- Côté stands (Auto Hebdo, 28.6.2000) :
- Savant mélange de sport et de technique, l'organisation d'un stand de F1 relève d'une opération militaire. Quatre-vingts personnes, trente tonnes de matériel et une logistique de commando. Si possible sans le moindre grain de sable.
Véritable camp retranché, à Magny-Cours plus qu'ailleurs, un paddock de Grand Prix se monte en quelques heures et se démonte encore plus vite. Entre les deux opérations une montagne de travail, qui débute très tôt dans la semaine.
"D'abord en réceptionnant le stand que nous attribue la FOA d'Ecclestone," explique ric Villemin, responsable de la logistique de Prost GP. "Sa situation géographique dépend de la position de l'équipe au classement du championnat du monde Constructeurs précédent. Autant dire que le nôtre n'est ni le plus vaste ni le plus près de la sortie sur la piste ? Mais tout dépend également des circuits. Certains sont très bien, d'autres d'une autre époque. Monaco ? Très spécial ! Le stand proprement dit est une cabane aux dimensions ridiculement réduites mais il ne s'agit que d'un point utilisable uniquement pendant les séances d'essais et la course. Le vrai travail s'effectue dans le paddock du port, pour Ferrari, McLaren, Williams et Jordan, les quatre écuries les mieux placées au championnat 99, et dans le parking couvert des Pêcheurs pour les autres".
Un premier camion arrive le lundi soir et le premier travail débute très tôt le lendemain matin: le sol est recouvert d'une peinture anti-poussière. Le lendemain s'effectue le montage des structures du stand. Plafonniers, cloisons amovibles, caissons d'outillage, réseaux électrique et d'air comprimé, box pour les baies télémétriques "moteurs" et "châssis".
"Il ne reste plus beaucoup de place pour le reste, soupire ric Villemin. "On essaie alors de l'exploiter au mieux. Une baie Total pour l'analyse des lubrifiants, un box pour les pneus, un autre pour le composite... Puis les monoplaces sont débarquées. Dans le stand leur ordre de disposition est immuable. Voiture de course portant le plus petit numéro au plus près de la sortie des stands, mulet au milieu et voiture de course au numéro supérieur. Sauf à Spa où le mulet est placé sur un côté, le nez face à un mur borgne, Depuis quelques années l'évolution permet aux mécaniciens de ne plus effectuer de montages lourds sur place, Des sous-ensembles sont préparés à l'usine. Trains arrière complets, demi-trains avant et arrière... Souvent, en Europe, un camion part de l'usine le mercredi soir pour arriver dans le paddock le jeudi midi avec un lot de pièces. Celles qui ont servi aux derniers essais privés et qu'il a fallu réviser ou celles, nouvelles, à peine sorties de fabrication. Quelques travaux peuvent être effectués sur place. Dans l'un des camions, les mécaniciens disposent d'un matériel de tournage, fraisage, soudure, réparation polyester et carbone. Hors Europe il faut se déplacer avec une petite liste d'entreprises spécialisées capables de mener ces travaux à bien. Fin 99 nous avons par exemple fait usiner des pièces dans une entreprise de la banlieue de Kuala Lumpur conseillée par l'organisateur du Grand Prix".
Tout est plus compliqué sur ces Grands Prix lointains. Ce que les camions transportent habituellement doit être mis en caisse. Trois monoplaces mises sur palettes et de dix-neuf à vingt tonnes de matériel soigneusement emballé. De quatre-vingt dix à cent caisses. Un travail colossal qui s'effectue en trois jours.
"La hantise est évidemment d'oublier quelque chose, ce qui arrive parfois", note Villemin. "Mais là encore un arrivage hors charter peut être effectué. Il nous arrive de recevoir du matériel jusqu'au samedi après-midi".
Ces déplacements se font à partir de l'aéroport de Milan, où Prost GP rejoint Ferrari, Sauber et Minardi sur un Boeing 747 Cargo affrété par la FOA (Formula One Administration). Deux autres de ces bestiaux partent de Londres avec les écuries anglaises à leur bord, plus deux supplémentaires uniquement réservés aux installations de la télévision digitale. Les documents de douane se remplissent à Guyancourt et sont visés à Milan. Puis re-visés au retour à Milan. Sur place, c'est la FOM (Formula One Management) qui gère. En fait, le paddock est considéré comme zone sous douane dans laquelle tout le matériel est consigné. Il doit en repartir en quantité égale. Impossible, donc, de vendre un aileron à un collectionneur ou une monoplace à un musée !
L'inconvénient des épreuves lointaines ne réside pas seulement dans cette surcharge de travail due à la préparation du matériel.
"Le gain de temps représenté par les déplacements européens est un gros avantage", poursuit ric Villemin. "Entre une heure d'avion et un jour ou un jour et demi, la fatigue n'est pas la même. Les problèmes liés au décalage horaire inexistants. cela s'ajoute un phénomène secondaire néanmoins important. Quitter l'usine et se retrouver quelques petites heures plus tard dans le stand nous permet de rester dans l'ambiance du travail, d'entretenir sans coupure nos préoccupations. On ne déconnecte pas comme on le fait sur les GP lointains. Après le plan humain le plan technique. En Europe nous retrouvons le confort d'un motor-home, d'un stand vaste et de nos camions-ateliers. Dans ceux-ci nous avons non seulement notre stock de matériel mais nous disposons de nos appareils de mesure, de contrôle, de transmission et d'un bureau où nos réunions techniques se déroulent dans le silence, et au frais ! Les hommes arrivent et n'ont qu'à brancher les fils aux prises. La connectique est prête. Ils sont opérationnels d'entrée de jeu. Sur le plan du travail, se retrouver en Europe n'est pas dépaysant, on se sent chez nous, on retrouve des équipes organisatrices que l'on connaît. Moralement c'est bien de pouvoir compter sur la relative proximité de l'usine ou de nos bureaux d'études en cas de pépin grave. Mauvaise surprise technique ? Manque de pièces ? Un coup de fil et l'usine se met au travail. Quelques heures plus tard ces pièces nous parviennent au stand grâce à un fret aérien privé. Le fait d'arriver plus tard sur un circuit nous permet également de travailler jusqu'au tout dernier moment en usine, de poursuivre un ultime essai au banc, voire de valider une évolution. Ainsi, nos moteurs de course peuvent ne nous parvenir que le vendredi soir voire le samedi en cas de besoin. Deux jours de plus peuvent être capitaux ! l'inverse on peut également appeler l'usine pour lui conseiller la modification et la production d'une pièce que l'on pourra tester dès la séance d'essais privés suivante".
"L'Europe c'est aussi la possibilité de dialoguer en permanence avec l'usine, nous explique Gianni Sala, le responsable du secteur électronique de Prost GP.
"Ce que nous faisons également outre-mer mais sans les inconvénients du décalage horaire qui nous oblige à "consigner" du personnel 24 heures sur 24. Nous utilisons pour cela des lignes téléphoniques numériques ou, pour certaines écuries, des lignes satellitaires avec parabole. Système un peu plus rapide mais très coûteux ! Ce système est essentiellement utilisé lorsque le pilote et son ingénieur ne sont pas certains de leur mise au point. Ou, lorsque malgré leurs efforts, la machine ne répond pas à leur attente".
Dès lors, une curieuse opération est lancée. Les ingénieurs restés à l'usine collectent les informations reçues du circuit, règlent une monoplace selon ces data, la soumettent aux tortures d'un banc spécial "quatre roues" truffé de vérins hydrauliques et piloté par un ordinateur capable de reproduire les contraintes du circuit en question. Dans la foulée, ils
procèdent à de nouveaux réglages, voire à l'essai de nouvelles pièces, enregistrent les réactions de la machine, comparent et réexpédient leurs informations aux gens sur le circuit. Qui, dès le lendemain, adopteront ces nouveaux réglages. Cette communication peut se faire en permanence, quasiment 24 heures sur 24 selon les besoins et les problèmes rencontrés, soit deux fois par jour. l'usine il y a un turn-over permanent afin de pouvoir compter sur quelques ingénieurs présents en permanence.
Dimanche, les lumières s'éteindront sur le paddock et dans les stands de Magny-Cours, la peinture anti-poussière sera encore neuve. Mais déjà inutile. Appelée à disparaître à la première séance d'essais.
Outre-mer et en Europe, la composition de l'équipe ne varie guère de plus de deux ou quatre personnes. Les chauffeurs des camions par exemple. Globalement la Scuderia Ferrari déplace de 60 à 65 Personnes sur chaque course. A ce Personnel technique s'ajoute celui spécialisé "marketing" et relations extérieures chargé des Invités du Paddock Club et Partenaires. De dix à quinze personnes selon l'épreuve et la liste des invités. Généralement ce sont donc 80 à 85 personnes au total qui se déplacent sur une épreuve européenne. Soit 60 à 65 chambres à réserver, compte tenu du fait que deux mécaniciens partagent la même chambre.
La logique tient compte de quatre domaines fondamentaux: châssis, moteur et électronique. Cinq mécaniciens pour chaque châssis, dont le chef-mécanicien. En cas d'intervention sur les suspensions, seuls trois de ces mécaniciens interviennent, afin d'éviter la pagaille, et aussi faute d'espace. A ce noyau s'ajoutent les mécaniciens spécialistes. Moteur, boîte, électronique, carrosserie, essence, pneus... Environ douze personnes. Plus les techniciens et trois ingénieurs : Motoriste, électronicien et ingénieur d'exploitation. Soit quinze personnes par voiture. Le mulet dispose d'un régime sensiblement différent, Cinq personnes seulement qui s'ajoutent à l'une ou l'autre voiture "officielle" quand celle-ci tourne. A l'inverse, lorsque l'un des pilotes réclame le mulet, certains de ses mécaniciens s'ajoutent à la petite équipe habituellement dévolue au mulet. En haut de la pyramide l'on retrouve évidemment les spécialistes radio, télémétrie et autres secteurs représentant dix ou douze personnes.
En Europe, quatre camions techniques plus deux camions "support logistique" transportant l'équipement structurel du stand et des motor-homes. Et trois motor-homes. Outre-mer ? Entre vingt-cinq et trente tonnes de matériel voyageant par caisses. Plus les trois monoplaces sur palettes. En fait, outre-mer ou en Europe, le tonnage est grosso modo identique.
- Le caravansérail de Ferrari (Auto Hebdo, 28.6.2000) :
Voici le plan du campement Ferrari lors d'un Grand Prix européen. Le plus confortable car, en vertu de son titre de champion du monde des Constructeurs, la Scuderia dispose d'un quatrième camion. Un de plus que le régime habituel. Un privilège dont elle profite largement.
La disposition des monoplaces dans le stand est immuable. Les deux machines de course et le mulet au milieu. Dans un local voisin prend place le stock de jantes nues et de roues livrées montées par Bridgestone. A droite, un local divisé en Quatre subdivisions réservées aux boîtes (1), aux carburant et lubrifiants (2) dans lequel un technicien Shell dispose d'une machine analysant régulièrement les qualités de l'huile, aux carrosseries (3) et moteurs (4).
Dans les coulisses, l'activité se partage entre l'électronique et les liaisons radio pilotes / ingénieurs / mécaniciens (6) et les baies de la télémétrie concernant moteur et châssis (5); devant chacune d'entre elles un ingénieur surveille attentivement les données dont il est responsable.
A l'extérieur, la semi-remorque (7) se compose de plusieurs salons de travail réservés aux ingénieurs et d'une salle de réunion où se déroulent les traditionnels briefings et débriefings. Plus un bureau-laboratoire réservé à la télémétrie, avec répétition, enregistrement et réexpédition des informations acquises en temps réel.
Le camion (8) ne sert qu'au transport des monoplaces, plus une ou deux coques de secours. Le camion n°3 (9) transporte stock de pièces détachées et moteurs. Quant au n° 4 (10), il se divise en deux parties. Coin atelier avec machines-outils capables de contrôler les amortisseurs, d'usiner des pièces, tout en offrant la possibilité aux spécialistes d'effectuer quelques travaux de carrosserie (polyester, carbone, réparations des fonds plats, soudure, etc.) et une partie réservée à la logistique. En particulier les structures mobiles du stand.
Véritable centre nerveux de ce stand, le réseau de télémétrie se compose d'un capteur (11> qui, à chaque fois qu'une monoplace coupe ses rayons, sur la piste ou dans l'allée des stands, recueille une montagne de données liées au fonctionnement du moteur, de la transmission, de l'électronique, de la direction mais aussi des suspensions. Ces données transitent pour exploitation immédiate par les baies (5) et repartent vers le camion n°1. Là, elles sont stockées pour exploitation future, par exemple lors des réunions techniques.
De plus, fin du fin de la technologie, une liaison satellitaire relie 24 heures sur 24 à partir du mercredi précédant la course ces ordinateurs à ceux de l'usine de Maraneiio via Eutelsat. A tout instant un ingénieur peut alors questionner les bureaux d'études et demander de l'aide, chiffres à l'appui. Le chemin inverse peut être emprunté. A savoir Qu'un ingénieur travaillant à l'usine sur un programme particulier peut puiser à n'importe Quelle heure du jour et de la nuit l'information dont il a besoin.
Une dérivation existe également qui envoie certaines de ces informations dans les motor-homes "presse" et "écurie". Utilisation également de cette liaison par le service de presse de Maranello qui, chaque matin, ne manque pas d'envoyer sur chaque Grand Prix, la quasi intégralité de ce que les nombreux journalistes italiens ont écrit.
De l'autre côté de l'allée du paddock les motor-homes, au nombre de trois. Chacun avec sa tente-salon. Le palace sur roues est en réalité composé de deux semi-remorques accolées, donc intégralement climatisé et silencieux. Réservé aux invités, VIP, commanditaires, il comprend cuisine, bar, bureaux, salles de réunion et bien sûr tout moyen de communication existant sur cette planète... Le deuxième motor-home est réservé à la presse. Pas de cuisine, donc, mais un comptoir de belles dimensions ! Sans alcool. Avec machine à café et son mulet en cas de problème de fiabilité. Télévision à cristaux liquides avec les chaînes de la télé digitale italienne et système de sonorisation pour les traditionnelles rencontres avec Jean Todt et les pilotes. l'intérieur, le maître des lieux Claudio Berro dispose d'un bureau avec ordinateurs, liaison par parabole, fax, photocopieuse, imprimante... ses côtés trois assistants, Stefania, Jane et Bernd. Dans la partie arrière se trouvent un salon pour les interviews privées ainsi qu'un double poste de travail pour les photographes de la Scuderia. Qui, eux aussi, exploitent les liaisons par parabole pour expédier leur production sitôt essais et course terminés. Troisième motor-home, celui réservé à l'équipe. Du moins à ses chefs. Bureau de Jean Todt et de Stefano Domenicali, le directeur sportif de la Scuderia.
- Alerte rouge (Auto Hebdo, 17.5.2000) :
Tous les membres de l'équipe doivent rester à l'intérieur du stand tant que la voiture n'est pas prête à rentrer et y retourner dès que l'arrêt-ravitaillement est terminé.
Les préposés au lève-rapide avant (1) et arrière (11) soulèvent la voiture, le préposé au démontage des roues (2) se charge des roues usées puis se place derrière, le préposé au marteau pneumatique (3) enlève la roue et remet l'écrou de roue, le préposé au remontage des roues <4) la replace.
Le ravitailleur (5) remplit une quantité d'essence prédéfinie, le porteur de lance (6) stabilise la lance pendant le remplissage.
Ferrari dispose également d'un autre mécanicien (12), situé derrière le préposé au remplissage et dont la fonction est de protéger d'un "bouclier" les échappements des projections d'essence.
Le premier contrôleur (7) surveille la stabilité de la voiture, le dexuième contrôleur (8, "l'homme mort") coupant l'arrivée d'essence en cas d'urgence.
Le panneauteur (9) donne les instructions au pilote.
Le nettoyeur (11) nettoie la visière du casque du pilote.
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