- Après les systèmes d'injection d'essence, Bosch (sur Mercedes-Benz) et Kugelfischer (sur Peugeot et Lancia), systèmes que nous avons eu l'occasion de décrire dans nos études techniques, Triumph a adopté une solution semblable pour l'alimentation de sa TR 5 et plus récemment, pour sa berline 2500. Il s'agit d'un équipement Lucas, procurant les avantages de l'injection d'essence sans entraîner une trop grande complexité et un prix trop élevé.
En 1953, Lucas entama un programme de recherches et de développement sur un moteur 6 cylindres, de 3 litres, destiné à être monté exclusivement sur une voiture de sport de compétition. En étudiant les limites possibles du système, les ingénieurs réussirent à acquérir un fonds de connaissances nouvelles. Appliquées aux moteurs à hautes performances, employés dans les grandes épreuves internationales, ces connaissances permirent d'obtenir des résultats très encourageants, et en 1957, une Jaguar équipée de l'injection d'Essence Lucas remporta les 24 Heures du Mans. En 1965, presque tous les candidats sérieux aux titres et trophées de courses d'Europe se servaient du système Lucas.
Au cours de l'année 1966, toutes les premières places de tous les Grands Prix ont été remportées par des voitures de course équipées de l'injection Lucas, et dans toutes les courses excepté une, l'injection d'essence Lucas a pris les 2e et 3e places. Pour l'année 1967, et à la date d'aujourd'hui, tous les Grands Prix, à une exception près, ont été remportés par des bolides équipés de l'injection d'essence Lucas, qui a monopolisé toutes les 2e et 3e places.
Pour pouvoir étendre les applications du système à une gamme plus vaste de moteurs, jusqu'à 150 ch environ, Lucas mit au point une nouvelle version, la Mark 2, pour moteurs de 4, 6, 8 et 12 cylindres. C'est ce système qui est installé sur la Triumph TR 5. Les longues années de recherche ont produit un système d'injection extrêmement précis, et ce système, tout en conservant les caractéristiques essentielles qui ont fait leurs preuves sur les circuits de course du monde, est de conception et de construction simples.
Lucas est persuadé que ce système de dosage par navettes, sous pression élevée, avec injection intermittente, constitue le système hydraulique optimum. La conception relativement simple du système Mark 2 facilite l'entretien, le cas échéant.
Pour des questions de dosage et d'entretien, Lucas a écarté la solution à contrôle électronique de l'injection. Le dispositif mécanique conçu par Lucas permit d'utiliser des pressions d'environ 9 kg/cm2 qui ne peuvent être obtenues avec un système électronique.
Est-il besoin de rappeler les principaux avantages de l'injection d'essence par rapport à l'alimentation par carburateur ?
Si perfectionné soit-il, le carburateur se borne à fournir au moteur les gaz carburés que celui-ci veut bien aspirer, c'est-à-dire que dans la pratique, le dosage, le remplissage et la répartition entre les cylindres sont soumis à différents facteurs fort complexes. Les résultats, d'ailleurs satisfaisants pour un grand nombre de voitures à rendement moyen, ne sont obtenus qu'en acceptant des compromis.
Avec l'injection, le dosage rigoureux permet de donner à chaque cylindre la quantité exacte de carburant correspondant à l'air qu'il aspire. De cette précision, il résulte une réduction de la consommation, une amélioration du fonctionnement à bas régime, de meilleures accélérations et une réduction de la pollution atmosphérique par suppression des gaz non brûlés.
Les systèmes d'injection d'essence utilisés jusqu'alors en France ou en Allemagne, comportaient une pompe à pistons, dans laquelle chaque piston refoule le carburant nécessaire au cylindre qui lui correspond. Cela oblige à utiliser des pièces d'usinage de précisions assez coûteuses, dont le nombre croît avec celui des cylindres.
Le système Lucas MK 2 fonctionne selon un principe différent, puisqu'une pompe électrique maintient en pression du carburant et c'est un distributeur doseur qui détermine la quantité de carburant nécessaire aux besoins du moteur et l'envoie successivement à chacun des injecteurs.
 Vue en crevé et schéma du système d'injection Lucas MK 2 équipant les Triumph TR 5 1. Réservoir - 2. Filtre - 3. Pompe électrique - 4 et 5. Distributeur-doseur - 6. Entraînement du distributeur 7. Système à dépression agissant sur le distributeur-doseur - 8. Tuyauteries alimentant deux injecteurs - 9. Injecteur
Une pompe à essence (3) (voir schéma) entraînée par un moteur électrique aspire le carburant du réservoir (1) à travers un filtre (3) muni d'une cartouche en papier et envoie l'essence sous pression au distributeur-doseur (4 et 5). Le clapet taré permet la purge automatique de l'air et maintient une pression constante de 7,50 kg/cm2, le retour du carburant en excès s'effectuant du côté "entrée" du filtre.
Le distributeur-doseur est entraîné mécaniquement à la moitié de régime du moteur et envoie à chaque injecteur (9), à tour de rôle, des volumes de carburant soigneusement dosés et rigoureusement au moment nécessaire. Le distributeur-doseur à navette fonctionne selon un processus tout à fait original, qui sera décrit plus loin. Le dosage du carburant est déterminé par la course utile de la navette cette course étant réglée par l'unité de dosage associée à l'unité de distribution avec laquelle elle forme un seul ensemble. La principale fonction de l'unité de dosage est d'approprier le débit du carburant au volume d'air aspiré par le moteur et ce résultat est obtenu par l'utilisation d'un mécanisme asservi à la dépression régnant dans le système d'aspiration, dépression essentiellement variable selon la charge et le régime du moteur ;
de plus, un système est prévu permettant la suralimentation pour démarrage à froid. Les injecteurs sont situés près des soupapes d'admission, dans les tubulures d'admission, et sont du type à ouverture directe. Une pression de 3,5 kg par cm2 est nécessaire pour soulever la soupape de l'injecteur, et le carburant est atomisé sous forme d'un cône de 60° dans l'air aspiré par le moteur.
- Principe du doseur à navette
 Coupe schématique du distributeur-doseur à navette pour l'alimentation d'un moteur à deux cylindres. A gauche alimentation du cylindre n° 1 A droite alimentation du cylindre n° 2 après rotation de 180° du rotor
Un rotor, entraîné par le moteur et muni de deux lumières radiales communiquant par un perçage axial, tourne dans un fourreau percé, lui aussi radialement, de lumières d'admission et de refoulement. L'alésage central du rotor est muni d'une petite navette susceptible de se déplacer longitudinalement entre deux butées, l'une fixe, et l'autre réglable. Lorsque le rotor tourne dans le fourreau, la lumière du rotor du côté de la butée mobile vient en regard avec la lumière d'admission du fourreau. Le carburant provenant de la pompe peut donc entrer sous pression et repousse la navette vers la butée fixe, déplaçant ainsi du carburant qui est refoulé par l'autre lumière du rotor et, par la lumière correspondante du fourreau à cette extrémité là, vers un injecteur.
 Sequence of shuttle movment. Second rotor (not shown) phased 120 engine degrees.
Lorsque le rotor aura tourné de 180° il se trouvera dans la position figurant sur la coupe du bas le carburant maintenant, pénètre à l'extrémité du rotor comportant la butée fixe, pousse la navette vers la butée mobile et déplace ainsi une quantité identique de carburant vers le deuxième cylindre du moteur. De cette manière, la navette navigue dans un sens et dans l'autre entre les deux butées, lors ... de la navette correspond une dose d'essence déplacée et injectée dans le canal d'admission approprié du moteur.
 Metering distributor - Shuttle and Stops
La quantité de carburant ainsi injectée est le produit de la section de l'alésage de la navette par la course de cette dernière, cette course étant déterminée par la position relative de la butée de contrôle.
 Metering distributor - Diagram
Ce principe est parfaitement applicable à un moteur à 4 ou 6 cylindres, ces cylindres étant tous alimentés lors d'une révolution complète du rotor, si des lumières adéquates sont prévues dans le rotor et le fourreau.
 High-speed six-cylinder metering unit for high performances engines
Pompe d'alimentation
La pompe d'alimentation est constituée par une simple pompe à engrenages entraînée par un moteur fonctionnant sur le courant de la batterie et dont les inducteurs sont à aimants permanents. Un entraînement à moteur électrique a été choisi pour rendre l'ensemble compact et surtout à cause de l'aptitude de cette pompe à fournir un débit correct dans les conditions rencontrées lors d'un départ à froid et d'une rotation lente du vilebrequin du moteur. Un enrichissement approximatif de 300 % est nécessaire et prévu afin de permettre un démarrage raisonnablement rapide à moins 18°C. La nécessité d'une pompe d'alimentation basse pression supplémentaire est évitée étant donné que cette pompe électrique pressurise toute l'installation jusqu'au distributeur-doseur luttant ainsi très efficacement contre toutes possibilités de "vapor lock".
La pompe débite plus de 50 litres/heure à 7,50 kg/cm2 ce qui est suffisant pour des moteurs d'une puissance inférieure à 150 CV. On utilise deux pompes pour des moteurs plus puissants.
- Filtre
Ce filtre contient une cartouche filtrante en papier tout à fait semblable d'aspect à celle que l'on rencontre communément dans des équipements d'injection Diesel. Il faut cependant noter que cette cartouche n'est pas interchangeable avec celles utilisées sur des Diesel et que l'élément de remplacement, référence Lucas n° 54 733 180, doit seul être utilisé (changement du filtre tous les 20 000 km).
Le filtre est toujours installé du côté aspiration entre le réservoir et la pompe d'alimentation.
Il faut noter que ce filtre constituant un petit réservoir grâce à sa cuve, il sert de dispositif anti-désamorçage en particulier lors des virages serrés.
 Jaguar 6 cylindres
- Clapet de décharge
- Ce clapet peut être utilisé en deux endroits distincts soit vissé sur le distributeur en sortie, auquel cas il est monté en série, soit sur la ligne pompe distributeur (le retour du distributeur étant obturé), auquel cas le clapet se trouvera monté en dérivation cela dépend des installations. Ce clapet a deux fonctions :
- - Permettre le dégagement de l'air et des vapeurs d'essence contenues dans le système au moment de la mise en route.
- Maintenir une pression de 7,50 kg/cm2 dans l'installation et assurer le retour de l'excédent à l'entrée du filtre.
- Distributeur
 Distributeur-doseur - Vue partielle du distributeur-doseur retourné de 110°
Un ensemble rotor et fourreau, en acier tous deux, est inséré dans un carter en aluminium et y est maintenu centré par un joint torique à chaque extrémité. L'espace annulaire entre l'extérieur de la chemise et l'intérieur du carter, espace obturé aux deux extrémités par les joints toriques, est rempli d'essence maintenue sous 7,50 kg/cm2 de pression par la pompe d'alimentation.
Les lumières d'admission du fourreau communiquent avec l'alésage central du rotor contenant la navette, et sont constamment baignées par l'essence sous pression. Dans l'alésage axial du rotor une navette se déplace entre deux butées mesurant et plus tard repoussant le carburant aux lumières de refoulement lors de la rotation du rotor dans le fourreau (voir le principe du dosage par navette).
Les sorties, qu'elles soient réalisées par banjos et vis d'assemblage ou en raccords union droits, comportent des clapets anti-retour incorporés et se vissent dans le carter en aluminium leur extension vers l'intérieur se prolonge jusqu'à des joints toriques spéciaux insérés dans les lumières de refoulement de la chemise et constituant de ce fait un isolement positif entre l'essence sous pression qui entoure le fourreau et leur propre passage axial qui conduit aux injecteurs. Ces vis de banjos ou raccords union droits constituent aussi, en fait, la seule fixation de la chemise, la positionnant ainsi et radialement et axialement.
Le carburant qui arrive à s'échapper (fuites volontaires) aux extrémités du rotor et par les butées est récupéré dans un compartiment prévu côté entraînement et retourné au réservoir. De plus, des passages de fin diamètre sont prévus pour amener l'essence sous pression dans une saignée circulaire de la butée mobile et par là, au moyen d'un perçage axial de cette butée jusqu'au point de tourillonnement de la butée sur sa face d'appui, qui est fixe aux fins de lubrification. Cette fuite de carburant, côté contrôle du dosage, est évacuée par un perçage longitudinal spécial du rotor jusqu'au TOC d'entraînement afin d'en assurer la lubrification. L'entraînement, type tournevis, à mi-régime moteur engage directement dans une rainure usinée dans l'extrémité du rotor.
- Fonctionnement du doseur
 Coupe du distributeur-doseur
L'unité de dosage est boulonnée côté butée mobile du distributeur et procure un réglage automatique de la position de cette butée, déterminant ainsi la course utile de la navette et donc la quantité du carburant injecté.
La butée mobile du distributeur est continuellement repoussée par la pression du carburant contre un poussoir faisant partie de l'unité de contrôle de dosage ce poussoir sert de chemin de roulement aux deux galets extérieurs fixés à la tringlerie de commande. Un galet central de dimension inférieure aux deux précédents roule sur le profil de la came contrôlant la quantité de carburant à injecter. La poussée d'origine hydraulique exercée par la butée mobile est presque contre-balancée par un ressort d'équilibrage périphérique au poussoir, ceci afin d'éviter une surcharge du mécanisme de contrôle et permettant néanmoins de maintenir une légère pression constante entre le poussoir, les galets et le profil de la came de dosage.
La tringlerie de contrôle est reliée au centre de la membrane à dépression au moyen d'une articulation sphérique permettant une orientation en tous sens afin que les deux galets de la tringlerie soient bien en contact permanent avec l'extrémité du poussoir. Deux extensions de cette tringlerie de contrôle portent des patins en nylon et pincent légèrement les deux flancs de la came à carburant pour assurer le guidage du galet intermédiaire.
L'autre côté de la membrane est branché à la tubulure d'admission du moteur, entre soupapes et papillons, afin que pour toute modification de la dépression corresponde un mouvement de la membrane, mouvement contrarié par l'action de deux ressorts antagonistes. Les caractéristiques de ces ressorts sont définies lors des essais du moteur au banc afin d'établir les spécifications requises de dosage.
 Commande du poussoir de distributeur-doseur
Très brièvement, ce mécanisme de contrôle fonctionne comme suit :
A charge maximum les papillons seront ouverts à fond et la dépression dans la tubulure d'admission sera relativement basse : la membrane aura tendance à se situer à sa position de repos, aidée en cela par l'action des ressorts. Lorsque la charge du moteur est réduite et que les papillons sont fermés, la dépression s'accroît et la membrane est attirée malgré l'action contraire des ressorts. La tringlerie de contrôle et ses galets sont tirés le long de la came de dosage et le poussoir se trouve ainsi repoussé réduisant donc la course de la navette et par là, le débit. Lors des départs à froid et durant les périodes de réchauffage du moteur, un enrichissement momentané est obtenu par le pivotement de l'axe support de la came de dosage tendant à l'éloigner du poussoir et autorisant ainsi une course accrue de la navette.
Un ressort de rappel remet la came de dosage en position normale de fonctionnement et la retient normalement en butée contre la vis de réglage de course maximum de la navette.
- Injecteurs
Ces injecteurs sont du type à ouverture directe et ne sont pas réglables. Ils ne peuvent non plus être démontés et doivent être remplacés s'ils s'avèrent défectueux. Un injecteur en bon état restera étanche au carburant ou à l'air sous une pression de 2,8 kg et s'ouvrira à une pression de 3,5 kg. Le seul incident que l'on puisse vraisemblablement rencontrer consistera en un clapet coincé en position ouverte, ce qui sera toujours dû à des impuretés contenues dans le carburant et coincées entre la soupape et son siège. Dans la plupart des cas, il suffit de brancher (dans le sens habituel du carburant) l'injecteur sur une ligne d'air comprimé à 5,5 kg, pour remettre en état l'injecteur défectueux.
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