la 505 chez Peugeot

D'abord les fusées ne sont plus soudées, mais vissées sur la jambe, par l'intermédiaire de systèmes divers [bride, chape...).

Ensuite, et surtout, l'élément amortisseur se présente aujourd'hui sous deux formes :
- Il est interchangeable, sous forme de cartouche que l'on enfile dans le corps de la jambe de force. la rechange est grandement facilitée, mais le rendement est moindre (volume "efficace" inférieur), et l'évacuation thermique moins facile
- Il est serti dans la jambe, ce qui oblige à changer le tout, d'où un coût plus élevé en rechange.

ll semble qu'il n'y ait même pas d'affrontement entre les deux techniques qui, de l'avis des spécialistes, devraient s'équilibrer en volume.

Reste l'éternelle question : l'amortisseur est-il un équipement "consommable" ?
"Oui" répondent en choeur les fabricants, "mercantilisme" réplique-t-on chez Peugeot : "un bon amortisseur devra, à terme, durer la vie de la voiture".
D'où le choix, par le constructeur de Sochaux, de Mc Pherson "serties", sur ses derniers modèles [305, 205...).
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H.I. (RTA)