Contes et légendes du Berry

Hugues Lapaire

La mauvaise flambette - La charrue


LA MAUVAISE FLAMBETTE
Hugues Lapaire

Claudine jeta sa cape sur ses épaules, mit des cendres sur la bûche de Noël, embrassa longuement son petit Pierre endormi, ferma la porte à double tour et se dirigea du côté de l'église où la cloche tintait pour la messe de minuit.
Elle suivait le chemin de traverse. Ses sabots s'enfonçaient dans la neige qui tombait à gros flocons, couvrant d'hermine les toits de chaume du Grand-Bouet. Elle hâta le pas pour rejoindre ses voisines qui marchaient devant avec des lanternes. La neige leur fouettait le visage, s'engouffrait sous leurs manteaux, les empêchait d'avancer. Heureusement, l'église n'était pas loin. quand elles entrèrent, on chantait déjà les cantiques. La vieille chapelle était toute resplendissante de lumières. Au milieu, sur la paille dorée d'une crèche, reposait Jésus entouré d'une foule recueillie de paysannes en coiffes blanches.
Claudine se mit à genoux sur les dalles froides et pria pour son Jésus a elle, son petit Pierre qui dormait bien chaudement dans son berceau d'osier...
Tandis qu'elle faisait ses dévotions, une ombre effleurant à peine le sol ouaté de neige se glissait derrière les murs de l'enclos, pénétrait dans la cour, ouvrait la porte de sa chaumière.
C'était la Flambette, la fée qui dévaste les nids, la voleuse d'enfants ! Elle était vêtue d'un long manteau noir dont la têtière baissée cachait à demi une face aplatie de crapaud. Sans bruit, elle s'approcha du berceau et son hideux visage frôla les joues de l'enfantelet qui avaient l'éclat des roses fraîchement épanouies. Son haleine empoisonnée se mêla au souffle pur qui sortait de la bouche entrouverte du chérubin, laissant apercevoir deux toutes petites quenottes, blanches comme du lait !
La Flambette l'enleva du berceau sans l'éveiller, lui laissant continuer, entre ses bras glacés, le rêve d'or avec lequel il s'était endormi, puis elle disparut dans la nuit avec son précieux fardeau.
Claudine à ce moment quittait l'église, prise d'une vague inquiétude et d'une sorte de fringale d'aller donner à son bambin le baiser que lui envoyait le Jésus !
Elle ouvrit la porte doucement pour ne pas troubler son sommeil, secoua sa cape couverte de neige, ranima le feu avec quelques brindilles, puis, toute joyeuse, sortit de l'armoire deux amours de petits sabots jaunes à becs retroussés, qu'elle déposa devant les landiers après les avoir remplis de surprises, de joujoux et de bonbons.
Alors, le coeur débordant de tendresse, elle se pencha sur le berceau d'osier, cherchant une menotte, un front des boucles blondes...; mais elle se redressa aussitôt en poussant un cri et portant ses mains à sa lèvre ensanglantée :
"- Oh ! le méchant !" s'écria-t-elle, "il m'a mordue."
Ayant allumé une bougie, elle revint auprès du berceau. La face blême, tendue, bouleversée, la poitrine haletante, elle passa une main fiévreuse et crispée ses yeux agrandis d'horreur. Non ! elle ne rêvait pas Non, elle n'était pas folle! A la place du petit Pierre, frais, rose, potelé, joli comme un jour, se tortillait un affreux gnome velu, grimaçant, prêt à mordre.
L'angoisse la saisit à la gorge. Elle fut secouée d'un grand frisson et s'affaissa devant l'âtre où la bûche de Noël achevait de se consumer.
Lorsqu'elle reprit connaissance, l'aube grise filtrait à travers les vitres. Les coqs chantaient... Claudine se traîna de chaumière en chaumière, racontant d'une voix éteinte l'affreux malheur qui venait de lui arriver. Les gens du Grand-Bouet crurent d'abord qu'elle avait le cerveau dérangé, mais lorsqu'ils virent de leurs propres yeux l'horrible magot que l'on avait substitué à l'objet de leur admiration journalière, ils se signèrent, répandirent de l'eau bénite par toute la maison, et conclurent en regagnant leurs demeures:
"- C'est la mauvaise Flambette qui est passée par là !"
Claudine, aiguillonnée par la douleur, parcourut la campagne. Elle interrogeait des empreintes sur la neige, cherchant parmi les traces de chemineaux et de laboureurs le pas de la sorcière, des indices qui lui fissent découvrir l'antre de la ravisseuse. Ah ! Elle y laisserait plutôt sa vie; mais elle la retrouverait, celle qui substituait sa monstrueuse progéniture aux anges de la terre ! Et si ses pleurs et ses prières ne pouvaient toucher son coeur de reptile, elle saurait bien, en rassemblant ses pauvres forces, lui arracher quand même son enfant !
Elle allait sous les arbres couverts de givre, échevelée, boueuse, les habits en lambeaux, criait sa douleur aux arbres du chemin, tendait ses bras éplorés vers le ciel impassible, demandait pardon à Blanchet, pénétrait dans les fermes, fouillait les berceaux, scrutait les crèches des étables, remuait de ses mains fiévreuses la neige des fossés, pensant trouver son petit, au fond, mort sous les feuilles... Jusqu'à minuit, elle rôda ainsi et fut le jouet d'étranges hallucinations. Elle s'imaginait voir la Flambette accroupie sous chaque touffe de genêts ; elle se précipitait pour la saisir ; mais la mauvaise fée disparaissait aussitôt dans les lueurs sanglantes du crépuscule...
Quelques voisines vinrent veiller avec Claudine le premier soir. Assises en rond autour du foyer, elles n'osaient souffler mot, dans la crainte de réveiller la pensée de l'affligée. A onze heures, elles se retirèrent sur la pointe des pieds, murmurant une consolation :
"- Du courage, Claudine ! Du courage !"
Terrassée par la douleur, indifférente à ce qui se passait autour d'elle, affalée devant l'âtre, l'oeil sur les braises, les mains abandonnées, Claudine n'entendit pas heurter à la porte.
Un coup sec la fit tressaillir.
"- Entrez !" murmura-t-elle.
La porte s'ouvrit, laissant passer un vieux mendiant, la barbe et les cheveux aussi blancs que la neige qui recouvrait sa limousine.
Claudine se leva péniblement, avança une chaise devant le feu et fit signe au mendiant qu'il pouvait s'asseoir.
Minuit sonnèrent à l'horloge.
Le vieux posa son bâton de houx et sa besace dans un coin, approcha ses genoux chancelants de la flamme et promena des regards distraits sur les solives noircies les murailles couvertes de chromos et de portraits, la cheminée avec sa madone en bois peint et ses chandeliers de cuivre, les meubles propres et bien rangés, l'arche et le tourtier où de gros pains de seigle présentaient leur croûte appétissante et dorée.
"- Vous avez faim, sans doute ?" lui demanda Claudine d'une voix tremblante.
Et, atteignant une miche, elle la déposa sur la table avec du fromage et du lait.
Le mendiant remercia et commença son repas.
Des gémissements l'arrachèrent bientôt à sa placidité.
Il se retourna vers la bonne hôtesse :
"- Vous avez de la peine ?" demanda-t-il doucement.
"- Oh ! oui ! un grand chagrin! Je n'ai pourtant fait de tort à personne ! Hélas ! ce n'était pas assez de perdre mon pauvre Blanchet, il fallait qu'une méchante Flambette vînt me ravir mon unique espoir, ma seule joie en ce monde !"
Une larme coula sur les joues du vieux mendiant.
"- Je ne suis pas folle, allez, mon brave homme", continua-t-elle. "Mais il y a bien de quoi le devenir ! Comprenez-vous ? Je venais de le coucher dans son petit lit ; il m'avait dit : "Maman !" avant de clore ses jolis yeux pour dormir, et le temps d'aller jusqu'à l'église, il est parti... On me le vole ! A sa place, je trouve un monstre, une bête immonde qui me mord cruellement et souille le berceau ! Oh ! le revoir seulement une minute, mon petit Pierre, entendre sa jolie voix, qui musiquait si bien : "Maman", le respirer comme une petite fleur, mon mignon !"
A ces mots, un sifflement sinistre se fit entendre au fond du logis, et du berceau, s'élança un énorme serpent qui glissa sur les dalles et s'enfuit par la porte entrouverte.
Claudine, épouvantée, le souffle suspendu, ferma les yeux...
Lorsqu'elle les rouvrit, le vilain gnome et le vieux mendiant avait disparu...
Soudain, elle crut entendre remuer dans la maison. Puis des appels, une voix enfantine qui semblait venir de sous terre la firent sursauter. Elle prêta l'oreille, les yeux illuminés d'un rayon d'espoir, le coeur battant à coups précipités.
La voix s'éleva de nouveau, plus distincte, plus impérative. Il lui sembla reconnaître...
"- Pierre ! mon petit Pierre !" s'écria-t-elle, éclatant en sanglots. "Si c'était lui qui m'appelait !"
Et fébrile, aveuglée par les larmes, elle s'approcha de l'endroit d'où partaient ces cris. Elle ne vit rien que la besace du mendiant oubliée dans un coin.
Découragée, se croyant encore le jouet d'une hallucination, elle allait s'éloigner, lorsque la besace se mit à s'agiter.
A peine eut-elle défait les liens qui le retenaient prisonnier, qu'un adorable bambin aux boucles blondes se dressait devant elle et lui passant ses petits bras autour du cou murmurait : "Maman !".

LA CHARRUE
Hugues Lapaire

Lorsqu'il voyait les garçons de ferme partir avec leur charolais au fanon blanc, Louis Linard, qui n'était encore que bricolin au domaine du Coudray, enviait ces grands gars roux et blonds, coiffés de larges feutres, le gilet ouvert, qui s'en allaient pousser la charrue au flanc des collines, dans la poussière fauve du soleil levant. C'est qu'il se faisait une idée très noble de l'état de laboureur depuis que le vieil Audor, du village des Carroux, personnage fort instruit et qui savait lire dans les livres savants, lui avait conté cette belle légende :
Dans le temps, disait-il, des géants vivaient au haut de ces montagnes dont on aperçoit là-bas, les sommets bleus et qui sont les montagnes d'Auvergne. Un jour, la fille d'un de ces géants descendit vers les plaines de la fertile Limagne. Elle fut éblouie par le spectacle qui s'offrit à ses yeux : les moissons ondulaient, les chaumières fumaient dans le feuillage, les troupeaux paissaient au bord des rivières... Etonnée, elle s'avança et découvrit une petite créature qui s'agitait sur le sol, courbée derrière un minuscule attelage, traînant un instrument tranchant.
La fille du géant prit le tout dans le creux de sa main et regagna les hauteurs :
"- Père", dit-elle à son retour, "vois le joli jouet que j 'ai trouvé dans la plaine !
- Cela, ma fille
", dit le géant, "c'est un laboureur ! Depuis des siècles, ces petits nains cultivent la terre et nous permettent ainsi de jouir de ses présents. Ils connaissent l'art de produire les moissons, d'engraisser les troupeaux, de soigner les ruches et de faire venir le raisin qui pend en grappes vermeilles au flanc des coteaux. Avec le soc des charrues, ils éventrent la terre et préparent sa fécondation. Ils s'acquittent avec gloire de leurs travaux et les dieux les protègent. Si ces nains ne cultivaient plus les collines et les plaines, que deviendraient les géants au haut des monts ? Quel pain les nourrirait ? Quel vin rougirait leurs gobelets ? Va, ma fille, remets le laboureur dans son sillon... Nul ne peut se vanter d'avoir jamais pu se passer de lui !...".

Le jour arriva, enfin, où Louis Linard put, à son tour, conduire une charrue dans les terres grasses du domaine du Coudray. En peu de temps, il devint l'un des plus habiles de toute cette Vallée Noire, si justement réputée pour ses "fins laboureurs". Il mettait tout son orgueil, toute son application à être le premier ! Appuyé aux mancherons de sa charrue, que parfois il semblait flatter comme les bras d'une amie, l'oeil rivé au sol, il traçait le sillon rectiligne et profond, tandis que "l'émodeur", c'est ainsi que l'on nomme celui qui touche les boeufs, chantait devant lui l'antique chant du briolage qui monte avec l'alouette vers les clartés sereines du matin.
Il lui avait donné un nom, à sa charrue : il l'appelait "la Rosalie", et il l'aimait comme un être vivant ; il la caressait de l'oeil ; il n'en trouvait pas une autre aussi docile pour répondre à l'effort des bras qui la guidaient, plus flambante, avec son soc aigu comme une flèche, son coutre tranchant comme un glaive... Il n'était heureux que lorsque les équinoxes ramenaient le labourage !
Louis Linard était le laboureur des Idylles, le paysan des Bergeries... Il était beau dans ses formes et dans ses attitudes; son visage mâle et régulier de jeune athlète s encadrait d'une chevelure brune et crépue comme celle d'un Nubien.

Ce fut en le voyant revenir, un soir, dans la splendeur d'un crépuscule d'automne, le front haut derrière ses boeufs, la veste jetée sur l'épaule, ses souliers et ses guêtres de toile maculés de l'ocre des terres 'boulaises", que Catherine, la fille d'un fermier voisin, s'en était éprise.
Catherine était recherchée autant pour ses biens que pour ses dons naturels. Sa coiffe blanche mettait autour de son pur ovale, légèrement bronzé à la lumière des champs, le nimbe éblouissant d'une vierge d'Holbein ou de Murillo. Ils s'étaient promis à la douceur d'un soir d'étoiles, et le père de Catherine avait consenti à leurs accordailles.
Comme les fêtes du Comice approchaient, il fut convenu que l'on attendrait qu'elles fussent passées pour célébrer la noce. Louis Linard voulait disputer le prix du labourage aux plus fameux laboureurs de la région. Il espérait sortir vainqueur de ce tournoi rustique et, paré de cette petite gloire de village, il se trouverait moins indigne, lui qui n'avait rien, de celle qui lui apportait, dans sa corbeille d'épousée, tant de richesse et de beauté !

La petite ville de La Châtre est en liesse. C'est le Comice agricole ! Les oriflammes claquent joyeusement au haut des mâts plantés à chaque coin de rue ; des trophées de drapeaux flamboient aux fenêtres; des guirlandes s'enchevêtrent, alourdies de lanternes vénitiennes ; des arcs de triomphe se dressent aux carrefours ; les vieilles maisons de bois, avec leurs pignons pavoisés, ressemblent à des aïeules qui auraient épinglé une cocarde à leur cornette, pour la fête !...
De Saint-Chartier, Verneuil, Saint-Christophe, Lourouër, Nohant, de tous les villages de la Vallée Noire, le peuple des campagnes est accouru. La houle bleue et blanche des blouses et des coiffes carrées se déverse au nord de la ville, par-delà les faubourgs, dans une vaste plaine où quarante attelages sont en ligne, prêts à disputer la couronne de feuillage, comme autrefois les jeunes Athéniens aux Jeux Olympiques.

Louis Linard est là, campé derrière la "Rosalie" au soc fourbi, brillant comme l'éclair, que vont traîner six charolais ardents, au poil argenté, au frontail pomponné de laine rouge. Germain, le valet de charrue, va "émoder" les boeufs, et sa sagesse et sa sûreté de main donnent confiance au laboureur ; il saura contenir le couple de tête, s'il est trop fougueux, et actionner les autres.
Louis Linard embrasse le champ du regard et semble défier ses rivaux. Il pourrait les citer tous par leur nom, dire à quel domaine ils appartiennent, et de tous ceux-là il n'en redoute que deux ou trois, des anciens, des gars habiles à conduire une charrue et qui ont déjà remporté la palme dans les concours : c'est Alain de Vie, Tardy des Bourdelins, Caussé d'Ars !
Mais le signal est donné. Les attelages se meuvent ; le labourage commence ! Ici des chevaux se cabrent et rompent leurs chaînes ; là, des boeufs refusent d'avancer... Des fouets claquent, des aiguillons se lèvent et piquent l'échine des "compagnons" ; les jougs grincent, les émodeurs excitent leurs boeufs : "Rondin ! Marjolin! Courtaud ! Ho ! la ! Mignon ! Cerison ! Allons, Rossigneux !". Et le soleil d'automne sème ses rayons d'or sur la glèbe que retournent toutes les charrues à la fois.
Cependant, le bruit, les cris ont cessé comme par enchantement. Une voix s'élève, monte, vibre dans la plaine... C'est celle du grand Thomas, de Lys-Saint-Georges, le plus subtil "brioleux" du canton. Hommes et bêtes semblent l'écouter avec recueillement au milieu de leur travail, comme si l'aile des brises emportait vers Dieu la prière des champs ! Et les six "comparons", les six charolais de Louis Linard allongent le dos sous la caresse de cette voix chaude. Ils marchent, splendides, à douce allure, en pleine lumière; le soc glisse se comme l'étrave d'un navire, s'enfonce, pénètre profond, fouille, retourne la terre ambrée qui fume...
Déjà l'on peut juger du travail de chacun. La foule commente le jury observe. On a crié un nom, là-bas : C'est celui d'Alain ! Louis Linard l'a entendu. Il est inquiet ; il craint que l'autre ait tracé plus droit que lui. Sa main si sûre tremble sur les mancherons. Il s'arrête et s'éponge le front. Sa planche est terminée... Le bel ouvrage, pourtant ! Comme tout est plan et régulier !
Catherine, au premier rang, divine en ses atours du dimanche, cotillon de soie mauve et "pointe" de dentelles noires, le contemple de ses beaux yeux couleur de pensée. Elle a compris son angoisse, mais d'un signe elle le rassure. Et la foule admirative vient encore accentuer sa confiance. Cent bouches maintenant répètent à l'envi le nom de Louis Linard, du Coudray. C'est lui qui sera le vainqueur! Il dépasse tous les autres de vingt coudées !...
Le laboureur se redresse et renaît à l'espérance. Qu'il trace la seconde planche comme celle-ci, et il est sûr de la victoire !
"- Allons ! la Rosalie ! Allons! m douce ! La partie est belle pour nous."
Mais il s'aperçoit que la charrue est détachée. Il se glisse entre les pieds des boeufs et le soc pour accrocher la chaîne... Soudain, emporté par quelle furie ? effrayés plutôt par les exclamations de la foule, les boeufs de tête partent précipitamment, entraînant le reste de l'attelage. Germain, surpris, s'élance... Louis Linard, culbuté, roulé sur le sol, ne se relève plus... La foule accourt. La terre est rouge de sang... Catherine appelle son fiancé, se penche et pousse un cri d'horreur... La "Rosalie", comme une bête jalouse, avait foncé de son soc acéré dans le dos du laboureur, si férocement, si profondément, qu'elle lui avait percé le coeur !